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Grandeur et décadence de Berlin

Vingt ans après la chute du mur, la capitale allemande connaît une crise interne sans précédent. Portrait d’une ville au bord de la déliquescence, entre tensions sociales, faillite financière, et homophobie latente.

Tout l’été, la presse berlinoise et allemande aura titré sur le scandale des S-Bahn, provoquant des démissions en cascade à la tête des transports publics de la capitale réunifiée. Le S-Bahn, c’est le RER berlinois, clef de voûte de la mobilité collective de la vaste capitale allemande, dont la superficie est à peu près celle du canton de Lucerne pour 3 à 4 millions d’habitants. S’amplifiant de semaine en semaine, ce scandale a mis au jour la vétusté du matériel roulant, conduisant à la fermeture de nombreuses lignes, ralentissant, voire paralysant, le réseau d’une capitale où la voiture individuelle est un moyen de transport marginal. Jusqu’alors citée en exemple pour la qualité de son offre et de son réseau, Berlin fait aujourd’hui figure de mauvais élève européen.

Rixes homophobes
En marge de ce scandale, force est de le constater : faute d’investissements, le réseau encore capable de rouler est souvent hors d’âge et d’une lenteur étonnante pour la capitale de la première puissance économique européenne, à l’instar de la ligne U1, qui se traîne péniblement d’est en ouest. Pareil pour les automates à billets, vieux et usés. N’est qu’à voir le trafic au noir de titres de transports dans les gares et stations du réseau pour comprendre la faillite sociale dont témoigne la faillite de l’infrastructure.
De même, certains indicateurs sociaux ne trompent pas : chômage record (15% en moyenne ces dernières années), vaste campagne orchestrée par la mairie contre l’homophobie qui fait un retour inquiétant entre population étrangère et la forte communauté homo (de nombreuses rixes ont eu lieu depuis le début de l’été). Plus parlant, le Bild, quotidien populaire, consacrait un dossier estival aux solutions « Pour se nourrir sainement pour 2 euros par jour à Berlin. »
Alors que la ville a fait du tourisme l’une de ses principales ressources économiques, notamment dans le domaine des loisirs urbains (clubbing, culture, etc.), les petits exploitants de la vie nocturne manifestaient au cœur de juillet contre la politique de répression soutenue par la municipalité, entraînant la fermeture de nombreux clubs. Manifestation finalement interdite d’accès par la police à Alexanderplatz, siège de la mairie.
Dans les bars du quartier-phare de l’ouverture et de l’alternativité, Kreuzberg, le ras le bol des Berlinois est frontalement perceptible : « Ça suffit ces journaux et magazines européens qui vantent Berlin comme un eldorado des arts et du clubbing », s’agace Alexandre, 31 ans, homo travaillant dans la communication audio-visuelle. « Les gens n’arrêtent pas d’affluer ici où la vie est déjà très difficile. Qu’ils restent chez eux et nous laissent essayer de nous en sortir. » Les Berlinois n’en peuvent plus de voir débarquer chez eux les « Möchte-gern » (littéralement les « Aimerais-bien »), population disparate d’artistes, créatifs et branchés, sans ressources, qui viennent profiter du bas coût de la vie en espérant se faire une place au soleil dans une ville déjà incapable d’absorber ses ressources nationales dans l’économie en panne.

Expos exsangues
Côté culture, le malaise est tout aussi fort. Exsangues, les finances des musées ne permettent plus la débauche de grandes expositions qui faisaient l’un des atouts majeurs de la centaine d’institutions de la ville. Tout juste une grande rétrospective consacrée aux 90 ans du Bauhaus au Martin Gropius Bau venait cet été « pimenter » l’offre muséale, essentiellement composée de best-of des collections permanentes.
Plus confrontée sans doute que les autres villes allemandes à la crise économique mondiale, Berlin ne sait plus comment financer ses projets immobiliers. Ainsi, le Tagesspiegel constatait que les entreprises nationales et internationales n’investissaient plus dans la capitale, laissant le champ libre aux privés, regroupés en « fonds familiaux », spécificité du régime juridique allemand permettant à des centaines de particuliers de se réunir pour bâtir. Et les rares projets d’aménagements d’envergure sont bloqués par les dissensions politiques ou les tensions sociales, à l’instar du site du Palais de la République de RDA, détruit, ou du complexe Media Spree, tous deux en panne. Vingt ans après la chute du mur, Berlin a la gueule de bois et son humeur est noire, comme son avenir à court terme. Arthur Babel

Photo: Extranoise/Flickr