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mer 5 juin, 19:30

L’avocate des transidentités

L’activiste transgenre Maria Sabine Augstein se bat depuis des décennies pour les droits des personnes LGBTI en Allemagne. Elle vient de recevoir la Croix fédérale du mérite.

Maria Sabine Augstein est plutôt du genre discret. Ce n’est pas dans les pages des journaux mais dans les tribunaux qu’on peut rencontrer cette avocate spécialiste des droits des personnes LGBTI. Comme si elle ne connaissait que trop bien les dangers d’une exposition médiatique. Cette activiste allemande âgée de 66 ans est en effet la fille d’un des plus grands journalistes allemands, Rudolf Augstein, le fondateur du magazine d’investigation «Der Spiegel», qui près de 70 ans après son lancement reste l’hebdomadaire de référence en Allemagne.

Cheveux taillés au carré, maquillage léger et look BCBG. Difficile de deviner la pasionaria qui se cache sous les traits de cette petite femme au sourire affable et à la voix grave. Maria Sabine Augstein est pourtant la grande avocate de la cause homo et trans en Allemagne. Son nom est connu jusqu’à la Cour constitutionnelle allemande, qu’elle a saisi à plusieurs reprises par le passé. Elle fut par exemple en 1992 l’avocate du couple de célébrités lesbiennes formé par la présentatrice télé Hella von Sinnen et l’activiste LGBT Cornelia Scheel, qui demandèrent à ce que leur union soit reconnue civilement. Sans succès puisqu’il faudra attendre 2001 pour que l’Allemagne accorde le droit aux couples de même sexe de s’unir sous le régime dit du «partenariat de vie enregistré».

Combats acharnés et victoires
L’avocate a également obtenu du Tribunal constitutionnel la suppression de l’article de loi qui obligeait les personnes désireuses de changer de prénom et de sexe à l’état civil d’avoir atteint l’âge minimum de 25 ans. Après des années de combat acharné, elle a par ailleurs largement contribué au fait que le gouvernement allemand autorise depuis 2006 les personnes ayant changé de sexe de pouvoir faire modifier leur passeport, et ce même si elles sont mariées à une personne du même sexe. Elle s’est également engagée récemment pour que les couples homosexuels en union civile puissent bénéficier des mêmes avantages fiscaux que les couples hétérosexuels, qui restent les seuls à avoir le droit de se marier en Allemagne.

«J’appartiens pour ainsi dire à deux minorités: j’étais lesbienne dans le corps d’un homme»

Maria Sabine Augstein est d’ailleurs sans doute elle-même la toute première avocate transgenre de son pays. Née garçon, elle a ressenti un malaise vis-à-vis de son identité durant toute son enfance, se cachant par exemple pour porter des vêtements de fille. Évoquant sa jeunesse dans une rare interview accordée au quotidien allemand «Die Welt» en 2007, elle confiait à ce sujet: «Je ne savais pas quel était mon problème. Je me sentais déchirée et incomprise. Cela me faisait presque mal physiquement. Je n’aurais jamais pu continuer à vivre ainsi. Mon corps devenait de plus en plus masculin, et toujours plus inconfortable. Jusqu’à ce qu’à 17 ans, cela soit soudain évident: je me sens femme. Et je veux être une femme.»

Changement de sexe à 28 ans
En 1977, à l’âge de 28 ans, elle se rend à Singapour pour se faire opérer. C’est son père qui paye l’intervention chirurgicale, non sans lui reprocher au passage de vouloir tout compliquer en devenant une femme qui aime les femmes. «J’appartiens pour ainsi dire à deux minorités: j’étais lesbienne dans le corps d’un homme», expliquait l’avocate à «Die Welt». Sa mère, la journaliste Lore Ostermann, n’acceptera jamais son changement de sexe. Deux ans après l’opération, elle se suicide. Maria Sabine Augstein choisit les prénoms de Maria et de Sabine en hommage à sa cousine et à la femme de son cousin, dont elle était très proche. Elle vit ce changement d’identité comme une «renaissance» et tire un trait sur le passé.

En plus d’oeuvrer pour les droits des personnes transgenres et intersexuées, Maria Sabine Augstein s’est engagée très tôt pour les droits et la visibilité des lesbiennes. C’est par exemple à son initiative qu’une des plus grandes associations LGBT allemandes, la SVD (abréviation de «fédération gay»), qu’elle a rejoint à la fin des années 1990, est devenue en 1999 la LSVD («fédération gay et lesbienne»). Quelques mois après l’opération, elle fait la connaissance de la peintre et photographe allemande Inea Gukema-Augstein chez des amies lesbiennes. Près de trois décennies plus tard, les deux femmes forment toujours un couple et vivent au bord du lac de Starnberg, en Bavière. Elles se sont unies civilement en 2001, l’année-même où la loi sur le mariage homo a été adoptée en Allemagne.