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Pride sous tension à Cracovie

Mi-avril s’est déroulé à Cracovie le Festival de la culture pour la tolérance, le plus important événement LGBT en Pologne. Après une semaine de rencontres et de fêtes, le festival s’est achevé par une Marche pour la tolérance provoquant, comme toujours, des remous de la part de la mouvance néofasciste.

D’abord, ce sont des ballons qui ont explosé à intervalles irréguliers. C’est difficile de remplir un ballon avec de l’hélium, surtout tôt le matin. L’idée pour cette quatrième Marche était de lâcher dans le ciel cracovien 600 ballons de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. «On ne sait pas jusqu’où on pourra arriver cette fois-ci, on lâchera les ballons le moment venu,» affirme Samuel, l’un des principaux organisateurs de la Marche au milieu d’un groupe de bénévoles affairés dans un entrepôt, non loin de la gare principale de la deuxième ville de Pologne. Le lieu du rassemblement et le début de la Marche est le tombeau du soldat inconnu, commémorant la bataille de Grünwald. Voir le drapeau gay qui flotte à côté, c’est tout un symbole! La foule s’est rassemblée calmement. Des gens de tous âges, de toutes nationalités sont là pour défendre leurs convictions, tandis que d’autres sont venus avec leurs enfants pour une balade un peu spéciale. La foule bariolée est vite entourée par un cordon de policiers en armes. La marche a commencé. Le but? Arriver jusqu’à la place centrale de la ville, la plus grande d’Europe: le Rynek.
De l’autre côté de la rue, la contre-manifestation est déjà bien présente. Une foule grise et agressive: Crânes rasés, capuches et écharpes sur le visage, qui rendent anonymes tous ces cris, tous ces beuglements. «Nous, on accepte les homosexuels, mais on ne les tolère pas. Il n’ont rien à faire dans les rues de notre ville! Vous ne pouvez opposer aucun argument à cela», explique un jeune masqué à une journaliste.
L’idée des organisateurs était de faire le tour de la vieille ville de Cracovie – la capitale intellectuelle du pays – en passant par le parc des Planty qui entoure le centre, devant la Curie, et la fenêtre où apparaissait jadis Jean Paul II. La tactique des contre-manifestants était simple: harceler la marche et provoquer une réaction qui aurait pu servir de prétexte. Dispersés dans les rues de Cracovie, des petits groupes viennent jeter des œufs ou brandir des pancartes d’un raffinement excessif: «Vous n’avez pas mal au cul?» Un hélicoptère et des policiers mobiles sont arrivés à contenir les groupuscules. «On ne peut pas parler à ces gens-là, il n’y a que de la haine, rien de plus!» s’emporte un manifestant.
Les manifestants atteignent leur but. Sur le Rynek, les ballons se sont envolés dans un ciel lumineux. C’est aussi là que les opposants bloquent la marche. D’un côté, la foule colorée et souriante qui chante et lance des slogans saupoudrés d’ironie et de provocation, de l’autre, des visages fermés, mornes, qui chantent l’hymne national. Entre ces deux masses contrastées, un cordon de police stoïque mais bien déterminé à mater tout débordement. Entre le mur de flics et les skinheads, sur 4 m2 de journalistes, cameramen et photographes se font prendre à partie par les néofascistes. L’atmosphère est tendue. Un contre-manifestant chauve menace un photographe: pendant l’hymne il doit se mettre debout et chanter. Un autre parle de à un journaliste. Ses paroles son incompréhensibles : Il porte un protège-dents de boxeur. Touristes effarés et promeneurs du dimanche regardent tout cela comme une curiosité du folklore local. Apres l’hymne, des chants racistes, que certains journalistes reprennent en chœur.

«J’aime bien l’odeur de la poudre»

Né en 1984, Samuel Nowak dirige le Festival Culture pour la tolérance. Il est depuis 2006 président de la fondation du même nom. Etudiant, il prépare une thèse sur la théorie des medias et l’importance du film dans la culture féministe et post-féministe.

D’où est venue l’idée d’organiser ce festival?
Tout a commencé par une campagne de sensibilisation. Les grandes villes polonaises ont été placardées de posters qui montraient des couples homos, des gens qui se tiennent par la main dans un cadre de vie quotidien. Rien de bien spécial, mais cela a choqué énormément de monde. Le slogan était «Soyons vus!» eh bien, ça a été réussi! Et moi, j’aime bien l’odeur de la poudre, donc, j’ai lié contact avec les personnes qui ont organisé ça. De là est venue l’idée de faire quelque chose à Cracovie […]

Comment s’était passé le premier festival, en 2004?
Toute la ville était contre nous. Médias, politiques, université nous ont écrit pour faire part de leur désapprobation. On a persisté, pensant qu’il y aurait un maximum de 300 personnes. On était presque 3000! Bien sûr, la police a été vite débordée. Les opposants ont mobilisé énormément de skins et de néo-fascistes. En arrivant au pied du château royal, on a décidé d’arrêter la marche. Grave erreur! Une fois divisés en plus petits groupes, les fascistes nous ont pistés dans toute la ville! Sur la place centrale le Rynek, il y a eu une bataille rangée entre la police et les «chauves», comme on les appelle ici.

Mais cette année, c’était plus calme. Est-ce que le sujet éveille encore autant de controverse?
Nous, les organisateurs, étions mieux préparés. […] La police était aussi mieux préparée pour accueillir la foule. Pour revenir à la question des mœurs, je trouve que, contrairement à ce que l’on croit, l’homophobie n’a fait que s’accroître en Pologne. Nous avons un Ministre de l’Education nationale qui est ouvertement homophobe. C’est lui qui a créé l’organisation néofasciste qui s’oppose le plus fortement à notre marche! Dans tous les autres pays européens, un tel état des choses serait purement impensable. Les extrêmes existent partout, mais nulle part ils ne sont aussi clairement affirmés. Aujourd’hui en Pologne, les deux parties politiques qui sont au pouvoir ont construit leurs doctrines en s’appuyant, entre autres, sur l’homophobie.

Mais tous les Polonais ne sont pas des attardés et des racistes…
Dans mon entourage tout le monde connaît mes préférences et je n’ai jamais eu le moindre problème. Mais la société polonaise est partagée. Il y a un clivage immense entre les grandes villes et la campagne, la province profonde, qui est, hélas, majoritaire dans ce pays. Ce clivage existe partout en Europe, mais ici, le contraste est très fort. Je vais vous raconter une anecdote curieuse: Vous savez quelle critique, très forte d’ailleurs, nous surprend le plus? Celle des homos eux-mêmes, pour qui la sexualité consiste à faire la fête le week-end dans des boîtes labélisées «homo» et qui nous reprochent de remuer un peu trop. Reste qu’au final, le manque de conscience citoyenne des Polonais, donc de liberté de penser, est impressionnant. C’est pour cela qu’on continuera d’organiser ce festival et cette marche.