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Vacance à l’italienne

Fin juillet, le parlement italien rejetait une loi contre l’homophobie. Un signe de plus de l’immobilisme total de la péninsule sur les questions LGBT.

Il suffit de dessiner la carte de l’Europe pour s’en rendre compte: partout, la cause des gays, lesbiennes, bi et trans progresse. Du Portugal, où désormais les homosexuels se marient, à la Croatie, où le partenariat est instauré, en passant par l’adoption par les couples de même sexe qui s’étend au Nord de l’Europe, les droits s’acquièrent, s’étendent, bataille après bataille. Partout ? Pas tout à fait. L’Italie fait étrangement figure de zone désertique sur la carte LGBT de l’Europe, comme figée dans le cliché d’un pays catholique coincé, alors que l’Espagne et le Portugal, eux, engrangent les bénéfices d’une movida venue à bout de tous les tabous. Malgré le décollage économique du pays ces dernières années, sur cette question de mœurs, la botte n’avance pas d’un pouce. C’est le vide, la «vacance à l’italienne»: toujours pas d’union civile à l’échelle nationale, encore moins de mariage et d’adoption par les couples de même sexe, dont ni la droite ni la gauche ne veulent entendre parler. C’est le genre de question qui ne fait même pas débat.

Mais surtout, dans ce climat de silence, les agressions d’homosexuels atteignent des records. Le rapport 2010 de l’association Arcigay recense ainsi plus d’une centaine de cas d’agressions et de violences à l’encontre de personnes LGBT. Une tendance qui dure. L’année précédente, ces statistiques relevaient plus de 195 agressions homophobes, dont 17 homicides. Et encore, ces actes ne sont que la pointe de l’iceberg, l’orientation sexuelle n’étant pas reconnue comme motif d’agression lors d’un dépôt de plainte. Pas une raison suffisante toutefois pour adopter une loi sur l’homophobie qui aurait corrigé le tir et dont le pays aurait grand besoin. Le 26 juillet dernier, le parlement rejetait pour la deuxième fois un projet de loi allant dans ce sens. Motif entendu: «Les homosexuels sont des citoyens ordinaires».

Violence banalisée
Visiblement pas pour tout le monde. Dans les médias, les actes homophobes violents font régulièrement les gros titres, lorsqu’un néonazi, par exemple, attaque à coups de couteau deux étudiants à Rome. Mais l’homophobie n’est pas seulement l’oeuvre de nazillons sans cervelle ; elle est partout, ordinaire, banalisée. A la télévision publique, lorsque le film Brokeback Mountain se fait expurger de tous les baisers entre les deux cow-boys ou lorsqu’une publicité pour Ikea, mettant en scène un couple gay, suscite la condamnation du ministre de la famille. Dans l’administration, lorsqu’un jeune homme des Pouilles, ouvertement homosexuel, se voit déclaré inapte à conduire pour «graves pathologies desquelles pourraient résulter un préjudice vis-à-vis de la sécurité». Et même nourrie depuis le sommet de l’Etat, lorsque Silvio Berlusconi en personne (poursuivi, faut-il le rappeler, pour recours à la prostitution de mineure), déclare qu’«il vaut mieux aimer les jolies femmes que d’être gay». D’ailleurs, à tous niveaux, les déclarations d’un autre âge de politiciens traitant les gays et les lesbiennes de malades s’entendent de Nord au Sud de la péninsule. Une réalité à laquelle sont confrontées les personnes LGBT et qui chaque jour s’en désolent (lire témoignages).

Vulgarité rampante
L’image de cette Italie figée dans un conservatisme tenace, mais qui se vautre par ailleurs dans la vulgarité de l’arrivisme, n’a pas manqué d’inspirer les cinéastes transalpins, de Nanni Moretti à Sabina Guzzanti, auteurs de cinglantes satires sur le berlusconisme. Le Ministère pour l’égalité des chances incarne à sa manière cette politique de la gesticulation. A son arrivée à la tête de ce ministère, Mara Carfagna, ex-présentatrice de télévision et qui fut aussi candidate à Miss Italie 1997, expurgea le site Internet de toutes les références aux actes homophobes. Celle que les organisations LGBT considèrent comme un pur produit du berlusconisme avait aussi demandé en 2008 à ce qu’il n’y ait «ni folklore, ni exhibitionnisme» lors de la gay pride de Rome, soulignant au passage dans le Corriere della Sera qu’elle ne pouvait souscrire à la reconnaissances des couples homosexuels.

Depuis, Mara Carfagna a certes fait quelques progrès, en soutenant le projet de loi avorté sur l’homophobie. Mais le 26 juillet, elle s’est abstenue lors du vote! Le rôle du Vatican, prompt à réagir sur les revendications LGBT, n’est sans doute pas étranger à la lenteur du pays à s’ouvrir à d’autres modes de vie que le modèle normatif. Toutefois, les militants homo eux-mêmes n’exagèrent pas son importance.

«Le pape fait son boulot de pape, le vrai problème, c’est la lâcheté des politiques», lâchait en mai dernier Paola Concia, députée du centre gauche et promotrice de la loi sur l’homophobie au Parlement italien, dans le journal Le Monde. L’Italie, rappelle-t-elle, est d’une manière générale «en retard sur les libertés publiques». Dans cette optique, les années de berlusconisme ont plus que jamais transformé la politique italienne en une comedia dell’arte dysfonctionnelle, mettant en scène des politiciens de plus en plus déconnectés des réalités sociales.

Les observateurs de la politique italienne, à l’instar du sociologue Massimo Introvigne, le soulignent: le berlusconisme est un système qui s’est maintenu au pouvoir grâce à l’alliance de toutes les droites contre la crainte d’un gauchisme mettant en péril le développement économique du pays. Or cette analyse offre une lecture possible de la permanence de l’homophobie dans le discours politique dominant en Italie. Sans être le plus important, le thème de l’homosexualité est un vecteur de rassemblement contre tout ce qui transgresse la norme. Dans cette perspective, on aurait bien affaire à un discours sciemment construit contre des cibles qui rassemblent facilement les masses. Quand Berlusconi lâche sa fameuse phrase comparative sur les «jolies filles» en opposition aux «gays dont il vaut mieux ne pas en être», il ne s’agirait nullement d’une «frasque» irréfléchie ; tout est pensé, construit, pour faire appel à l’ethos italien, à des valeurs fédératrices, quand bien même truffées de clichés, autour d’un «archétype italien». L’espoir d’une mutation La recette durera-t-elle ? Pas sûr. D’aucuns veulent en effet croire que les récentes défaites électorales du berlusconisme – aux municipales comme sur des questions de choix de société aussi cruciales que le nucléaire – préfigurent d’une mutation en cours de la société italienne. Dans la péninsule, les militants LGBT qui recueillent jour après jour des histoires de discrimination et de violences n’espèrent que ça.

«Je n’attends plus rien du parlement»

Eugenia Milozzi, présidente de «Arcilesbica», association romaine pour les lesbiennes, est amère après la décision prise par le parlement de repousser la loi sur l’homophobie. «Je n’attends plus rien du Parlement italien. Ces derniers mois, il n’a fait que prouver en actes et en paroles qu’il se fout royalement du sort de la communauté gay. Imaginez notre déception: il nous faudra attendre deux ans avant d’essayer à nouveau de faire passer cette loi.» Pire, la décision laisse le sentiment chez les homos italiens qu’ils n’existent pas. «L’absence de législation entérine le fait que notre communauté est une minorité invisible, que ce soit en tant qu’individus ou en tant que couples puisque le mariage civil pour les gays, ce n’est pas pour demain non plus», tonne Eugenia Milozzi. «Les lois ne changent pas les mentalités, mais en nous sortant de l’ombre et en nous protégeant un minimum, elles feraient peut-être réfléchir nos agresseurs à deux fois.» Elle a encore eu de la chance: annoncer à sa famille qu’elle était lesbienne n’a pas été trop difficile, elle n’a pas non plus de problème sur son lieu de travail. Mais elle choisit soigneusement les personnes auxquelles je me confie et se sait une exception. «Je ne sais pas pourquoi l’Italie est si en retard. Ce qui est sûr, c’est que ce n’est pas la faute de la religion. Voyez le Portugal et l’Espagne, pays très catholiques, ils ont une immense avance sur nous!» AJ

«Ma famille m’a foutu à la porte. Rien de plus banal»

«A peine ma famille a-t-elle appris mon homosexualité, qu’elle s’est violemment retournée contre moi. Alors que je n’avais que seize ans, ma mère priait tous les jours à l’église pour que je guérisse de ma maladie’, raconte Fabrizio Marrazzo, porte-parole du Gay Center de Rome, Mes parents n’ont jamais été très religieux, mais ma mère a même essayé de me placer dans un couvent! Trois ans plus tard, voyant que je ne ‘changeais pas d’avis’, mes parents m’ont mis à la porte. A peine majeur, je me suis retrouvé dans la rue, sans un sou. Plusieurs années ont passé et mes proches ont accepté mon homosexualité, mais il m’arrive encore aujourd’hui d’entendre des commentaires.»Son histoire, Fabrizio Marrazzo la qualifie de «rien de plus banale». Car la centrale d’appels du Gay Center, plateforme regroupant diverses associations homosexuelles, reçoit chaque jour des appels au secours de toute l’Italie. «Ce sont de jeunes gays virés par leurs familles et qui nous supplient de leur trouver un refuge.» Il se dit dégoûté par l’attitude de la classe politique, qui, au parlement, «ne bouge pas le petit doigt pour nous protéger». Et sidéré par l’attitude de Silvio Berlusconi qui ne se gêne pas pour tourner les gays au ridicule. «Les Italiens qui n’aiment pas les homosexuels se disent que si le président les insulte, pourquoi n’en feraient-ils pas de même?»