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Quand l’Eurovision était irrécupérable

Quand l’Eurovision était irrécupérable
En vrac, Linda Martin (Malmö 1992), Herreys (Luxembourg 1984), Egon Egemann (Zagreb 1990) et Arlette Zola (Harrogate 1982).

Célébré aujourd’hui par le public queer, le concours européen de la chanson a connu un gros passage à vide dans les années 1980-1990. Retour sur une période peu flamboyante, mais ô combien kitsch.

«Il faut vraiment faire preuve de mauvaise foi ou ne pas l’avoir regardée depuis longtemps pour considérer aujourd’hui l’Eurovision comme ringarde», estime Fabien Randanne, journaliste culture à 20 minutes France, qui couvre le concours depuis 2015. De fait, si la compétition musicale connaît un retour en grâce depuis plusieurs années et est largement plébiscitée par la communauté LGBTIQ+, elle a connu une période d’un kitsch difficile à qualifier de camp ou de second degré. On pourrait, du côté suisse, marquer le début de cette époque sombre avec le never-been Amour, on t’aime, présenté par Arlette Zola en 1982.

Pour Jean-Marc Richard, animateur de radio et de télévision qui commente l’Eurovision pour la RTS depuis plus de vingt-cinq ans, c’est l’année 1984 qui marque le début de la phase la plus ringarde du concours, avec la victoire, à Luxembourg, du groupe suédois Herreys avec sa chanson Diggi-loo diggi-ley. Chanson qui, si elle s’inscrit dans la grande tradition des chansons «onomatopée» présentées à l’Eurovision, relève bien de la sous-pop rengaine entonnée par un trio d’ersatz décolorés de A-ha…

«Cette édition 1984 est sans aucun doute l’édition la plus kitsch du concours de l’Eurovision, commente Jean-Marc Richard. Durant cette période, il n’y a aucune réflexion sur la manière de se redéfinir. Des artistes majeur·e·x·s, comme Céline Dion qui remportera une victoire pour la Suisse en 1988, passent assez inaperçu·e·x·s.»

Largué

Le présentateur de la RTS ajoute qu’à cette époque, les maisons de disques ne veulent carrément plus que leurs artistes participent au concours. «C’est le plein avènement des clips et la naissance de MTV, explique-t-il. À côté de ça, l’Eurovision qui ne fait aucun effort pour se réinventer semble particulièrement dépassée.» Effectivement, comme le remarque Fabien Randanne, presque aucun des titres présentés au cours des années 1980 deviennent des tubes, comme ce fut le cas pour le célèbre Waterloo d’ABBA en 1974. Jean-Marc Richard estime qu’on touche le fond en 1992, à Malmö: «Le concours est alors totalement abandonné, aussi bien par le milieu de la musique que par la presse.» L’édition est remportée par une certaine Linda Martin, représentant l’Irlande avec un très à propos Why Me?

Du côté Suisse, les eighties et le début des nineties marquent le comble de la ringardise, avec la sautillante Carol Rich et son Moitié, moitié, en 1987; le crooner-violoniste drapé de blanc Egon Egemann avec Musik klingt in die Welt hinaus ou encore Daisy Auvray avec son Mister Music Man, dans un embarrassant style cabaret en 1992. Autant de chansons qui semblent être des parodies des trends de l’époque.

Heureusement, le temps de la variétoche surannée touche à sa fin. Pour Jean-Marc Richard, c’est lors des années 1993 et surtout 1994, alors que l’Irlande est hôte, que les choses commencent à bouger: «C’est dans ce pays que commence alors à s’engager une vraie réflexion sur comment faire du concours un véritable show. L’interlude proposé, qui est en fait les prémisses du spectacle à succès Riverdance déclenche une ovation et des retombées dithyrambiques.»

Esprit camp

S’amorce alors un progressif dépoussiérage grâce au travail des scénographes et réalisateur·ice·x·s, qui cherchent enfin vraiment à valoriser la voix, mais aussi grâce à l’engouement des fans, notamment de la communauté LGBTIQ+. «C’est un public qui est resté fidèle en se fédérant au sein de l’Organisation générale des amateurs de l’Eurovision, et qui est sensible à l’esprit camp revendiqué de certaines propositions», explique Fabien Randanne. La victoire, en 1998, de l’artiste trans Dana International (Viva La Diva) vêtue d’une robe créée par Jean-Paul Gaultier marque alors un nouveau tournant.

En outre, en 1999, l’Eurovision s’ouvre aux pays dits «de l’Est». Alors, la vieille Europe prend conscience de son immobilisme et du fait qu’elle concourt avec des artistes dépassé·e·x·s. De manière progressive, les propositions se réinventent, et c’est sans doute la victoire de la drag queen Conchita Wurst, en 2014, qui finit de déringardiser complètement le concours, qui sait désormais choyer son public queer et comprend son rôle social et politique. «L’Eurovision ne doit pas s’installer dans ses habitudes», conclut Jean-Marc Richard, aussi bien dans un constat des erreurs passées que dans un souhait pour l’avenir.