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Ils s’aiment

Ils s’aiment
Courtesy of the Nini-Treadwell collection © Loving by 5 Continents Editions

Le Musée d’Art et d’Histoire (MAH) de Genève présente l’exposition Loving, qui parcourt un siècle d’intimité gaie en photographies. Nous avons rencontré Hugh Nini et Neal Treadwell, les collectionneurs qui ont rassemblé ce fonds unique. À découvrir jusqu’au 24 septembre. 

Quatre mille clichés: voilà l’ampleur de la collection des deux Américains, Hugh Nini et Neal Treadwell, texans d’origine qui vivent à New York. Le point commun des clichés détenus par ces deux hommes rieurs et complices, qui vivent ensemble depuis plus de trente ans? Elles immortalisent toutes un lien amoureux gai. Sur ces images prises entre 1850 et 1950, on voit des couples de tous âges, enlacés, intimes, heureux.

Les deux collectionneurs expliquent qu’il y a 23 ans, lorsqu’ils acquièrent leur première photo, ils ont l’impression d’être face à un objet unique: un couple d’hommes immortalisés dans les années 1920. Mais, de rencontres en achats, ils vont être amenés à documenter des centaines d’amants qui partagent tous ce même regard épris: «C’est quelque chose que l’on ne peut pas forcer, il est présent ou il n ne l’est pas» explique Hugh Nini. 

Les deux partenaires publient en 2020 un livre chez 5 Continents, et c’est un succès immédiat. «Ce que les personnes nous disent – qu’elles soient LGBTIQ+ ou cis hétéros – c’est qu’elles remarquent l’amour avant toute chose dans ces clichés. Le fait que ce soient deux hommes apparaît presque secondairement», nous confie Neal, visiblement ému. La force de ces images réside en effet dans le fort lien amoureux qui les sous-tend. Et c’est cette documentation-là qui est importante à leurs yeux: «Les vies homosexuelles ont souvent été consignées par des personnes non concernées, à travers le pouvoir judiciaire ou médical. Nous avons une sorte d’obligation de montrer ces clichés au monde», abonde Hugh. 

On parcourt avec attention les plus de 350 clichés présentés au musée Rath, qui courent de 1850 – aux prémices de la démocratisation de la photographie – jusqu’à l’orée des sixties qui vont marquer le début d’un processus de progrès social pour les droits LGBTIQ+. Qu’elles aient été prises en studio, sur le vif à la plage ou en montagne ou encore à l’abri des regards derrière le rideau d’un photomaton, ces clichés nous font découvrir des couples de toutes classes sociales et de différentes origines.

Courtesy of the Nini-Treadwell collection
© Loving by 5 Continents Editions

Quasi tous anonymes (à la notable exception de Rupert Brooke et Duncan Grant, respectivement poète et peintre ayant appartenu au Bloomsbury Group en Angleterre), on plonge avec délice et une forme de vertige dans l’intimité volée et maintenant documentée de ces couples invisibles aux yeux de la société. Et on ne peut qu’être ému·e·x par un tel bond dans le temps, à travers une histoire sociale qui nous rappelle que jadis, le placard était avant tout un endroit de quiétude, un entre-soi loin d’un monde bien souvent incapable de comprendre l’amour dans ses nuances arc-en-ciel. 

Dans le cadre de cette exposition, l’exceptionnel fonds Nini-Treadwell est mis en dialogue avec le travail de l’artiste zurichois Walter Pfeiffer et avec deux vidéos d’Urs Lüthi. Un dialogue qui poursuit la dimension internationale de la collection présentée, en ajoutant une touche de contemporain à une exposition émouvante, qui illumine des amours d’autrefois qui n’ont pas pris une ride. 

Loving
Musée Rath, Place de Neuve 1, Genève
À voir jusqu’au 24 septembre 2023
Plus d’infos: mahmah.ch