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«Je me sens absolument et profondément libre»

«Je me sens absolument et profondément libre»

On parle identité, partage et utopie avec Léonie Pernet, à quelques jours de son passage très attendu aux Docks de Lausanne.

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L’année 2022 a ouvert un lieu de catharsis et d’enchantement, un cirque de consolation. Titre du nouvel album de Léonie Pernet, Le Cirque de consolation, cet espace itinérant est recréé à chaque nouveau concert. À voir le 26 novembre aux Docks de Lausanne, ce spectacle sera l’occasion de partager l’expérience unique qu’est l’univers musical de Léonie Pernet. Nous avons eu la chance d’échanger pendant une demi-heure avec l’artiste française. Voici un aperçu de la discussion, et si cela ne vous convainc pas d’aller l’écouter, c’est que vous êtes clairement en train de Missing Love, un des titres du dernier album.
 
Comment se passe la tournée du Cirque de consolation?
– Ça se passe très bien, j’ai la chance d’avoir une super équipe de musicien·ne·x·s qui tourne sans cesse. C’est toujours différent, toujours une nouvelle aventure. Je suis heureuse que ce projet soit encore vivant, que nous jouions encore toutes ces chansons. J’ai également d’autres projets en cours parallèlement. Les concerts ne représentent qu’un quart de ce que je fais. C’est un défi, mais c’est génial.
 
Vous êtes en tournée avec Le Cirque de consolation depuis presque un an maintenant. Comment le spectacle a-t-il été accueilli par le public?
– J’ai eu l’impression que les gens ont eu plus de facilité à entrer dans le spectacle que lors de la tournée précédente. J’ai pourtant adoré la tournée précédente, mais celle-ci comporte plus de nuances. C’est toujours assez profond, avec quelques moments mélancoliques, mais c’est plus une fête. Il y a plus d’exutoire, j’y prends aussi plus de plaisir. J’ai rarement autant apprécié les spectacles que depuis la sortie du Cirque de consolation. Je me sens absolument et profondément libre. Sur scène, il y a quelque chose qui a changé. Je m’amuse plus, je suis plus à l’aise dans mon corps, dans l’espace. Il y a aussi le fait que je chante en français cette fois-ci. Avec un public français, la connexion est complètement différente.
 

Sur scène, il y a quelque chose qui a changé. Je m’amuse plus, je suis plus à l’aise dans mon corps, dans l’espace

Vous dites qu’il y a plus de connexion. J’ai vu que vous aviez décrit l’album dans une de vos interviews comme une proposition d’échange. Quel type d’échange entendiez-vous par là?
– D’abord, c’est l’idée du lieu: le Cirque de consolation. L’idée est que les concerts soient un moment de rencontre avec le public, comme une consolation collective. Il y a aussi des petits messages qui sont disséminés dans l’album: des éléments autobiographiques, même s’ils sont plutôt métaphoriques, des thèmes récurrents, comme le sujet du racisme, parmi beaucoup d’autres choses. Je pense que les personnes qui me suivent et qui lisent mes textes savent d’où je viens et voient l’utopie que je propose. Les concerts y ressemblent parfois et quand on y parvient, c’est incroyable.

Il y a une chanson qui me touche particulièrement dans l’album, Les chants de Maldoror. Il y a cette phrase très émouvante dans les paroles: «Féminin malgré mes efforts».
– J’ai vu dans des concerts que c’est une phrase que les personnes queer du premier rang crient toujours. Elle est sortie toute seule, et j’ai vu qu’elle résonnait avec le public. C’est une chanson qui parle de la relation que j’entretiens avec le genre, cet espace intermédiaire où je ne bascule ni dans la transidentité, ni dans le confort. Une sorte de danse étrange entre le genre féminin qui est le mien et l’identité queer. Je porte cela dans le temps aussi. On ne le vit pas de la même façon à vingt ans qu’à trente. C’est toujours en train de changer, c’est ce qui est si étonnant. C’est peut-être l’une des premières fois que j’ai exploré ce thème-là dans une chanson.
 
J’ai aussi beaucoup aimé le travail que vous avez fait pour le clip de Hard Billy, avec le documentariste Jean-Gabriel Périot qui travaille beaucoup sur l’histoire et la violence. Quelle a été votre approche en choisissant de travailler avec lui?
– J’adore le travail de Jean-Gabriel. J’avais déjà projeté l’une de ses œuvres intitulée Le Diable à Paris, en 2019. C’est un court-métrage d’archives en noir et blanc sur les Black Panthers. Pour Hard Billy, je voulais me pencher sur l’Afrique, en particulier sur les masques, mais aussi chercher une vérité qui dépasse le cadre de mon sujet. Jean-Gabriel a quelque chose de très puissant. Il est monteur à l’origine, et un monteur de talent. Il est très musical et rythmique. Il monte ses films en musique avec des choix précis, c’est toujours très pointu. C’était un choix assez évident. Honnêtement, je pense que ce qu’il a fait est incroyable. Il a parfaitement compris où je voulais aller. Il a saisi la chanson et l’idée en une seconde. Je suis très heureuse de ce qu’il a réalisé.
 
Vous avez commencé à être DJ dans des soirées queer. Il y a la notion récente de queertopia, notamment dans le milieu de la musique électronique, qui développe cette notion d’espace de liberté et de sécurité, de partage autour d’expériences communes. Le ressentez-vous?
– Oui, bien sûr, cela existe, mais pas seulement la nuit. J’ai un groupe d’ami·e·x·s avec qui nous – nous connaissons depuis longtemps, et nous partageons beaucoup de moments ensemble. Ce concept de queertopia, j’imagine que ce que nous vivons peut y ressembler. Mais tout ce qui ressemble à un sentiment d’humanité, de solidarité, de bienveillance. Il peut y avoir une queertopia sans aucun doute, mais il y a la même chose dans d’autres communautés, il suffit d’ajouter le -topia à côté.
 
C’est vrai qu’on associe toujours queerness et vie nocturne, et c’est assez limitatif, dangereux même.
– C’est un style de vie, mais il y a tellement plus que ça. Chaque fois que quelqu’un me parle de «queerness», on ramène le sujet à la vie nocturne. Je ne sors plus la nuit et pourtant je ne suis pas devenu hétéro, alors je ne comprends pas! Le monde est vaste. Il y a tellement de façons d’être ensemble, pas seulement entre 23 heures et 5 heures du matin.
 

Un grand merci à Léonie Pernet pour son temps et ses réflexions, et si 11 heures à 5 heures du matin n’est effectivement pas le seul moment pour être ensemble, ce sera certainement un bon moment, le 26 novembre aux Docks à Lausanne, où Léonie Pernet sera accompagnée de l’artiste français Lonny et de la DJ iranienne Nesa Azadikhah!

Article adapté de l’anglais, paru sur bowiecreators.com