Le camp à l’honneur au LUFF
La 21e édition du LUFF, Lausanne Underground Film & Music Festival, revient du 19 au 23 octobre 2022 au Casino de Montbenon et dans différents lieux lausannois.
On ne présente plus le festival emblématique qui rythme le début de l’automne lausannois. Cette année, le festival underground s’intéresse au camp, avec notamment un cinérama intitulé Bad Taste is Good Taste: Underground Camp Melodrama. La sélection présentera entre autres Multiple Maniacs du génialissime John Waters, réalisateur fantasque américain qui révéla au monde la non moins génialissime drag Divine, ou encore Thundercrack que le festival décrit comme «une fresque gothico-porno».
Comme à son habitude, le LUFF explore également d’autres univers artistiques entre musique, expositions et workshops. Dans cette dernière catégorie, Elena Biserna, historienne-curatrice indépendante, mènera un atelier intitulé Feminist Steps, dont la vocation est de proposer «une plateforme de réflexion sur les expériences d’écoute genrées dans l’espace public et de désapprentissage de certains comportements considérés comme appropriés, sûrs ou attendus lorsque nous marchons». Ce workshop réservé exclusivement aux femmes, personnes non conformes au genre et personnes queer se tiendra à deux reprises, le jeudi 20 et le vendredi 21 octobre de 20h à 23h.
360° a posé trois questions à Eric Peretti, programmateur cinéma pour le LUFF.
Que signifie le terme camp et d’où vient-il?
Le terme camp fait partie de ce lexique que l’on utilise fréquemment tout en sachant qu’il est compliqué de le définir clairement. C’est l’essayiste et romancière Susan Sontag qui sera la première à tenter de le théoriser, en 1964, dans Notes on Camp. Si c’est un texte important qui pose un bon nombre de bases, il ressemble plus à un jeu de pistes réflexives qu’à une véritable étude. À sa suite, l’écrivain Pascal Françaix propose une très bonne définition: «Le camp, c’est la pose effrénée, l’affectation érigée en système, la dérision par l’outrance, l’exhibitionnisme exacerbé, la primauté du second degré, la sublimation par le grotesque, le kitsch dépassant le domaine esthétique pour pénétrer la sphère comportementale.»
L’origine du mot en lui-même reste floue, mais il semblerait qu’il s’agit d’une dérivation du verbe français «camper» lorsqu’il est employé pour parler d’une interprétation. Camper, c’est prendre la pose.
S’il n’y en avait qu’une seule à choisir, quelle œuvre cinématographique de la 21e édition du LUFF recommanderiez-vous à notre lectorat?
C’est une question horrible! Mais il est vrai que le LUFF propose tellement de séances que celles·eux qui n’ont pas forcément le temps, les ressources, ou tout simplement le don d’ubiquité, vont devoir cibler certains titres au détriment d’autres. Personnellement, je recommande Thundercrack. Avec ses 159 minutes au compteur, dont 17 d’interlude musical à mi-parcours pour pouvoir souffler et faire connaissance avec ses voisins de fauteuil, c’est un peu l’Autant en emporte le vent de la sélection. Un mélange improbable de pornographie non consensuelle, d’humour, de drame, de passion et d’horreur, écrit une nuit d’orage et tourné sans moyens, dont les excès en tout genre (visuels, narratifs ou au niveau de l’interprétation) finissent par le transformer en une œuvre définitive. Il faut savoir que le film n’a jamais trouvé son public à l’époque [ndlr: en 1975]. Trop long, trop fou, trop porno, trop gai, trop fauché. C’est dans les années 90 qu’une copie remontée et raccourcie a circulé illégalement. Le LUFF va proposer le montage intégral et restauré du film, pour qu’il puisse être à nouveau (re)découvert et apprécié dans toute sa géniale démesure.
Un·e·x artiste·x que vous vous réjouissez particulièrement de voir performer dans ce festival?
J’ai hâte de vivre (oui, au LUFF, on n’assiste pas platement au concert, on s’y immerge totalement!) la performance de Deli Girls, le duo de Brooklyn dont la musique, déjà bien sale, chaotique et violente lors d’une gentille écoute chez soi, devrait faire résonner nos corps de plaisir.