Tal Madesta sort un premier essai sur la sexualité obligatoire
Dans Désirer à tout prix, Tal Madesta décrit, entre intimité, théorie et politique, ce que l’obligation à la sexualité fait aux individus et à la société. Portrait d’un auteur qui souhaite parler à tout le monde.
Fin avril, le soleil perce à peine les nuages au-dessus de Paris. Tal, contributeur régulier du magazine 360°, et moi-même nous installons à la terrasse d’un café dans le 11ème. Le jeune journaliste indépendant trans* partage son temps entre écriture et militantisme, en contribuant notamment à Vogue France, La Déferlante ou encore Binge Audio.
«J’ai beaucoup eu ma mère en tête pendant l’écriture»
«J’ai grandi dans un petit village du Sud de la France. Ma mère et ma grand-mère n’avaient pas d’ami·e·x·s là-bas, elles ont été poussées vers le couple comme seule forme de sociabilité possible.» C’est avec l’isolement des femmes en héritage et son corollaire, le couple obligatoire, que Tal fait naître sa réflexion autour de la sexualité et de la famille nucléaire. «Ce livre démarre par une réflexion personnelle initiée il y a un peu plus de deux ans. Mais c’est suite à l’enregistrement d’un podcast avec Victoire Tuaillon [ndlr: créatrice notamment du podcast Les couilles sur la table et Le cœur sur la table] que le projet prend la forme d’un essai, lorsqu’elle me propose d’écrire sur cette thématique.» Ancien militant dans le collectif qui organise les collages anti-féminicides à Paris, très engagé sur les thématiques trans* et féministes notamment, Tal souhaite s’adresser à un public large. «J’ai beaucoup eu ma mère en tête pendant l’écriture. La vocation de ce livre n’est pas de s’adresser à un public parisien, éduqué et militant. Je souhaite parler à tout le monde.»
Désirer à tout prix
L’essai s’ouvre sur l’expérience intime de la violence qu’a connue son auteur, avant de tisser des liens serrés entre cet intime douloureux, insupportable, ses effets dans le quotidien et ses implications politiques. Soutenu par une multitude d’auteur·ice·x·s issu·e·x·s des sciences sociales et du militantisme, l’argument central peut se résumer ainsi: «Comment la sexualité est-elle devenue obligatoire dans notre société et quels sont les effets de cette obligation?»
Pour y répondre, Tal Madesta s’engage dans une démonstration en deux temps. D’abord, en questionnant le désir-obligation, et en montrant sa contingence historique, à travers des arguments issus de la pensée anticapitaliste, féministe et transféministe notamment. Ensuite, en explorant d’autres types de liens possibles, comme le foyer et l’amitié, les revers dévalorisés des sacro-saints couple et amour. Ici se mêlent citations pointues (on croise notamment Alexandra Kollontaï, Adrienne Rich ou encore Audre Lorde), et récits intimes d’ami·e·x·s de Tal et d’inconnu·e·x·s témoignant à travers les réseaux sociaux.
Le livre, facile d’accès sans faire l’économie d’un argument complexe, s’offre le luxe de proposer à son lectorat un lexique qui permet à tout un chacun de cerner les termes, parfois courants, explorés dans l’ouvrage. Ainsi, on y retrouve des définitions pour «hétéronormativité», «capitalisme» ou encore «biopouvoir».
Bien qu’exigeant à certains endroits, ce pamphlet contre une institution (la sexualité et son obligation) qui a sournoisement réussi à se faire passer pour naturelle, se lit d’une traite. Un livre riche à l’écriture fluide qui se dévore et se partage sans retenue.