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Udo Kier, les yeux revolvers

Udo Kier, les yeux revolvers
@Vincent Calmel

Acteur culte du cinéma underground, Udo Kier est en Suisse pour présenter son nouveau film Swan Song. Nous l’avons rencontré durant le GIFF à Genève.

Si les yeux de Bette Davis méritent pleinement l’hommage rauque de la chanteuse Kim Carnes, ceux d’Udo Kier n’en mériteraient pas moins. A 77 ans, ses yeux couleur émeraude sont toujours autant vifs et perçants. Sans amertume ni obscurcissement, ce qu’on y lit aujourd’hui, c’est qu’ils en ont vu passer à travers le temps. Plus connu que sa propre filmographie, son regard le précède. En novembre 2021, l’acteur culte du cinéma underground est au GIFF pour présenter l’incroyable Swan Song réalisé par Todd Stephens (lire notre critique en pages XXX). Vêtu d’une paire de jean’s, en chemise et veste en cuir noires, il arrive et irradie les lieux. L’aura d’une star. En bonus, son sens de l’humour est irrésistible. A l’étage, plusieurs endroits nous sont proposés pour nous installer, l’acteur choisit une petite table vers la fenêtre. Dehors, la nuit tombe pendant que les yeux du «plus bel homme du monde», comme l’avait surnommé la presse anglaise après son premier rôle dans La Route de St-Tropez en 1966, me transpercent. La veille, Udo Kier n’a pas pu se rendre en Serbie pour recevoir le Prix Bela Lugosi pour son interprétation du fabuleux coiffeur retraité Pat Pitsenbarger. Après 50 ans de carrière et plus de 200 films à son actif, l’acteur se voit encensé pour la première fois à l’unanimité par la critique et le public. Il s’en amuse: «Le New York Times a consacré une page entière au film en titrant: Udo Kier devient enfin un premier rôle. Aux Etats-Unis, contrairement à Pat dans Swan Song, on ne s’identifie pas aux petits rôles, tels que celui que j’avais eu dans Armageddon (1998) par exemple.»

«Le danger avec ce type de rôle, c’est de tomber dans les clichés. Je voulais éviter ça à tout prix»

Éviter les clichés

Comme tout au long de sa carrière faite d’heureux hasards et de rencontres déterminantes, il n’a pas vu le rôle de Pat arriver et ne connaissait pas le réalisateur Todd Stephens. «Il m’a envoyé le scénario, se souvient-il. Je l’ai lu, il m’a plu, alors je l’ai relu. Puis je l’ai invité chez moi, je voulais connaître ses intentions. Nous avons énormément parlé, j’ai apprécié les raisons pour lesquelles il souhaitait réaliser ce film. Le danger avec ce type de rôle, c’est de tomber dans les clichés. Je voulais éviter ça à tout prix.» Au fil du temps, Udo Kier a développé un instinct particulier pour incarner ses personnages. Comme il le répète à l’envi, il ne joue pas. «Don’t Act», la discipline est plus compliquée qu’il n’y paraît, surtout quand on connaît le cinéma sous tous ses angles. «Je ne voulais pas trop répéter pour éviter une approche trop théâtrale, souligne-t-il. Todd Stephens et moi nous sommes mis d’accord sur tous ses points et lorsqu’il a fini par trouvé le financement en organisant un crowdfunding, nous avons commencé à tourner les scènes dans l’ordre chronologique pendant 18 jours dans l’Ohio.»

«De nos jours, on voit des jeunes s’embrasser dans la rue ou chez McDonald’s»

L’habit de lumière

Tourné comme un road-movie en slow motion à pied à travers une petite ville des Etats-Unis, le long métrage s’attarde sur les détails qui font toute la différence. Comme les looks de Pat, qui déambule en sneakers et jogging dans ses chaussettes avant de tomber sur le fameux costume vert que l’on voit sur l’affiche du film. «Dès le moment où je l’ai porté, je ne l’ai plus enlevé. Il donne cette petite touche David Bowie au personnage. J’aime beaucoup ce film car il documente une époque précise pas si lointaine et qui n’existe plus.» L’acteur se remémore sa jeunesse en Allemagne et ce paragraphe de l’article 175 du Code pénal qui envoie les gays en prison jusqu’en 1994. Heureusement, les temps ont changé, mais la mémoire reste. «Quand je travaillais avec Rainer Werner Fassbinder, nous voyions des acteurs mourir du sida. Aujourd’hui, grâce à la recherche, on peut traiter le VIH avec des médicaments et on n’en meurt plus. Il y a ne serait-ce que 20 ans, on devait faire gaffe à ne pas se faire voir quand on entrait dans un bar gay. De nos jours, on voit des jeunes s’embrasser dans la rue ou chez McDonald’s, s’exclame-t-il dans un éclat de rire. J’adore cette scène du film où Pat retrouve son vieil ami sur un banc. Ensemble, ils se souviennent de leur jeunesse tout en observant un couple gay avec leur bébé. Il ne faut pas oublier qu’il y a quelques années encore, se marier et avoir des enfants était impensable quand on était gay.»

La vieillesse n’est pas un naufrage

Quand le film est sorti à Los Angeles, l’équipe est allée le présenter dans les écoles et les universités: «J’étais très agréablement surpris de constater à quel point les jeunes l’apprécient. Une fille de 16 ans est venue me dire à la fin que c’était le plus beau film qu’elle n’avait jamais vu.» Ce dialogue intergénérationnel est amplifié par la simplicité et l’honnêteté d’Udo Kier dans son rôle. Les premières scènes du film se déroulent dans une maison de retraite où Pat s’ennuie. «Il ne me reste que mes clopes», rétorque-t-il à l’infirmière qui les confisque. L’acteur précise: «J’ai demandé à être seul pendant deux jours pour m’acclimater dans ma chambre, sans caméra. Simplement être là, essayer de dormir dans ce lit et observer le paysage et les oiseaux depuis ma fenêtre pendant quelques heures». Heureusement, sa vie privée ne rejoint pas la fiction. «Je suis devenu une personne du désert, je ne pourrais plus jamais vivre dans une ville comme Los Angeles. A Palm Springs, je vis entouré de ma collection d’œuvres d’art faites par mes amis Andy Warhol, David Hockney et Keith Haring. Et j’ai tout l’espace que je souhaite autour de moi.»