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«Ammonite», l’amour sous la carapace

«Ammonite», l’amour sous la carapace

Francis Lee raconte la passion de deux femmes qui défient les conventions de l’Angleterre victorienne. À découvrir dans les salles ce mercredi, avec les superbes Kate Winslet et Saoirse Ronan.

En cette année 1840, Mary Anning mène une existence dure, austère et morne. Éclipsée par l’Histoire, cette femme fut pourtant une sommité autodidacte de la paléontologie. Ses importantes découvertes, notamment celle du squelette d’un plésiosaure qui lui valut une renommée mondiale, sont déjà du passé. Elle habite désormais avec sa mère une modeste maison dans un village côtier du Dorset et glane des ammonites, des fossiles qu’elle vend aux touristes pour subsister.

Mary garde pourtant quelques admirateurs. L’un d’eux, un riche noble londonien en partance pour un voyage d’affaires, lui demande, moyennant rétribution, de prendre en pension Charlotte, son épouse convalescente et de l’initier un peu à sa science. La scientifique se montre réticente, mais elle a besoin d’argent et accepte de s’en occuper. Elle finira par s’attacher à cette jeune femme de la haute société dont elle ne savait que faire. S’enclenche alors une passion interdite, étouffée par les conventions, entre deux êtres dissemblables mais qui défieront les barrières sociales dans l’Angleterre si corsetée de l’époque victorienne.

Identification
On est tenté de rapprocher le film, labellisé Cannes 2020, de Portrait de la jeune fille en feu, certains arguant même que son plus grand malheur est d’arriver après le chef d’œuvre de Céline Sciamma. Ce n’est vraiment pas rendre justice à Francis Lee, auteur de films très personnels, comme il l’avait prouvé dans son premier long-métrage, God’s Own Country (Seule la terre, en 2017), où il évoquait une romance entre un fermier du Yorkshire et un travailleur immigrant roumain. Là déjà d’ailleurs, on l’avait comparé au célèbre Brokeback Mountain d’Ang Lee. Le Britannique, un grand garçon doux de 51 ans, s’était senti flatté, tout en marquant sa différence. Il aime simplement parler de la découverte des sentiments, des réactions émotionnelles liées au fait d’aimer et d’être aimé. Tomber amoureux a par exemple été pour lui la chose la plus difficile tant il craignait d’avoir le cœur brisé, comme il nous le racontait à l’occasion d’une rencontre à Genève.

Ses héros et héroïnes sont en outre fortement connecté·e·s à la nature et à ses éléments, parfois déchaînés, révélateurs symboliques de la passion et de ses tourments. La majeure partie de ce second long métrage se déroule ainsi sur une plage de sable balayée par de grosses vagues venant se briser sur les roches qui s’effritent.

Lente libération
Francis Lee prend son temps pour installer son émouvante et poétique intrigue, sublimée par de magnifiques images et un excellent casting. À commencer par Kate Winslet (Mary). Mutique et revêche sous sa carapace, elle peine à se libérer, avant de succomber aux désirs secrets qui animent son personnage. Une interprétation poignante, sans doute l’une des meilleures de sa carrière. Saoirse Ronan se montre à la hauteur dans le rôle de Charlotte, tout comme Gemma Jones dans celui de la mère de Mary.

Il faut toutefois noter qu’Ammonite n’est pas une biographie de Mary Anning, mais une histoire très librement inspirée de sa vie. Le réalisateur qui dit cacher en lui une part de la paléontologue, étant comme elle né pauvre et sans accès à l’éducation, lui prête une liaison qu’elle aurait pu avoir. Ce qui a choqué. On reproche en effet à Francis Lee de raconter une relation lesbienne, alors qu’il se serait plutôt agi d’une amitié avec Charlotte Murchison. À quoi le cinéaste a répondu que s’il n’existait pas de preuve d’une histoire d’amour de Mary avec une femme, il n’y en avait pas non plus avec un homme. On s’en tiendra donc à la licence cinématographique. Et cela apparaît parfaitement crédible dans cet opus so british.

Dans les salles romandes mercredi 12 mai. Lire également la coup de cœur de Vagin Pirate dans notre édition de mars.