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Une Brigitte peut en cacher une autre!

Une Brigitte peut en cacher une autre!
Photo © Frank Loriou

«Terre Neuve» marque le retour de Brigitte Fontaine après sept ans d’absence. L’album est accompagné d’une monographie signée Benoît Mouchart, aux éditions du Castor Astral. Entretien.

Nous nous étions parlé en 2006 à la sortie de l’album «Libido». Comme le temps passe vite! Et comme la plupart de mes congénères en ce début d’année, j’envoie des textos à mon entourage proche, parmi lesquels ma tante Brigitte, la vraie. Précision triviale mais néanmoins nécessaire: entre-temps j’ai renoncé à l’iPhone pour un Samsung, ce qui fut l’occasion d’une synchronisation de mes contacts, avec suppression des doublons. Ainsi donc, le 2 janvier, j’envoyais mes vœux à tatie Brigitte, à grand renfort d’émoticônes bisouteuses. Le 3 janvier, mon téléphone vibre et Brigitte s’affiche en grand sur le cadran. «– Allô tantine?» Et là, une voix de taulière que je ne lui connais pas me lance: «– Euh, meilleurs vœux! Mais je ne sais pas qui est Pascal?» Ni une ni deux, je réalise le quiproquo et me confonds en excuses. Sur quoi la dame raccroche sur un au revoir cinglant.

Je reste un peu hébété, puis me ressaisis, renvoie un SMS lui demandant, puisque son nouvel album paraît fin janvier, de m’accorder un peu de son temps. Dix minutes plus tard, le téléphone sonne. «Pouvez-vous venir près de chez moi sur l’île Saint-Louis?», «– Ce serait avec plaisir, mais je n’habite plus Paris.» Et nous convenons d’un appel dans l’heure qui suit. Autant l’avouer tout de suite, je n’écouterai son album qu’après notre petit entretien. Mais avec Brigitte Fontaine, comme dans un conte de Lewis Caroll, tout peut se faire à l’envers et on n’est pas à une anomalie près.

La nef des fols
Tragi-comique, le nouvel album de Brigitte Fontaine nous embarque à destination de cette «Terre Neuve» dont on sent bouillir le magma à travers textes et musique, grâce notamment à Yan Péchin à la guitare et à la réalisation. L’ex-guitariste de Bashung, qui accompagne Brigitte depuis près de 15 ans, colore ses riffs de sonorités faisant écho aux premiers albums des Banshees, période «The Scream», «Join Hands» ou «Juju», qui évoquent aussi une ascendance avec le Velvet Underground, notamment sur «J’irai pas», «Ragilia» ou «Hermaphrodite».

L’inénarrable voix de contralto se fait incantatoire lorsqu’elle déclame ses textes d’un nihilisme punk assumé. La reine des kékés manie toujours la rime et l’oxymore avec délectation, comme dans «Haute Sécurité» où elle déclare:

«Mon cœur est un zéro dans la carte du tendre / mon cœur est un cachot sans corde pour se pendre (…) mon cœur est un quartier de haute sécurité…»

Sans jamais amarrer à aucun port, elle nous fait louvoyer aux rives de cette terra incognita, dont elle semble lancer les coordonnées GPS comme une bouteille à la mer. Puis déferle «Mais parlons d’autre chose» qui clôt l’album, où elle aborde sans l’accoster le thème de la mort qui n’est apparemment pas vue comme une finitude, mais justement comme autre chose…

– «Vendetta» est le premier extrait de cet album. Pourquoi ce morceau-là?
– Parce que c’est tellement énorme de rage et de haine que c’est rigolo quoi. Mais c’est un album très divers, il y a des chansons presque tragiques ou dramatiques, oui. Ou bien alors c’est des trucs rigolos, avec des inserts, des breaks, des proclamations. Voilà, elles sont toutes nouvelles, à part Ragilia qui est très peu connue car le disque d’origine a disparu un peu dans l’espace à cause du producteur («L’Incendie», 1974, ndlr).

– Mais cette colère, elle n’est pas à prendre au premier degré n’est-ce pas?
– Ah ouais, au premier degré! C’est la rage, la haine, la justice! Et en même temps, eh ben, c’est tellement gros qu’on ne peut pas trop prendre ça au sérieux vraiment. Et puis à la fin, comme dans les banquets de famille, quand j’étais petite, euh… voilà!

– Tout le monde se réconcilie, c’est ça?
– Si vous voulez oui, si vous voulez. Mais attention, hein!

– Dans ce titre vous voulez empaler tous les mâles et châtrer les psychiatres?
– Oui, ça m’est venu comme ça, j’étais tellement hors de moi, et puis ça rimait. Et évidemment les psychiatres ont affaire à des mecs qui ont la peur de la castration, enfin paraîtil? Alors, c’est rigolo de penser à les châtrer eux-mêmes.

– Vous-même, vous êtes une femme phallique n’est-ce pas?
– Ah non pas du tout! Je suis vraiment la femelle, la plus femelle de tout le pays.

– Ou de tout l’univers?
– Oh, si vous le dites. Moi, je ne connais pas l’univers. Je connais un peu la France. Enfin, beaucoup même.

– La dernière fois qu’on s’était parlé, vous étiez en colère parce que je trouvais vos textes parfois surréalistes. Mais apparemment vous n’aimez pas du tout les surréalistes.
– Non, j’aime pas trop. Je préfère les dadas. Je suis plutôt dada, ou punk. J’étais punk il y a très longtemps quand on n’existait pas. Et puis je le suis redevenue peu à peu, et maintenant je suis carrément super-punk!

– Apparemment Yan Péchin a été très investi sur cet album…
– Yan Péchin a travaillé sur la partie guitares et la réalisation du disque. Mais ce qu’on fait avec lui est très improvisé. On ne répète presque jamais. On vérifie deux ou trois trucs, on met en place et crac on y va. Parce qu’on se dit qu’il ne faut pas essayer, il faut faire!

– Et comme d’habitude vous avez aussi travaillé avec votre mari, Areski Belkacem?
– Oui, la plupart de mes chansons, les mélodies sont presque toutes d’Areski. Parce que c’est le plus grand mélodiste du pays. C’est probablement l’un des plus grands mélodistes du pays, oui. Non, LE plus grand. J’insiste! (Elle étouffe un rire).

– Il y a un morceau qui s’intitule «Haute Sécurité»…
– Oui, elle est terrible celle-là. Mais elle est adoucie par la musique. Là, c’est une souffrance que j’exprime. Ça arrive. Une seconde j’allume une clope!

Pause; cliquetis du briquet à l’autre bout du fil.

– Qu’est-ce que vous lisez en ce moment?
– Rien du tout! Enfin si, je lis et je relis avec beaucoup d’ennui les avertissements sur les paquets de cigarettes. Eh ben, c’est vrai ce qu’ils disent!

– Comment ça? Qu’est-ce qu’ils disent?
– Eh ben que ça tue, que ça donne des handicaps, tout ça. Mais je trouve ça joli ces images de bébés qui ont des cigarettes dans la tétine.

– Qu’est-ce que vous pensez de la chanson française aujourd’hui?
– Oh la la, ça craint! Qu’est-ce qui craint? C’est un peu… un peu peu quoi. Enfin, il n’y a pas grand-chose pour moi. Peut-être que je n’y connais rien mais je trouve vraiment qu’il n’y a pas grand-chose. J’aime une fille qui s’appelle Mélissa Laveaux, voilà.

– Est-ce que vous faites partie des défenseurs de la langue française?
– Je ne fais partie de rien du tout. Mais j’aime beaucoup qu’on parle bien le français, ou l’argot évidemment!

– Il y a une autre chanson où vous dites: «J’irai pas!»
– Oui, «j’irai pas me coucher, j’irai pas à votre école, j’irai à votre hôpital», et cetera.

– Vous ne seriez pas un peu misanthrope?
– Oui, tout à fait. Je suis misogyne comme tout le monde et misanthrope. Je suis misogyne, mais solidaire avec toutes les femmes!

– Qu’est-ce que vous leur reprochez aux femmes?
– Elles sont bêtes et moches. Et elles sont couillons. Mais vous êtes une femme tout de même? Ben évidemment, mais moi je l’ai proclamé depuis longtemps: Je suis cooonne!!!

» «Terre Neuve» de Brigitte Fontaine, Verycords. Concerts-performances à l’Olympia le 29 mars, à l’Amalgame d’Yverdon-les-Bains le 2 avril, et en tournée.
» «Brigitte Fontaine», monographie de Benoît Mouchart, parution le 6 février 2020 aux éditions Le Castor Astral
» Plus d’infos: www.facebook.com/brigittefontaine.officiel