Casey Spooner, astre incandescent
Hallucinant de panache et exhibant une plastique incendiaire, le performer aguerri se joue ouvertement des codes erronés séparant art, mode et musique en castes hermétiques.
Il a indéniablement reçu la visite de plusieurs fées particulièrement inspirées au-dessus de son berceau. Il semblerait qu’il soit Impossible pour le très prolifique Casey Sponner de décider auquel de ses nombreux talents il préfère donner la priorité. Doté d’un charme désarmant, il est rapidement devenu l’icône polymorphe à la main de fer dans un gant de velours que tout New York s’arrache, surfant simultanément entre les couvertures de «Vogue» et les talk-shows au MOMA, sans se départir de son sex-appeal ravageur. Outre un physique d’Apollon version 2.0 qu’il cultive avec autant de constance que d’humour – en ce qui concerne les clichés queer – il est considéré comme l’un des artistes performers américains actuels les plus en phase avec les problématiques contemporaines d’image et de légitimité de genres.
Connu par le plus grand nombre comme le flamboyant frontman du groupe electroclash Fischerspooner, il peut également se targuer de collectionner une cohorte de détracteurs totalement déconcertés par ses expériences socio-culturelles fleurant bon l’arrogance surjouée , la plupart tombant dans le panneau à pieds joints. Et si elles sont hautement appréciées du public arty, ses performances ne font toutefois pas toujours l’unanimité et s’attirent le plus souvent des critiques hostiles, sinon virulentes. Difficile de ne pas se mettre à dos la moitié de la presse musicale lorsque l’on propose des spectacles débridés 100 % en playback; entamés dans les backstages en se remaquillant, enfilant les costumes ou ajustant une perruque; interrompus plusieurs fois par de faux problèmes techniques récurrents (faisant partie intégrante de la scénographie) et insultant copieusement le public au passage, cela va de soi. Quiconque ayant eu la chance d’assister à ce joyeux bastringue aura vu défiler à vive allure une multitude de clichés chers au glam-rock et à l’industrie musicale, démontés en deux coups de talons aiguilles et aspergés d’hémoglobine artificielle. Totalement décapant!
à se damner
Suite au raz-de-marée provoqué par leur bombesque LP #1 estampillé «Gigolo Records» signé chez l’inénarrable DJ Hell – considéré à juste titre comme le nouveau Giorgio Moroder et accessoirement comme l’inventeur de l’electroclash – une tournée mondiale triomphale finit d’attiser le feu sacré qui enrobe Fischerspooner au début des années 2000. Ils comptent alors parmi les porte-drapeaux les plus spectaculaires de l’écurie Gigolo en pleine gloire et leur travail cristallise à la perfection le paroxysme du chic dans l’art de revisiter les eighties – ce qui est le propre de l’electroclash – mais poussé ici un cran au-dessus du déjà-vu et revu. Ils caracolent au sommet des charts et font le tour de la planète affichant des allures à se damner. Le combo créé avec son comparse Warren Fischer en tant que projet expérimental durant leurs études à l’Institut d’Art de Chicago fait donc littéralement des ravages à ce stade, laissant une trace indélébile dans l’histoire de la musique électronique, tout en apportant une dimension performative de qualité supérieure héritée de leurs précédentes expériences théâtrales, flirtant également de très près avec la mode.
L’aspect hybride, difficilement quantifiable entre pure performance artistique, groupe superstar ou jolie arnaque en forme de pied-de-nez, ne cesse de faire couler de l’encre et d’agacer prodigieusement les colleurs d’étiquettes, particulièrement désorientés sur ce cas précis. Certains crient au génie, d’autres à l’escroquerie pure et simple.
Le passage obligé dans les galeries new-yorkaises en vogue entérine plus profondément leur démarche artistique. Rien n’est laissé au hasard, surtout pas les petits détails, et spécialement ceux qui rendent fous leurs détracteurs trop faciles à cerner. Parmi leurs interventions mémorables chez le galeriste Gavin Brown à New York, nous retiendrons la cabine d’essayage en plexiglas transparent. Aménagée au-dessus des spectateurs dans laquelle Casey Spooner toujours aussi bien carrossé a émoustillé tout ce beau monde en offrant un moment dévastateur, celle-ci est digne d’un peep-show des plus torrides et a fait école.
Non censuré
Sans cesse renouvelé, l’univers de Casey Spooner et Warren Fischer compte aussi d’autres satellites en gravitation autour d’eux et les collaborations ont été nombreuses, simultanément dans le domaine artistique, sur scène et en studio. Casey Spooner produit aussi depuis 2010 de la musique en solo. Son ardent premier LP «Adult Contemporary» a tout naturellement joliment défrayé la chronique grâce à un clip terriblement hot, intitulé «Faye Dunaway» composé d’extraits de films porno gay hard en version non-censurée.
Casey Spooner Faye Dunaway (French Kiss Mafia Remix [extended edition]) CLEAN from Mark Cuadrado on Vimeo.
Le bel astre rayonnant porte en l’occurrence très fièrement son statut queer en tant que leitmotiv absolu. Sa carrosserie bien huilée orne quant à elle depuis plus d’une décennie toutes sortes de publications, des plus grands titres internationaux sur papier glacé à grand tirage jusqu’aux fanzines underground beaucoup plus osés et intimistes. Casey Spooner semble d’ailleurs éprouver depuis toujours un plaisir quasi enfantin à étaler sa majestueuse carrure sous tous les angles imaginables. A cette fin, il travaille avec les meilleurs photographes contribuant ainsi à dessiner un nouvel archétype de l’homme gay idéal et nombreux sont ceux qui le vénèrent, tel un demi-dieu un rien cabotin.
Une sorte de mâle de rêve kaléidoscopique, alliant élégance raffinée et sauvagerie délurée, croisant au passage un artiste extravagant doublé d’un homme accompli et cosmopolite, aussi éblouissant à la scène qu’à la ville et qui n’a pas fini de nous faire mousser.