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«Les clubs étaient des lieux de refuge»

«Les clubs étaient des lieux de refuge»

A la fin des années 90, David Blot s'est lancé dans un projet de BD, «Le Chant de la machine», pour raconter l’histoire de la house music avec Mathias Cousin. Ensemble, ils ont assisté à la naissance de la French Touch.

C’est une histoire qui commence à New York comme une biographie ordinaire. Une date de naissance: 1972. Une poignée de géniteurs: David Mancuso, considéré comme le premier DJ de l’histoire des clubs (décédé mi-novembre), Nicky Siano, Frankie Knuckles, Larry Levan. Encouragés par une armée de noctambules mélomanes, arrimés à des clubs légendaires, ces pionniers font danser leurs adeptes sur les braises électriques de la musique disco. Une chrysalide de laquelle jaillira bientôt la House Music et son cortège de fêtes, de hits, de drogues, de métissages et de révolutions. «Le Chant de la machine» raconte cette histoire. En creux, elle raconte aussi celle, poreuse, accidentée, d’une fin de siècle en manque d’idéologies. Elle passe par les ghettos de Chicago et les friches industrielles de Detroit. Elle fait escale dans l’Angleterre austère de Thatcher, chope une insolation à Ibiza et danse sans conscience avec les kids perchés des raves européennes.

D’abord sensuel et cristallin pour raconter l’effusion extatique des débuts, «Le Chant de la machine» s’éraille au fil de son sujet. Inspiré dans le premier tome par les bluesmen de Crumb, le trait de Mathias Cousin se lâche progressivement dans les vertiges de l’ecstasy, s’épaissit sous les ruses de l’industrie et se déforme pour dénoncer les spoliations de la culture de masse. Sans jamais tomber dans les travers amers du «c’était mieux avant». David Blot, journaliste et animateur de «Nova Club» sur Radio Nova, fondateur des soirées Respect, est l’auteur du «Chant de la machine».

360° – Parmi les personnages du « Chant de la machine », on reconnaît Didier lestrade, cofondateur d’Act-Up Paris
David Blot – Didier Lestrade est fondamental pour moi. À la fin des années 1980, il était le seul à écrire sur la house en France, dans sa tribune du journal «Libération». Je ne comprenais pas tous les mots, mais je découpais religieusement ses articles. En 1996, lorsqu’on a débuté ce projet avec Mathias Cousin, internet débutait à peine, on avait peu de sources. Nous sommes allés le voir et il nous a beaucoup aidés à comprendre et imaginer les histoires new yorkaises du Paradise Garage, du Loft, de David Mancuso.

– Quel rôle la communauté gay a-t-elle joué dans l’émergence de la musique house?
– À l’époque où les minorités – les Noirs, les Latinos, les gays – étaient encore stigmatisées dans la rue, les clubs sont des lieux de refuge. C’est une notion capitale dans l’histoire des clubs new-yorkais et pour la musique qu’on y passe. On y va pour se retrouver, pour se laisser aller. Comme la disco, la house est une musique désinhibante, très sensuelle. Elle échappe aux codes très virils qu’on trouve dans les cultures dominantes du rock et du hip hop. Je me méfie des généralités, mais cet aspect-là de la house a pu séduire une partie de la communauté gay.

– Née de la cuisse de la disco, la house est-elle une musique noire?
– Oui, la house est une musique qui voyage, une musique d’échanges entre continents, mais son origine est noire-américaine, ça ne fait pas l’ombre d’un doute ! Ça m’énerve quand on dit que ça vient d’Europe. Cerrone, Giorgio Moroder ou Kraftwerk lui ont apporté les machines, l’ont hétéroïsée et blanchisée, probablement involontairement. Aux Etats-Unis, la naissance de la techno est le fait d’une poignée d’afro-américains, mais s’ils n’avaient pas écouté New Order et Kraftwerk, ils n’auraient pas fait ce son-là.

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– Qu’est ce que différencie à votre avis la techno de la house?
– C’est une question complexe. La house est plus disco et la techno new-wave. Elle utilise moins de voix que la house, qui est plus funky, plus sexy et moins rapide que la techno. La techno est mentale, futuriste, elle donne envie de prendre sa voiture la nuit sur l’autoroute. C’est une image,
mais disons que la techno est une musique horizontale quand la house serait plus verticale…

– La musique électronique est-elle la dernière invention musicale majeure?
– Les nouveautés se raréfient depuis les années 1990. Prenons la période 1956-1986, c’est la même durée entre aujourd’hui et 1986, naissance de la house. En 1950, on écoutait Eddie Cochran, Gene Vincent et Elvis Presley. 30 ans après, c’est la techno de Detroit. Entre les deux, il y a eu les hippies, le punk, la new wave, etc. Depuis 1986, que s’est-il passé ? Le vrai dernier genre serait la drum’n’bass, mais c’est déjà un bébé-de… On me parle de trap ? Ce genre de hip hop existait déjà dans les années 80. Je me demande si Internet et la musique à portée de clic n’a pas son rôle dans cette stagnation. Aujourd’hui, les gens sont ultra pointus sur des trucs obscurs impossible à trouver il y a 20 ans de ça. Le temps d’assimiler toutes ces musiques ne laisse pas beaucoup de place à l’invention. Et d’autres se demandent aussi que faire de plus novateur que la techno et la musique électronique.

» Le Chant de la Machine, de David Blot et Mathias Cousin, Ed. Allia, 224 pages. Disponible notamment chez Cumulus à Genève, 5 rue des Etuves et en commande chez Belphegor à Lausanne, 10 bld. de Grancy.