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Théo Mercier, trublion enchanteur

Adulée à juste titre, la nouvelle coqueluche de l’art contemporain n’a pas fini de nous faire rire jaune.

Sourire aux lèvres et mains dans les poches, Théo Mercier possède la force tranquille des plus grands et surprend un peu plus à chaque nouvelle intervention. Libre comme l’air et plus efficace à lui tout seul qu’une horde de kids à haut potentiel lâchés dans un musée d’ethnographie extra-terrestre, il affole la sphère artistique internationale telle la nouvelle drogue à la mode.

Voguant au firmament des stars que l’on s’arrache aux quatre coins du monde, son regard aussi enjoué qu’acéré contient une charge d’authenticité et de justesse qui tape en plein dans le mille à tous les coups. Il incarne facilement le jeune premier à qui tout réussit sans effort apparent, tout en réveillant le cancre endormi en chacun de nous par des stimuli aussi variés que réjouissants. Néanmoins, pas de recette-miracle chez celui qui déclare stoïquement que «le futur est foutu, le présent est futile et le passé est sanglant». Son humour potache sans cesse renouvelé insuffle quant à lui une énergie hors-normes à un travail déjà bien ancré dans le panthéon contemporain.

It's a man's world, 2013
It’s a man’s world, 2013

Par un doux mélange de loufoquerie infantile héritée des grands maîtres du surréalisme s’entremêlant sans complexes à des références sociologiques détournées et revisitées, il donne naissance à d’étranges hybrides totalement surprenants.

Un pur pied-de-nez à la banalité
Et par le biais de cet invraisemblable cabinet de curiosités que le corpus de son œuvre a généré, on pénètre ainsi dans un monde nouveau, inédit, carnavalesque, peuplé de totems hilares, de sextoys en porcelaine, de jumelages imprévus d’objets siamois, d’alchimie du dérisoire magnifiés en parfaite adéquation avec l’air du temps et le désir d’un public avide de positivité curatrice et de joie communicative. Les œuvres de Théo Mercier fonctionnent en ce sens et sont un pur pied-de-nez à la banalité. Le facétieux magicien transcende avec maestria un répertoire infini d’outils dont il dispose avec une totale liberté et la vision qu’il en délivre est indéniablement un véritable tour de force.

Le solitaire, 2010
Le solitaire, 2010

Cet authentique artiste tout-terrain a acquis le don réel de se réinventer à chaque pirouette, tout en possédant une griffe reconnaissable au premier coup d’œil. Impossible de ne pas avoir aperçu son adorable mastodonte, Le Solitaire, haut de 3 mètres, au regard de verre bleu embué, affalé sur une chaise minuscule et constitué de spaghettis ramollis qui a fait le tour du Net et de la presse spécialisée. L’emblématique gentil monstre mélancolique dégage une irrésistible émotion tragi-comique qui a fait craquer des hordes de fans de 7 à 77 ans.

Machine à fantasmes urbains
Ayant notamment tâté dans la foulée à la scénographie avec un talent peu commun, il a offert à un public éberlué un envoûtant rituel de «motomachie» au titre évocateur de Radio Vinci Park, à la Ménagerie de Verre de Paris, performance programmée aussi au Pavillon Sicli de Genève durant le festival de la Bâtie 2016. Une machine à fantasmes urbains flirtant avec le cauchemardesque, réalisée avec le chorégraphe François Chaignaud et un motard cascadeur sans visage hantant un parking au troisième sous-sol plus vrai que nature, devenu arène mythologique et terrain anxiogène véhiculant nos peurs citadines amplifiées par une puissante dramaturgie. Un spectacle étourdissant à haute teneur en adrénaline, digne de David Lynch.

L’enfant prodige de l’art contemporain peut également se targuer d’avoir fait un parcours exemplaire, un véritable sans-faute, sans y laisser une plume. Chaque étape de sa biographie bien huilée l’emmène en quelques sauts vers le sommet, avec un savoir-faire bien rodé, prêt pour une longue route les cheveux dans le vent.

D’abord assistant de Bernhard Willhelm puis du grandiose Matthew Barney sur son projet d’opéra River of Fundament à New-York, il tourne le dos à sa formation en design industriel. Il file ensuite à Berlin traîner dans les squats punks qu’il quitte à regret lorsque sa carrière décolle telle une fusée.

Matériaux chamaniques
Envoyé à la villa Medicis de Rome où il se languit, il préfère la joyeuse Mexico City où il passe dix-huit mois durant lesquels son travail s’imprègne de l’iconographie ethnique du pays en abandonnant les bibelots plastiques et les gadgets multicolores pour se tourner vers des matériaux plus chamaniques, tels que les os, le bois et la pierre auxquels il parvient à conférer une aura fun et sexy, loin du premier degré hippie que ce type de démarche pourrait suggérer. Il empile les totems et s’amuse à mettre en scène des mariachis immaculés à l’intérieur de ses accrochages, sans se départir de l’esprit frondeur qui est devenu sa marque de fabrique incontournable, ni tomber dans le déjà-vu en fonctionnant comme la majorité des artistes voyageurs pillant allègrement la culture locale sans y apporter la moindre valeur ajoutée. Chacune de ses interventions en terre mexicaine est légitime et novatrice et il parvient même à créer un néo-folklore bien à lui des plus enchanteurs.

Work in Progress 2015, Back to basics and gender studies
Work in Progress 2015, Back to basics and gender studies

Ce jeune homme prouve là une fois encore qu’il est véritablement un très bon artiste doublé d’un excellent artisan et d’un humain à l’écoute de l’inconscient collectif qu’il sait redessiner avec une pureté toute enfantine. La totalité de son œuvre est passionnante, bourrée de surprises sympathiques et constituée d’une certaine logique évolutive flirtant parfois avec l’obscur, tout en étant intégralement emplie de générosité et de bonne humeur. Théo Mercier mérite sans conteste son titre d’enfant terrible de l’art contemporain. Et le public vorace, lassé de l’ennui lénifiant qui est son lot dans le milieu ultra-codé de l’art contemporain en redemande et trépigne déjà d’impatience dans l’attente de ses prochains 400 coups à venir, et nous aussi.

» theomercier.com