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Gaga & Perry au Cyrus Circus

L’automne décline un florilège de blockbusters pop au féminin: les divas les plus rentables du showbiz font la course au glamour et à la petite culotte... aux trousses de Miley Cyrus.

Ce devait être le duel des deux belles à deux balles. La course à pleins tubes sur YouTube. Le match des biatch sur le ring du bling bling. Face à face (et à fesses): les deux plus grosses vendeuses de disques de ces dernières années. Katy Perry la très gentille contre abracadabra Lady Gaga. De batailles marketing sur Twitter en comptes à rebours aussi rembourrés que le soutien-gorge (ou le jockstrap) des fans, les deux stars se sont mutuellement définies comme le X et le Y d’une équation hyper rentable: tandis que la première fait dans l’innocence sciemment inoffensive, dans le naturel sempiternel et la bouche farouche («I kissed a girl»), la seconde s’est constituée en gogo gadget de l’artifice et du factice, support postmoderne d’une pop culture aussi référentielle et circulaire qu’une boule disco. Leurs nouveaux albums, respectivement Prism et Artpop, sortent à quelques jours d’intervalle.

En réalité, Katy Perry et Lady Gaga jouent sur le même tableau. Chacune à leur manière, elles s’illustrent en théâtre d’elles-mêmes, se veulent mises en scène fières de leurs coulisses, dramaturges et actrices tout à la fois – fragrance eau de rose pour l’une, parfum de vulgarité soit disant sémantique pour l’autre, le tout saupoudré d’une bonne dose de soutien à la communauté LGBT en preuve ultime de leur fluidité identitaire. Je me choisis, donc je suis: Katy l’éternelle adulescente dans sa jungle à bulles de bubble gum, Gaga façon «sa vie, son œuvre», collectionnant fièrement les collaborations avec quelques plasticiens pleins aux as, David Lachapelle, Marina Abramovic, ou encore Jeff Koons dont une statue inédite orne crânement la pochette de Artpop.

Fada(sses)
Mais, à force de jeu de masques, de muséographie personnelle et de make-up de soi, un brin de lassitude a fini par pointer. Trop de calcul. Trop de contrôle. Trop de distance. Oui, Katy Perry et Lady Gaga jouent le jeu du showbiz en pleine conscience, au risque de se dissoudre dans leur propre statut d’icônes réclamées. Alors, lorsqu’une brindille sortie de l’écurie Disney – Miley Cyrus – vient soudain consumer son insolente jeunesse dans le grand incinérateur des médias people, le petit numéro de Lady Perry manque tout d’un coup cruellement de goût du risque, d’odeur de sueur, de scandale sincère. Gaga a beau se désaper autant que faire se peut, même son plus simple appareil ne ressemble plus à rien d’autre qu’à un énième déguisement.

Miley Cyrus, par contre! L’insolente ne montre objectivement pas plus d’elle-même qu’une Madonna d’antan ou une Rihanna des heures glorieuses, et pourtant elle attire l’œil, elle s’exhibe, fait parler la poudre à salope. Ce qu’elle a pour elle? Un passé d’Hannah Montana, gamine gonflable formatée pour plaire à toute la famille, blondeur sage comme une image, bombinette à retardement. Et, désormais, un capital de naïveté et de candeur à passer à la déchiqueteuse.

Lorsqu’elle se tortille aux MTV awards ou qu’elle lèche des massues (c’est subtil) dans le clip de Wrecking Ball au point de se faire taper sur les doigts par Sinead O’Connor dans une lettre ouverte, Miley Cyrus devient cette vierge offerte, cette figure volontairement sacrificielle, cheveu pelage de raton qui s’enivre de la salive des loups.

Voltige en petite tenue
Une très jolie fille sur une très mauvaise pente? Spectaculaire banalité. Figure de style du machisme commun. Tour de piste archi balisé, dont la décadence attendue fait le péril, mais surtout le supplément de vérité. Miley Cyrus voltige en petite tenue et sans filet tout en haut du chapiteau des charts, et les clowneries transformistes de Lady Perry en paraissent soudain terriblement fades. Certain.e.s disent de la cadette allumette qu’elle n’est pas si bête, qu’elle pousse simplement un cran plus loin le cynisme et la subversion du Celebrity Circus, mais est-ce vraiment le cas? Elle aime citer Britney Spears en grande sœur tutélaire, elle aussi éjectée de la couveuse Disney avant le dévergondage et le naufrage. Chair à canon autant qu’à incantation, corps éreinté à peine corseté par son mythe, Britney aussi sortira bientôt un nouveau disque. Que faut-il espérer? Réponse le 3 décembre.

Du coup, Beyoncé s’est sentie obligée d’emboîter le pas à ses quatre concurrentes, et aurait laissé entendre qu’un nouveau single serait commis avant la fin de l’année. Epouse modèle et mère exemplaire, 15 ans de carrière et de savoir-faire, Queen B se laisserait-elle sinon impressionner, du moins influencer par une jeune effrontée dont chaque déhanché met la Toile sens dessus dessous? Sans foi ni loi: le monde de la pop est comme ça. A chacun sa diva. A chacune sa croix.