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Le Rayon ne tourne plus rond

En proie à de grosses difficultés financières, Balland, qui édite la collection gay Le Rayon, vient d’être racheté. Mais les auteurs restent inquiets.

Créée en 1967 par André Balland, la maison d’édition du même nom, reprise en 1996 par Jean-Jacques Augier, vient de changer de main. Un nouveau rebondissement pour cette maison d’édition dont le destin a longtemps été assimilé à une «success story».

Flash back: après le départ du père fondateur, au début des années 90, Jean-Jacques Augier (X, ENA), patron de la célèbre société de taxis parisiens G7, cherche une activité plus noble et achète Balland pour ces mêmes G7. En 1996, il devient PDG de la maison d’édition. Ce domaine le passionne, il prend des parts chez POL dont il est actuellement majoritaire à 52%. Il possède également plusieurs librairies. Sous sa houlette, Balland connaît quelques bonheurs avec des guides de santé, bien-être (citons «Malade d’inquiétude: Le guide de l’hypocondriaque» ou «Réussir votre mariage») et l’inévitable «Cote des prénoms», «une réussite», de l’avis des commerciaux de l’entreprise.

Fort de ses succès et suite à la rencontre avec Guillaume Dustan, autre énarque, Jean-Jacques Augier ose ce qu’aucun éditeur généraliste n’a réalisé: lancer une collection de littérature homosexuelle baptisée Le Rayon Gay, réduite l’année passée à un sobre Le Rayon. Dustan est à sa tête. Après l’euphorie du début et un catalogue qui se remplit à une cadence impressionnante (la collection comporte environ 50 titres), le bouillonnant PDG regarde déjà ailleurs.

L’idylle est éphémère. Augier rêve d’un pouvoir différent et lorgne du côté de la politique: il se présente aux dernières municipales sous la bannière radicale de gauche dans le Ve arrondissement de Paris. En dépit de ses dénégations – «Je ne délaisse pas l’édition» –, Balland ne semble plus être sa préoccupation majeure. La société enregistre de graves pertes financières. Le directeur commercial en charge des relations avec la presse, Emmanuel Pinon, est remercié malgré l’immense travail qu’il a accompli pour donner au Rayon ses lettres de noblesse.

Fin juin, les rumeurs concernant l’arrivée d’un éventuel repreneur se précisent. Jusqu’à peu, les spéculations quant à l’avenir de la collection gaie et lesbienne allaient bon train, d’autant que Guillaume Dustan observe un mutisme de circonstance.

Les auteurs, en revanche, ne cachent pas leurs craintes. Marie-Hélène Bourcier résume le malaise général: «On reste dans le flou, personne n’est au courant de ce qui se trame». Beatriz Preciado évoque «ces contrats d’édition incompréhensibles, qui favorisent systématiquement l’éditeur». Certains pensent déjà à se tourner vers d’autres éditeurs, sachant à quel point il leur sera difficile de placer des textes qui, de par leur forme ou leur contenu bien spécifiques, en rebuteront plus d’un. La liberté de toutes les expressions, que reflète Le Rayon, constitue pour beaucoup d’auteurs un attrait évident.

Interrogée début août sur la réalité d’un rachat ou l’entrée d’un nouvel actionnaire dans le capital de la société, Valérie Delevanne, la toute fraîche attachée de presse, révélait qu’un repreneur était « très intéressé par Le Rayon» et que «la collection ne devrait pas disparaître». Et elle confirmait les sorties de septembre (Christophe Chemin, Dennis Cooper, Marc Kerzual) et d’octobre (Cécile Helleu et Laure Ly). Mardi 4 septembre, Jean-Jacques Augier signait la vente de Balland et l’on connaît maintenant le nom du repreneur: il s’agit de Denis Bourgeois, un amoureux de l’édition qui s’y consacre depuis plus de 20 ans. Il a rempli notamment les fonctions de directeur général aux éditions Grasset de 1991 à 1999, puis de PDG chez Calmann-Lévy. Denis Bourgeois a racheté Balland à titre personnel, mais Jean-Jacques Augier détient encore 20% du capital de la société.

Cela suffira-t-il à rassurer les auteurs? Le nouveau propriétaire conservera-t-il la ligne éditoriale expérimentale et avant-gardiste qu’imprime Dustan à cette collection hors norme? Celui-ci aura-t-il toute latitude pour proposer ces OVNI littéraires qui le démarquent du reste de la production francophone? Le pari de reconduire une telle collection comporte des risques que ne prennent toujours pas les autres généralistes encore hésitants à se lancer dans l’aventure. La nouvelle stratégie de Balland nous renseignera sur les options qui prévaudront pour Le Rayon et sa sphère de talents.