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Les guérisseurs d’homos pullulent

Reconvertir les homosexuels en de sages hétéros, c’est la mission que se donnent des fondamentalistes chrétiens. Aux Etats-Unis surtout, mais en Suisse romande aussi.

«Premier pas: nous admettons que nous sommes dépendants de notre homosexualité et que nous n’arrivons pas à diriger notre vie émotionnelle; Deuxième pas: nous apprenons à croire en l’amour de Dieu afin qu’il nous pardonne et nous accepte malgré tout ce que nous avons fait; Troisième pas: nous cherchons des solutions à notre souffrance (…)» Et caetera, et caetera. Cela ressemble au programme des Alcooliques anonymes, mais c’est une toute autre «désintoxication» que proposent aux Etats-unis les HA, entendez les «Homosexual Anonymous». Calqué sur le modèle des AA, leur programme vise, mais oui, à reconvertir des homos en de raisonnables hétéros. Thérapies de groupe et prières à l’appui, le succès est promis ou espéré au bout de quatorze stades. L’œuvre de quelques illuminés épars? Pas vraiment. Aux Etats- Unis, les groupes chrétiens fondamentalistes qui se dotent de la même mission – guérir les homosexuels par la grâce de Dieu – se comptent à la pelle, et se revendiquent de toutes tendances. Parmi les plus en vue: Exodus International, l’un des plus anciens, fondé en 1976 par Gary Cooper (tendance évangélique), Evergreen International (mormon), Courage (catholique), Transforming Congregations (méthodiste). Leurs activités ne se limitent pas au seul territoire américain; leur réseau s’étend en Amérique latine, en Asie du Sud-Est, en Afrique du Sud, en Europe.

Séminaire de 30 semaines à Genève
En Suisse aussi. Sur le site internet d’Exodus figure en effet la case postale à Collex-Bossy, dans la banlieue de Genève, d’une organisation dénommée Lifeline (littéralement «la ligne de vie»), ainsi qu’un numéro de téléphone en France voisine. Un rapide coup de fil nous apprend que ce groupe, de tendance évangélique, propose un séminaire destiné notamment aux homosexuels désireux de «guérir». A Genève, ce séminaire dure 30 semaines, il est encadré de cinq «conseillers». Et semble plutôt bien fréquenté: impossible de s’inscrire pour l’instant, nous a-t-on dit, car le cours affiche complet ! Lifeline possède aussi une antenne à Lausanne et propose un groupe destiné spécifiquement aux homos, en nombre réduit cette fois. Les efforts distillés «à travers la parole du Christ» pour guider les âmes perdues sont gratuits, mais «tout don est bienvenu», nous a-t-on précisé. Dans son prospectus, Lifeline se présente comme «un ministère centré sur le Christ qui travaille au travers de l’Eglise pour apporter du soutien et de la relation d’aide dans des domaines comme les dépendances chimiques, la dépression, les comportements compulsifs, le chaos sexuel, le brisement des relations, les liens spirituels et les domaines en relation avec le Sida». Lifeline livre aussi une série de témoignages, dont celui de Pierre, qui semble avoir cumulé tous les malheurs: un père absent, une enfance dans un univers uniquement féminin, un abus sexuel commis par un homme. «Je n’ai plus jamais revu cet étranger (l’abuseur), mais je voulais revivre cette expérience et j’ai donc commencé à rechercher d’autres garçons (…) J’avais confondu ces sentiments avec l’amour masculin que je n’avais jamais reçu», peut-on lire. Et plus loin: «(…) Durant le reste de ma vie scolaire, j’ai expérimenté des relations homosexuelles mais vivais une vie secrète. Etre différent m’apportait un sentiment de honte et de culpabilité. Je me suis tourné vers les drogues pour recouvrir la douleur et j’ai rapidement progressé de la marijuana à l’héroïne et à la cocaïne. Lorsque j’ai quitté l’école, j’étais un drogué homosexuel à la dérive dans le monde. L’inévitable s’est produit et je suis devenu HIV positif à l’âge de 22 ans. J’ai trouvé le numéro de téléphone de Lifeline (…) Ils m’ont conduit au Christ et m’ont remis sur le chemin de guérison vers la plénitude.» Ce genre de témoignage se répète à l’infini sur les sites américains des «reconvertisseurs d’homosexuels». Schéma classique où l’homosexualité résulte forcément d’un traumatisme lié à l’enfance (un père ou une mère absent(e), un abus sexuel,…) et ne peut jamais correspondre à une vie heureuse.

Pire, elle conduit fatalement à d’autres fléaux de société (l’alcoolisme, la drogue) et risque d’être punie (le sida). Fondement de cette vision, une idéologie qui considère, sur la base de passages bibliques, que l’homosexualité n’est pas naturelle et constitue de ce fait un pêché. Les HA et autres se défendent de mener une croisade contre les mouvements et organisations gays. Point de haine, point de guerre, et pour cause: l’amour du prochain est leur credo, les homos de simples «brebis égarées» qu’il faut «aider», «guider», «soigner». Mais à côté de ces discours religieux coexiste un courant qui tente de légitimer les thérapies curatives avec des arguments scientifiques. Ainsi la NARTH (The National Association for Research and Therapy of Homosexuality), forte de ses «800 professionnels de la santé mentale», comme elle se présente elle-même, tente-t-elle de démontrer que l’homosexualité est une déviance psychologique qu’il est possible de corriger. Pour le prouver, la NARTH brandit des statistiques sur le taux de réussite de leurs thérapies.

«La foi peut vous libérer»
Ces guérisseurs d’homos resteraient peut-être marginaux si leur doctrine n’était régulièrement relayée politiquement par la droite républicaine, friande, apparemment, de morale sexuelle pour alimenter ses campagnes… Témoin, en juillet dernier, ces pubs anti-gay qui ont déferlé dans la grande presse américaine. Plusieurs groupements religieux, dont la très influente Christian Coalition, s’offraient des annonces pleines pages où l’on comparait l’homosexualité à un pêché et à une déviance guérissable. «Nous sommes debout pour montrer que les homosexuels peuvent changer», clamait un slogan sous une photo montrant une foule d’hommes et de femmes souriant à l’objectif. Ou encore: «Je suis la preuve vivante que la foi peut vous libérer», disait au lecteur Anne Paulk, une ex-lesbienne aujourd’hui mariée à un ex-gay, dont la romance a déjà été maintes fois utilisée par la droite chrétienne dans son combat anti-gay. L’affaire, alors que débutait la campagne électorale pour les législatives, a déclenché une horde de protestations de la part des organisations homosexuelles. Elles répliquèrent par une campagne d’affiches qui, sur un mode similaire, montraient des parents tenant fièrement leur fille dans leur bras. Avec ce slogan: «Nous sommes la preuve vivante que les familles avec des enfants gays peuvent être heureuses.» Les associations gays ne sont pas les seules à dénoncer les pratiques de ceux qui insinuent que l’homosexualité est une déviance qu’il faut soigner. Comme d’autres autorités médicales, l’American Psychiatric Association (132 000 membres) condamne les thérapies de reconversion. Non seulement pour des motifs éthiques, mais aussi médicaux : «Il n’y a aucun indice scientifique qui montre que les thérapies de conversion fonctionnent. Elles peuvent faire plus de mal que de bien», avertit- elle. C’est aussi l’avis de «Ex-Ex», une organisation qui recueille, elle, des témoignages d’homos qui ont tenté, vainement, de se transformer. Comme celui de Doug Upchurch: pendant 12 ans, ce gay originaire de Houston s’y est essayé, passant d’un groupe à l’autre, sans succès. «La plupart des gens qui vont dans des séminaires pour essayer de guérir de leur homosexualité finissent par découvrir qu’ils sont définitivement gays ou alors errent dans ces groupes pendant des années tandis que leur orientation sexuelle ne change pas d’un pouce», raconte-t-il aujourd’hui. Si le phénomène peut faire peur, il faut pourtant relativiser le succès de ces groupements, soulignent ceux qui s’y sont intéressés de près. Ainsi Ron Brasgalla, qui s’est penché sur les activités de Exodus International. Ce chercheur gay avance qu’en une année, entre 1995 et 1996, le mouvement a dû fermer 70% de ses agences, faute de participants. Un sondage réalisé en juillet dernier sur internet a aussi montré que 93% des Américains interrogés estimaient que les thérapies de reconversion sont totalement inefficaces. Peut-être plus parlant encore : des organisations gays ont cherché à savoir ce qu’étaient devenus les ex-leaders les plus en vue de la reconversion. Puis ont publié, non sans plaisir, la liste de ceux qui ont fini par quitter le navire. Certains d’entre eux pour retourner vivre avec un partenaire de même sexe…