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Dürrenmatt dure plus longtemps

Que ce soit la fragilité des convictions morales dans La Visite de la Vieille Dame ou l’éthique scientifique dans Les Physiciens, l’écrivain suisse évoque des thèmes qui n’ont pas pris une ride. Ce qu’entendent bien démontrer le Théâtre Vidy-Lausanne et celui de Carouge.

Durer? La belle affaire! Pour un dramaturge qui entend refléter les contradictions morales de ses contemporains, rien n’est plus difficile. De tous les auteurs de théâtre «engagés» du siècle dernier, quels sont ceux dont les œuvres ont franchi le seuil du 11 septembre sans encombre? Brecht sans doute, Thomas Bernhard peut-être, Friedrich Dürrenmatt assurément. C’est que l’écrivain suisse savait narrer des fables suffisamment burlesques et théâtrales (mâtinées d’un soupçon d’expressionnisme «début-de-siècle») pour toucher à des problématiques universelles et traverser ainsi les décennies. La preuve par deux, ces prochaines semaines en Suisse romande.

D’abord avec la reprise, au Théâtre Vidy-Lausanne, d’un spectacle désormais mythique, La Visite de la Vieille Dame, par le Teatro Malandro. En 1993, Omar Porras enfilait pour la première fois la robe défraîchie de Claire Zahanassian (vieille dame indigne du titre) dans le off genevois, pour une fête théâtrale tout en masques, en couleurs et en chansons latinos. Dix ans et quelques tournées plus tard, l’entreprenant metteur en scène-acteur-scénographe est revenu à cette pièce qui l’a fait connaître auprès d’un large public. Une preuve selon lui de «la fertilité et “l’inépuisabilité” de l’écriture de Dürrenmatt».
Faire du monde un bordel
Cette pièce horriblement drôle, qui raconte le retour au pays d’une pasionaria jadis honnie comme fille mère, aujourd’hui courtisée comme milliardaire, n’a rien perdu de son mordant. «Le monde a fait de moi une putain, je veux faire du monde un bordel.» Vaste programme! Et comment s’y prend-on, s’il vous plaît? Rien de plus facile: fort de vos millions, vous proposez une coquette récompense à la personne de votre village natal qui vous fournira sur un plateau d’argent (j’extrapole un peu) la tête de votre amant de jadis – celui qui vous a mise en cloque avant de vous laisser tomber comme une vieille capote. Dans un premier temps, tout le monde se drapera dans ses beaux principes. Mais laissez mariner quelques jours et vous verrez comment l’avidité pragmatique aura raison des poses morales… Bref, rien de bien démodé dans la course au profit de notre enthousiasmante société capitaliste.

C’est un autre dilemme éthique que posent Les Physiciens, présentés au Théâtre de Carouge dans une nouvelle production de François Rochaix: la responsabilité politique du scientifique dans un monde polarisé entre deux puissances mondiales aux visées impérialistes. Vous me direz que cette problématique-là a quelque peu vieilli, qu’un seul des deux empires a gagné la guerre froide… Mais ce serait compter sans le génie théâtral de Dürrenmatt, qui ne donne jamais dans le didactisme bien-pensant, encore moins dans la démonstration vertueuse. Tout au contraire, son écriture raconte, émeut, amuse et trucule. Elle fait de ses Physiciens une mascarade jouissive, une sarcastique danse des morts dont on pense bien que François Rochaix saura trouver le rythme et la noirceur.

Dragan Papovic

La Visite de la Vieille Dame, du 11 au 22 décembre au Théâtre Vidy-Lausanne.
Infos: www.vidy.ch

Les Physiciens, du 18 janvier au 20 février au Théâtre de Carouge.