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L’éphéméride amer

Un concentré de mauvais goût et d’images d’Epinal dégoulinent sur les pages du calendrier à les rendre poisseuses. Cet incontournable de l’an nouveau s’avère être un poison plus insidieux qu’il ne paraît. Comment retourner une plaie à son avantage.

Camelote publicitaire ou objet à prétention artistique, le calendrier fait partie des cadeaux de fin d’année quasi obligatoire à l’attention de grand-maman (qui aurait préféré des fleurs), du salarié méritant (qui aurait préféré une augmentation salariale) ou du fidèle client de l’épicerie du coin (qui aurait préféré une réduction tarifaire). A l’heure des agendas électroniques, il trône inamovible, en tant que rassurante référence temporelle, au milieu de la cuisine, ce saint QG familial. Mais voilà que depuis quelques années, on s’est mis à vouloir réinventer cet outil. Par exemple, la charmante tendance du calendrier de «charme» démocratisé s’est imposée, on ne sait trop pourquoi. Entre érotisme bourrin et cul rigolo, les fameux Dieux du stade ont produit une kyrielle d’indispensables ersatz. De fait, il n’y a presque plus un seul corps de métier qui n’échappe à l’audace d’éditer son calendrier polisson. Grâce à l’alibi du deuxième degré et à l’excuse d’une quelconque œuvre caritative, voici que tout le monde se met à poil «pour la bonne cause». Pour peu qu’on ait un membre de la famille dépourvu de la moindre intuition du bon goût (et cela arrive selon des sources bien informées), on risque de se retrouver à l’aube, l’œil à moitié endormi, en train de prendre son petit-déjeuner le nez à la hauteur de la fesse molle de la voisine charcutière. C’est qu’il n’est pas toujours évident de trouver, dans cet exercice d’érotisme de proximité, une quelconque trace d’humour ou de fantaisie. Mais au fond, qu’est ce qui distingue le calendrier cul amateur d’un calendrier pro si ce n’est qu’éventuellement les filles y sont moins jolies?

Solution assassine
Au-delà de l’accessoire qui trahit et gradue un degré de beauffitude, cet objet apparaît aussi comme une solution facile de vengeance pour ceux que le rite consumériste de fin décembre déprime d’avance. Et, comble de lâcheté et d’hypocrisie, il reste un cadeau irréprochable car universellement reconnu comme étant utile. C’est à ce double titre qu’il sert les pulsions les plus perverses sans éveiller les soupçons du destinataire bien embarrassé mais contraint de sourire et de dire «merci». L’opération «Calendrier 05» permet de jouer les salauds et de jouir de son méfait durant un an, sous le couvert du masque du ringard. Mais il faut se la jouer finaud et offrir le calendrier début décembre afin de ne pas en recevoir en retour. Voici donc, comme on dit dans les magazines qui vivent de ces précieux marronniers, nos «idées cadeaux». L’époque des présents vit son apogée, profitez-en pour emmerder votre entourage sans risque.

Un cadeau qui fait plaisir
Le sexy
On se reportera par exemple au calendrier de la Schweizerische Landjugendvereiningung (SLJV) – la section jeune et riante de la paysannerie suisse, selon une traduction approximative. Les mois s’y égrènent par une suite de mises en situation rurales, façon Heidi trait les vaches et fait les foins, la grosse cochonne. Bref aussi chaud que l’arrêt sur image d’un téléfilm M6.

Le spécial conne
Pubères, on a tous aimé une conne. Ce calendrier, résidu d’adolescence encore pustuleux, est le cadeau le plus pervers de la sélection. Il provoque des cauchemars ou des insomnies à qui le reçoit en lui débitantdes âneries avec l’accent québécois.

Le patriote
Les calendriers 100% suisses se suivent, se ressemblent… L’Helvétie telle que se l’imaginent les touristes japonais et telle que la voudraient les idéologues de l’UDC, s’affiche partout, immuable et apaisante. Dans la même veine, «les calendriers ferroviaires sont très en vogue auprès des retraités», nous dit la vendeuse de la Coop.

Le zoologique
C’est l’autre tendance lourde du calendrier. Impossible de trouver plus consensuel et plus inattaquable. C’est d’une mièvrerie insoutenable mais difficile de dire du mal de ces adorables peluches qui vous regardent avec leurs grands yeux tristes. La palme de la grande classe revient tout de même au catalogue Védia qui proposait, il y a quelques années, le calendrier de l’Avent pour Médor, avec la petite friandise canine pour chaque jour que Dieu fait jusqu’à Noël.

L’artistique
C’est l’exploitation outrancière de l’œuvre d’un artiste célèbrissime, donc caution culturelle inattaquable, auquel on tord le bras jusqu’à le dénaturer. Van Gogh recadré et Monet aux couleurs pasteurisées. Il permet à celui qui le reçoit d’avoir bonne conscience en matant son calendrier at home et de s’économiser un dimanche au musée qui le raserait.

Le vintage
C’est la solution bon marché, mais qui nécessite une bonne dose de culot et de bagout. Il s’agit de récupérer son calendrier 2004, puis de le customiser et d’expliquer, magazine Vogue à l’appui, qu’il s’agit d’un modèle vintage, donc collector. C’est l’occasion rêvée pour épater son monde avec son vocabulaire ridicule mais précieux.

A.H. et E.C.