Academia noëllistica
Quelques astuces gratos pour réussir son Noël en famille... ou pour y échapper!
Préliminaires
Qu’il soit dit que ces mots ne s’adressent ni à ceux et celles qui aiment les anniversaires et tout ce qu’on peut fêter… Ni à ceux et celles qui ont depuis longtemps fait comprendre à leur entourage que rien ne sert de les forcer (à moins qu’on aime les ouragans).
A tous les autres donc…
Depuis des années, des lustres et plus si affinités, il est une fête à laquelle en aucun cas vous n’échapperez… et en famille s’il vous plaît: «Une étoile brille au ciel, c’est Noël, No-ël!»
Vous reprendrez bien un petit coup de tolérance? Ce soir-là, ce sera la trêve obligée, chacun se devra de faire semblant d’aimer et de faire bonne figure. Et, tout comme les journées sans fumée et les actions d’un jour par an – genre «invitez vos voisins» ou «souriez à la dame dans le bus» – ça ne marchera pas, parce que c’est forcé. Et vous ressortirez déguisé en boule de nerfs, pour déverser les litres de fiel que votre vésicule aura accumulés sur la première âme que vous retrouverez à l’air libre et qui ne vous avait rien demandé.
Juste avant, sous le vert du sapin déguisé en drag-queen, avec boules et guirlandes et glins-glins intégrés, les cadeaux pour le lendemain matin vous déposerez pour fêter du divin enfant l’arrivée. Et à chaque fois, ressortant gavés comme des oies dont vous dévorerez bientôt le foie (encore une autre obligation à laquelle vous n’échapperez pas), vous vous direz et jurerez, harassés et dépités, qu’on ne vous y reprendra plus. Et en douze mois vous oublierez et la ronde pourra recommencer. Les bonnes intentions étant votre Enfer, faites vous une raison: vous n’êtes pas le descendant des amours illégitimes du Chapelier Fou et du Lièvre de Mars. «Un joyeux non-Noël à vous!», ce n’est pas vous qui l’inventerez.
Alors, dans l’urgence, vous bricolerez quelques techniques pour enrober la pilule et la faire mieux passer. Il y en a qui, pour éviter les jalousies, décideront d’offrir tous les cadeaux à une seule personne par année ou multiplieront le nombre de Noëls par autant de susceptibilités à ménager, d’autres qui souffriront le martyre parce qu’elles ont décidé de faire un enfant entre filles et qu’elles savent déjà comment leurs familles le leur feront payer, d’autres encore qui créeront des oasis de Noëls informels au coin du feu, ou des soirées à thème, en after, pour décompresser autour d’un verre… Ou pour, sur la piste, se défouler.
Alors, juste pour vous éviter la dépression post-Noëlum, à vous qui avez des trucs, ou aucune idée: ici, quelques recettes à appliquer pour qu’on vous laisse en paix, du moins le temps d’un instant.
Antipasto
Jetez-vous sur la première association culturelle en difficulté financière qui passe et qui, justement ce soir-là, cherche des bénévoles pour tenir les bars, caisses et vestiaires de la disco all style qui devrait renflouer ses comptes. «Désolé, je ne peux vraiment pas venir, tu comprends j’aurais adoré mais là ils ont vraiment besoin de moi, personne n’est disponible et je ne peux pas me défiler, etcaetérire etcaetérère.» On râlera un peu, mais bon! C’est justifié. On ne déroge pas à ses obligations: le sacrifice passe avant les plaisirs. Vous êtes presque Mère Teresa.
Si ça ne suffit pas… Plat de résistance
L’été précédent, inventez-vous une amie maniaco-dépressive et faites en sorte de la faire inviter: «Je peux vraiment pas la laisser seule ce soir-là, elle risque de plonger et de faire une bêtise… Je ne me le pardonnerais jamais!» On vous trouvera chevaleresque et on ne se doutera de rien, jusqu’à votre coup de fil affolé, une heure avant le début des festivités: «Je suis allé la chercher chez elle, elle ne répondait pas, j’ai dû faire enfoncer la porte et l’ai trouvée inanimée. Je suis aux urgences, ça va elle est hors de danger mais je dois rester… Désolé.» Vous aurez en plus le plaisir d’entendre vos oreilles siffler sur l’air des éloges que votre sacrifice inspirera. De plus, vous fournirez à vos proches un sujet de conversation qui les occupera un bon bout de temps et, allez savoir, grâce à vous peut-être, aucune dispute ne viendra ternir leur belle soirée. Vous êtes un amour.
S’ils en redemandent… Plateau de fromages
Téléphonez à votre famille, vos amis – selon qui de vos proches vous a invité – quelques jours avant la date fatidique. Soyez sucre et miel, prenez des nouvelles, réjouissez-vous de tous les retrouver et, l’air de rien, glissez sur un sujet dont vous êtes sûr qu’il risque de dégénérer (Ça ne devrait pas être trop difficile et, au besoin, descendez une bouteille de gin-vodka-whisky ou de ce qui vous fera plaisir, parfois ça aide.) Mettez en œuvre la part la plus flamboyante de votre mauvaise foi, jetez de l’huile sur le feu, montez le ton, offusquez-vous, insultez… Bref, faites-vous insupportable et indésirable! Et surtout, sursignifiez votre vexation et votre dégoût avant de leur raccrocher vivement au nez! Encore une fois, et toujours grâce à vous, en passant leur soirée à casser du sucre sur votre dos, ils oublieront peut-être de s’entre-déchirer. Vous êtes un saint.
Et si vraiment après tout ça, on veut encore de vous et que vous avez épuisé le stock de mensonges, prétextes, violences et migraines en tout genre, c’est que vraiment, votre famille ou vos amis (toujours selon qui vous invite) sont des anges et vous aiment pour ce que vous êtes. Alors, si l’envie vous prenait, allez-y… Ce sera peut-être le plus beau Noël que vous passerez. Ça vaut bien le dessert… et même le digestif.
Quoi qu’il en soit… bonne chance à vous.
Nota bene: si c’est vous la dame qui invite, pour que tout le monde se sente à l’aise, n’oubliez pas: sur la belle nappe de lin blanc immaculée et brodée à la main par votre arrière grand-mère, c’est vous qui ferez la première tache en laissant échapper du verre que vous lèverez une larme de vin aussi rouge que le sang christique.