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Parentalité queer: quand les doulas vont au front

Parentalité queer: quand les doulas vont au front

Les personnes LGBTIQ+ sont particulièrement exposées aux violences médicales et aux obstacles à la parentalité. Pour les aider à faire famille, les doulas tiennent une place particulière. Rencontre avec l’un·e d’entre elleux.

L’accès à la famille constitue un enjeu hautement politique au regard de la transmission du nom et du patrimoine, de la solidarité de groupe qu’elle permet, de la sécurité financière qu’elle encourage. Pourtant, face à elle, tout le monde ne se trouve pas à égalité. C’est évidemment le cas des personnes LGBTIQ+, encore victimes de marginalisation. En Suisse comme en France, les personnes trans* n’ont toujours pas droit à la filiation, les couples lesbiens souffrent de longs délais dans leur parcours de PMA, les hommes gais n’ont presque aucune possibilité d’accéder à la parentalité.

Face à des institutions qui rechignent à établir une égalité réelle pour ces familles affranchies de l’hétéronormativité, un métier émerge afin de faire front: les doulas (du grec ancien «doúlê», qui signifie «servante»), profession paramédicale d’accompagnement à la conception, à la grossesse et au post-partum. Celle-ci s’inscrit dans le mouvement de justice reproductive, comme l’explique Eva-Luna Tholance, créateur·ice du compte @ladoulaqueer et spécialisé·e dans le suivi des familles LGBTIQ+: «Le mouvement pour la justice reproductive a été créé par des femmes noires américaines, en réponse aux angles morts des mouvements féministes blancs luttant pour le droit à l’IVG alors qu’au même moment, les femmes noires et autochtones étaient stérilisées et forcées à avorter massivement aux Etats-Unis. La justice reproductive repose sur trois piliers: la lutte pour le droit à ne pas avoir d’enfants, la lutte pour le droit à avoir les enfants dans les conditions que l’on veut, et la lutte pour le droit à élever ses enfants dans un monde où ils ne seront pas en danger, au regard notamment des violences policières ou de la culture du viol.» Cet accompagnement humain se veut complémentaire au suivi médical prodigué par les sages-femmes et autres médecins. Et il ne date pas d’hier, puisqu’on trouve des traces de ces aides à la naissance dès la Grèce Antique.

La profession revêt un intérêt particulier dans le cas des familles LGBTIQ+, puisqu’elle se fonde sur un idéal de care [ndlr: «soin» ou «attention» en anglais] collectif. «Je suis des familles queer car c’est ma communauté et que j’ai envie de l’aider. Je veux offrir quelque chose de doux dans des vécus très pathologisés» raconte Eva-Luna. Dans ce cadre, son rôle est celui d’un «couteau suisse», détaille-t-iel: «On aide les futurs parents dans plusieurs aspects de leur vie: organisation logistique liée à la grossesse, besoins primaires comme manger et dormir, prendre soin du bébé, éducation à l’allaitement, lutte contre les violences médicales et obstétricales. On fait beaucoup d’éducation sur le processus physiologique de l’accouchement, les protocoles de l’hôpital, la relation avec les soignant·e·s». Au cœur de cette approche, la pédagogie et l’information investissent une place centrale: «L’accès à la parentalité pour les personnes queer est très entravé, notamment dans le cas des personnes trans*. Mon rôle va être d’informer sur toutes les possibilités: connaître les procédures de PMA dans différents pays, expliquer des techniques comme l’insémination artisanale…»

Sur la question particulière des violences, auxquelles les personnes LGBTIQ+ sont particulièrement exposées (on rappelle que 35% des personnes trans* ont déjà renoncé à des soins après avoir subi de la transphobie de la part des soignant·e·s), Eva-Luna explique: «Mon rôle est de les préparer, à travers des discussions réalistes et des ateliers d’autodéfense verbale. On s’entraîne, on répète des phrases, on fait en sorte de pouvoir ralentir le système médical qui va très vite, car c’est souvent à cause de cette vitesse de soin que les violences surviennent. Pendant les accouchements, tout est traité comme une urgence alors que ce n’est pas forcément le cas! On va travailler à demander explicitement du temps pour réfléchir à telle ou telle procédure, on va faire des listes de questions à poser, redonner une place centrale aux partenaires… L’idée est de remettre le pouvoir d’agir des parents au cœur de la naissance».

Au-delà de ce suivi spécifique à la parentalité, Eva-Luna défend une approche globale du soin pour les personnes queer: «Dans ma pratique, j’accompagne aussi des personnes trans* en post-opératoire, suite à des chirurgies comme la mammectomie. Je leur cuisine de la nourriture qui va optimiser la cicatrisation et suis une oreille attentive dans ce moment assez vulnérable. Cela fait appel aux mêmes compétences: c’est du care communautaire». Un engagement qui revêt un sens fort, à l’heure où les droits reproductifs et l’accès au soin pour les personnes queer se trouvent menacés de part et d’autre du globe.