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Coiffure: trop peu de salons inclusifs

Coiffure: trop peu de salons inclusifs

A l’heure où il est beaucoup question d’égalité, certains domaines comme la coiffure semblent totalement y échapper. Quelques rares enseignes et un collectif tentent d’y remédier, en rendant leurs services plus inclusifs.

Pour de nombreuses personnes qui n’adhèrent pas à la division binaire des genres, où se situent hors des normes traditionnelles de virilité et féminité, trouver un salon de coiffure qui leur correspond relève du défi. Il en va de même pour celleux dont les cheveux ne sont pas lisses ou ondulés, mais crépus ou frisés. A cela s’ajoutent des différences de tarifs que les coiffeur·euse·x·s elle·eux-mêmes peinent souvent à justifier. Pour de plus en plus de femmes* aux cheveux courts, devoir payer deux, voire trois fois plus qu’un homme pour un service identique, devient de plus en plus inacceptable.

Elia*, personne non binaire, a longtemps cherché, en vain, un salon de coiffure lui correspondant. En contactant des salons de coiffure se définissant comme LGBTIQ+ friendly de Genève, où iel vit, iel espérait y voir son souhait de coupe plutôt masculine compris, et obtenir le tarif correspondant. Les choses ont cependant plutôt mal commencé: «Je comptais clarifier la situation en les appelant d’abord, afin d’éviter de me retrouver dans une posture gênante, à devoir expliquer mes souhaits en étant exposé au milieu du salon.» Elia ne parvient malheureusement pas à obtenir une réponse claire par téléphone.

«Cette mention LGBTIQ+ friendly ne signifie rien»

Ce qu’iel redoutait se produit finalement. La discrétion et la bienveillance ne sont pas au rendez-vous, et iel n’obtient qu’une réduction de 20% sur le tarif femme. «Cette mention LGBTIQ+ friendly ne signifie rien, en fait», conclut Elia, déçux. «En demandant le tarif homme, j’ai l’impression d’être perçux comme quelqu’un qui cherche juste à payer moins, alors que ce n’est pas ça! J’ai juste envie de recevoir les mêmes prestations qu’eux, sans avoir de commentaires.»

C’est finalement à 3h40 de TGV de Genève, dans la cité phocéenne qu’iel affectionne particulièrement, qu’Elia trouve enfin son coiffeur idéal. «Je vais souvent à Marseille, et le coiffeur-barbier Lorenzo Styl se présente comme le coiffeur des stars et des fans de l’OM.»

Pas de drapeau arc-en-ciel sur la devanture, mais l’insigne bleue et blanche de l’OM et une clientèle très ‘hommes cis’. «Je ne savais pas à quoi m’attendre en allant dans un coiffeur destiné spécifiquement à une clientèle masculine, et j’ai été surpris par l’accueil discret et bienveillant.» Depuis, Elia qui travaille dans le domaine social, recommande le salon autour d’iel.

Evelyne Kropf, lesbienne, a également eu du mal à obtenir un tarif abordable pour sa coupe courte. A Bulle, où elle vit, son coiffeur avait coutume de lui facturer le tarif homme de 40 CHF, sans en informer sa cheffe. «Un jour, c’était de surcroît un 8 mars, il m’annonce s’être fait taper sur les doigts par la patronne, qui lui a dit que ce tarif pour une coupe femme, ça n’allait pas.»

«S’appeler Evelyne ou Kevin ne devrait pas entrer en ligne de compte»

C’est finalement à Lausanne, où elle travaille, que l’ambulancière de 45 ans trouve son bonheur, dans un salon pour hommes très fréquenté, devant lequel elle passe fréquemment. «Chez Giaquinto coiffure, au Tunnel, j’ai tout de suite eu le tarif homme de 33-35 CHF, sans même devoir le demander.» La Neuchâteloise d’origine attire un peu les regards, dans ce lieu presque exclusivement masculin, mais a immédiatement un bon contact avec le patron. «Mes cheveux courts, je les coupe environ une fois par mois, et payer 65 CHF pour une coupe faite en une demi-heure, c’est presque du vol!», s’exclame celle qui n’a pas la langue dans sa poche, et estime que «s’appeler Evelyne ou Kevin ne devrait pas entrer en ligne de compte.»

Du côté des coiffeur·euse·x·s, la lutte pour de meilleures conditions de travail dans cette profession trop peu valorisée prend souvent le pas sur les revendications des client·e·x·s. Entre Lausanne et Paris, des initiatives prônant des services plus inclusifs commencent toutefois à voir le jour.

En région parisienne, le collectif «Coiffure en lutte» a été fondé par des coiffeur·euse·x·s ne se reconnaissant plus dans la façon de pratiquer des salons. Victoria Morandi était parmi elleux: «On était plusieurs à pratiquer des tarifs non-genrés, plus accessibles et plus justes, en fonction du temps passé. Nous étions tous·tes·x parti·e·x·s des salons de coiffure après avoir été confronté·e·x·s à des problématiques qui allaient à l’encontre de nos valeurs. Aujourd’hui nous sommes tous·tes·x indépendant·e·x·s, excepté le salon parisien Bubble Factory, dans le XIIème arrondissement, qui nous a rejoint.»

La charte du collectif, publiée sur Instagram, revendique des tarifs non-genrés, mais également une prise en charge plus adaptée des personnes à cheveux crépus, frisés et bouclés, ainsi que des personnes en situation de handicap physique ou mental.

A Lausanne, Sylvie Makela, fondatrice du salon Tribus Urbaines, avoue ne jamais avoir été à l’aise avec cette genrisation des tarifs. «En même temps, comptablement, c’était un peu inextricable et on se demandait comment cela fonctionnerait financièrement.» Les remarques de clientes ainsi que de Zhenya, femme trans* employée depuis peu dans le salon, ont achevé de convaincre Sylvie: «Nous avons opéré une refonte des prix en ce début d’année, et lancé un tarif unique de 55 CHF pour les coupes courtes, incluant le shampoing. On est enfin en accord avec nos convictions!»

«Ce qui se rapporte aux cheveux est très politique»

Avant de créer un salon à son image, Sylvie Makela se heurtait sans cesse à l’embarras des coiffeur·euse·x·s face à ses cheveux crépus. «En tant qu’afro-féministe, je milite pour la liberté et l’égalité de toutes les femmes, et ce qui se rapporte aux cheveux est très politique à mon sens. C’est l’un des éléments qui me renvoyait à mon altérité, et on m’a longtemps signifié qu’il fallait que je ressemble à une norme très contraignante, allant totalement à l’encontre de ma nature.» Pour celle qui est maintenant à la tête de deux enseignes, le métier de coiffeur·euse·x souffre avant tout d’un manque de valorisation, avec un salaire de base qui n’atteint pas 4000 CHF par mois.

Sur l’arc lémanique, les salons mixtes proposant des tarifs non-genrés se comptent sur les doigts d’une main. Pour Olga Baranova, directrice de campagne pour le Mariage pour tous, c’est toutefois la taxe rose de manière plus générale qu’il convient de dénoncer : «Les gens réagissent souvent de manière épidermique, lorsque l’on évoque cet enjeu. Ils se sentent attaqués dans leur masculinité ou leur féminité, alors que nous serions tous·tes·x gagnant·e·x·s, si cela était remis en question.»

Zhenya G., femme trans*, coiffeuse chez Tribus urbaines

La coiffure, que l’on associe volontiers au domaine de la mode et au milieu artistique, n’est pas un domaine aussi inclusif qu’il n’y paraît. Ce n’est en tous cas pas l’expérience que Zhenya en a fait. «Avant d’arriver chez Tribus Urbaines, j’étais employée dans un salon pour hommes, et la patronne ne souhaitait avoir que des employés hommes. Je ne pouvais donc pas être moi-même, se souvient la trentenaire. C’était très pénible, mais il fallait que je travaille. J’ai finalement révélé ma transidentité à des collègues, qui n’ont pas été surpris. Malheureusement, quand c’est arrivé aux oreilles de la patronne, elle m’a licenciée…» Souhaitant aller de l’avant, Zhenya ne conteste pas le licenciement.

Lorsqu’elle postule dans le salon de Sylvie Makela, la jeune femme ne cache pas sa transidentité. Son pressentiment d’être enfin arrivée au bon endroit ne la trompe pas, et le salon de la rue de La Madeleine lui ouvre grand ses portes. «Que Tribus Urbaines me donne une place au sein de sa famille, c’était énorme, pour moi. J’ai pu reprendre confiance après m’être si longtemps sentie exclue.» Être confrontée à des femmes très différentes les unes des autres, qui la perçoivent comme n’importe quelle femme, et se sentir à l’aise, l’Algérienne d’origine l’apprécie chaque matin en arrivant au travail: «Dans ce lieu vraiment inclusif, et totalement safe, je ne suis pas mégenrée et j’ai même eu des client·e·x·s trans*, qui étaient ravi·e·x·s de me rencontrer.»

Tribus Urbaines a également ouvert un salon à Genève, où réside Zhenya. Elle préfère toutefois éviter de travailler dans ce quartier animé, où elle s’est souvent faite agressée. «En plus, je ne souhaite pas être en vitrine. Ici à Lausanne, le salon est à l’étage, et je m’y sens bien.» Les agressions, la lumineuse Zhenya continue cependant d’en subir, dans les gares et les trains. «C’est dur, d’être constamment associée à des activités qualifiées de douteuses et d’être insultée… En plus, être travailleuse du sexe, je ne pense pas que ce soit forcément douteux, c’est certainement plus éthique que de travailler dans une multinationale, mais ce n’est pas moi!»

* nom connu de la rédaction