L’esthétique fetish piétine les podiums
Le BDSM et la mode s’influencent mutuellement depuis longtemps. Retour sur les grands moments où les designers se sont emparé·e·x·s de cette sous-culture pour lui rendre un hommage vibrant.
Le fetish: un terme que l’on aurait bien du mal à définir précisément, tant il recouvre des possibilités infinies et tant il a été approprié différemment selon les milieux. On pourrait malgré tout l’entendre ainsi: une érotisation particulière d’objets ou de parties du corps. Nous vous proposons un voyage au travers de vêtements qui ont fait le fetish…où que le fetish a fait.
Le choker
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Premier moment iconique de l’incorporation du BDSM dans le luxe: Donatella Versace elle-même drapée dans une robe de lanières de cuir entrecroisées et rattachées à un choker. Une révolution à l’époque d’une mode relativement conservatrice, attachée à une définition stricte de l’élégance féminine. Interrogée par VOGUE, Donatella avoue à quel point ce moment de mode l’a marquée: «Si je devais choisir un seul épisode de l’histoire de Versace, le premier qui me vient à l’esprit est la robe Miss S&M de l’automne/hiver 1992». Un nom qui laisse par ailleurs peu de place au doute quant aux inspirations de son designer…
La cage de chasteté
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L’underwear n’échappe pas à la fascination des créateurs pour les codes BDSM. Ludovic de Saint Sernin en est un bon exemple, proposant des maillots de bain aux œillets bardés de lacets serrés, dans le cadre de sa collection swimwear 2021. Une esthétique rappelant celle des cages de chasteté, accessoire emblématique de la culture fetish. Le créateur s’est fait connaître en 2018 avec sa mode genderless, au sein de laquelle la sexualité tient une place importante: «elle fait partie de nos vies et de nos identités, créer des vêtements qui la célèbre, c’est aussi une manière de s’affirmer, de se découvrir et de partager», racontait-il au lancement de la collection.
La cuissarde
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On ne pouvait évidemment pas proposer cette sélection sans mentionner le foot fetish. Talons aiguilles, chevilles lacées, les exemples ne manquent pas en la matière. Ces dernières années, c’est la cuissarde qui fait des émules dans les terres du luxe. On en veut pour preuve le défilé automne/hiver 2016-2017 d’Alexandre Vauthier et ses bottes montantes en cuir verni qui laissent apparaître une jambe nue, clin d’œil à l’esthétique des dominas. «Je fais le maximum pour que les femmes aient un pouvoir sur les hommes. Et je crois que cela nourrit les hommes, le fait d’accepter ce pouvoir sur eux», glissait-il alors à Numéro. Un look audacieux entre la citadine à la Pretty Woman et la Catwoman des temps modernes.
Le corset
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La star du défilé Versace de cette dernière Fashion Week? Le corset! Il était présent sur l’ensemble des looks créés, sublimé par d’autres éléments de la culture BDSM: collants en latex, tops en caoutchouc, regards charbonneux… Un clin d’œil à l’âge d’or de la marque, qui a fait ses armes dans les années 90 sur cette esthétique (rappelez-vous la collection S&M). Pas étonnant que les cartons d’invitation au show indiquaient «Meet at my place» [ndlr: venez à la maison]. Un retour aux sources ultra glamourisé qui permet de porter un regard presque futuriste sur les codes du fetish.
Le puppy-play
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On reste sur le latex, mais avec un twist cette fois… l’intégration de l’esthétique du puppy-play, un élément fondateur de la culture gaie. Cette saison, Richard Quinn fait défiler Violet Chachki. Le choix de la Dita Von Teese du drag est tout sauf anodin: elle multiplie les références esthétiques au BDSM. Pendant le show, elle tient en laisse un mannequin bardé de latex en attirail de puppy. «Je pense que les gens sont juste attirés par ce genre d’esthétique. Même lorsque j’étudiais à Saint Martins en première année, c’était adjacent à Soho et c’est tout naturel de s’en inspirer», explique le créateur.
L’imperméable
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Christopher Kane peut se prévaloir de créer, saison après saison, une mode avant-gardiste dont l’érotisme pave les looks. «Nous faisons toujours du sexy d’une manière différente des autres. La sexualité est toujours présente en sous-texte», explique-t-il à VOGUE en 2019. L’hiver de la même année, il propose une collection de prêt-à-porter reprenant l’imperméable comme pièce maîtresse unique, jouant sur le fantasme du vêtement long et ample masquant un corps dans son plus simple appareil. Une habitude chez le créateur, qui n’a jamais caché son attrait pour l’esthétique BDSM: lors du même défilé, certaines robes étaient estampillées du terme «RUBBERIST», à savoir «adepte du caoutchouc».
Le harnais
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Voilà un accessoire qui s’est hissé de la chambre à coucher au runway avec une célérité époustouflante. On pense évidemment au fol automne 2020, qui a vu se succéder mille et une façons d’allier cet objet kinky à l’élégance et au raffinement de la haute couture. Gucci, pour ne citer que cette grande maison, structurait ses longues robes en froufrou d’inspiration victorienne avec des harnais en cuir. Lorsque le magazine Antidote demande à Alessandro Michele pourquoi une telle obsession avec les accessoires, sa réponse ne se fait pas attendre: «Je suis obsédé par les objets, de manière presque romantique. Le bon accessoire est comme une relique à mes yeux: je suis un vrai fétichiste».
La cagoule
Le show automne/hiver 2018 de Moschino est un exemple flamboyant des ponts que l’on peut faire entre mode et fetish: latex, choker, chaînes, vinyl… tout y passe! Sans compter la star inattendue du défilé: la cagoule! Jeremy Scott assume de jouer avec les codes du genre: hommes et femmes défilent côte à côte et portent indifféremment ces accessoires. Le créateur se réclame sans ambiguïté de ce parti pris esthétique: «Pour cette collection, j’ai voulu jouer avec l’idée de mélanger le masculin et le féminin de manière résolument subversive, de renverser certains codes du vestiaire genré».
Le masque
Comment faire ce voyage dans la haute-couture sans nommer le pape du fashion fetish, Thierry Mugler? Cravaches, tailles resserrées, matières scintillantes: le designer est passé maître dans l’art du runway inspiration BDSM. On se souvient de sa collection printemps/été 1997, lors de laquelle il présente des silhouettes de fourmis dominatrices, les yeux parés d’un masque globuleux et la tête couverte par des antennes. Un look toujours innovant et inclassable, 25 ans plus tard. «Il était tellement incompris à son époque, son travail était trop avant-gardiste», explique Thierry-Maxime Loriot, conservateur d’une rétrospective sur Mugler actuellement présentée au Musée des Arts Décoratifs de Paris.
Les accessoires buccaux
On vous laisse sur une note des plus kinky, avec le défilé automne/hiver 2014/2015 de la Maison Man, qui accessoirisait ses mannequins avec des écarteurs buccaux! La haute couture aime les jeux de bouche et en paie parfois le prix fort: on pense au scandale qui a suivi le show printemps/été 2019 de Thom Browne, lequel faisait défiler des modèles avec des gag-balls. En plein #MeToo, le parti pris avait été jugé de très mauvais goût: «Nous avons du mal à saisir la nécessité de montrer des femmes littéralement ligotées et bâillonnées sur le podium à ce moment précis», s’agaçait Diet Prada dans sa critique. Entre la subversion et le mauvais goût, il n’y a parfois qu’un pas.