Carton rouge sur toute la ligne
Alors que débute aujourd'hui l’Euro 2016, l’homophobie dans le football est toujours bien présente en dépit d'initiatives courageuses ces dernières années.
Le sport le plus populaire au monde n’est toujours pas ouvert à tout le monde. Il reste un bastion ultra de la masculinité où l’homophobie, le sexisme, le racisme sont revendiqués comme autant de preuves d’une incontestable virilité. D’après une étude commandée en 2012 par le club Paris Foot Gay auprès de 363 joueurs français, l’homophobie serait la principale discrimination dans ce milieu. Ainsi l’homosexualité reste un sujet tabou pour 63 % des professionnels et 74 % des jeunes joueurs. 41 % des footballeurs pros déclarent avoir une opinion hostile aux homosexuels.
Afin de lutter contre les stéréotypes, les initiatives n’ont certes pas manqué. En France, des clubs s’engagent depuis des années pour faire bouger les mentalités à l’instar du Paris Foot Gay qui réunissait hétéros et homos autour du ballon rond ou des Dégommeuses qui entraînent les lesbiennes. Dans la Turquie conservatrice de Recep Tayyip Erdoğan, le Sportif Lezbon, né de la fusion entre les équipes de filles Strapon et Elle, vient de rejoindre la Özgür Lig, une ligue turque alternative qui soutient la lutte contre le racisme, le nationalisme, l’homophobie et la transphobie.
Et si l’engagement sur le terrain est une priorité, côté gradins il y a aussi pas mal de boulot. Éduquer le supporteur lambda constitue un défi que relèvent match après match les fan clubs queer, présents en Suisse à Bâle, Berne et Zurich. Tous combattent les discriminations basées sur l’orientation sexuelle. Enfin, les instances du foot européen sont censées soutenir, à coup de campagnes de communication et de chartes éthiques, la lutte contre les discriminations en tous genres.
Coming-out
Pourtant, à la veille de l’Euro 2016, l’état des lieux n’est guère brillant. À ce jour, combien de joueurs ont-ils osé sortir du placard? On se souvient du milieu de terrain américain Robbie Rogers, passé par Leeds United, du défenseur suédois Anton Hysén, de l’international allemand Thomas Hitzlsperger. Et c’est tout, ou presque. Parce que dans la tête des personnes concernées, se déclarer ouvertement gay, c’est la mise en touche assurée voire l’exclusion définitive.
Certains craignent même pour leur vie. Le suicide de l’Anglais Justin Fashanu en 1998 suite à une campagne homophobe très violente marque encore les esprits. Les arbitres n’échappent pas non plus au harcèlement. Jesus Tomillero, premier arbitre gay d’Espagne, vient de raccrocher crampons et sifflets, «fatigué par tant d’homophobie dans le sport». Il avoue que depuis son coming-out, en avril dernier, «chaque jour a été pire. J’ai subi énormément d’insultes sur le terrain y compris de la part d’enfants de 6-7 ans.» Il a même été menacé de sanctions par la fédération s’il portait plainte.
Entre l’omerta et l’exclusion, il a préféré partir. En Turquie, Halil Ibrahim Dinçdag avait osé révéler son homosexualité en 2009 ce qui lui avait coûté sa carte d’arbitre de football… et donc la possibilité de travailler. Alors plutôt que de risquer de perdre son job, les gays qui se décident à parler de leurs attirances le font à la retraite comme Olivier Rouyer, l’ancien attaquant de l’AS Nancy-Lorraine, coéquipier de Michel Platini dans les années 1970.
Lassitude
Quand, en septembre dernier, l’emblématique club Paris Foot Gay annonçait sa dissolution, une vague de découragement avait submergé les plus militants. «Le combat n’avance plus tellement, même plus du tout», avait alors déclaré sur l’antenne d’Europe 1 Pascal Brethes, co-fondateur de l’association. Celui-ci pointait notamment l’absence de «volonté politique» mais également le laisser-faire des plate-formes YouTube ou Dailymotion en tant que relais massifs de l’homophobie. L’affaire de la vidéo de Serge Aurier, l’arrière droit du PSG, et de son traitement par les dirigeants du club et par les médias est à ce titre très révélateur. En minorant les propos insultants du joueur et en niant leur caractère homophobe, les uns et les autres rendent la discrimination acceptable au prétexte que c’est ordinaire, commun et pas si grave en fin de compte.
De quoi dégoûter celles et ceux qui se battent sur le terrain pour que les choses changent. Or comme le constate le psychologue Anthony Mette dans son ouvrage Les homos sortent du vestiaire tant que le foot sera «dirigé par des hommes uniquement, souvent âgés de plus de cinquante ans, qui sont dans une démarche de conservation des valeurs en place», il est peu probable que la stigmatisation des gays disparaisse des stades.
La France organise l’Euro mais dépense zéro euro à cette occasion pour l’inclusion des LGBT. La racisme révolte mais l’homophobie est tolérée. Hollande dehors ! C’est une honte.