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De l’autre côté du genre

Dans le documentaire «Man for a Day», présenté à la Berlinale, Katarina Peters filme un des workshops de la célèbre drag king britannique Diane Torr. Bluffant.

Elle n’a besoin que de quelques minutes pour «passer» la frontière. Gommer les seins sous un bandage, d’abord. Enfiler un costume, puis glisser ce qu’il faut de coton dans sa culotte pour être crédible. Nouer une cravate. Une raie sur le côté, un peu de gomina, quelques faux-poils collés d’un geste expert au-dessus des lèvres, et le tour est joué. Pas la peine de scruter les traits de Dany à la recherche de ceux de Diane, elle n’est plus là. Face à elle, un groupe de novices recrutées par annonce: «Cherche femmes courageuses pour un projet de documentaire. Avez-vous déjà eu envie d’être un homme? Voici l’occasion de participer à l’un des célèbres workshops de Diane Torr à Berlin.»

Nouveau vocabulaire physique
Amie de longue date de la performeuse, la réalisatrice allemande Katarina Peters a eu envie de montrer à l’écran le travail que mène Diane Torr sur la frontière entre les genres à travers les drag king workshops qu’elle organise depuis 1991 à travers le monde, après avoir fait elle-même cette expérience déroutante: «C’est une exploration corporelle dans laquelle on essaie de se détacher de ses manières féminines. C’est très difficile d’arrêter de sourire et de secouer continuellement la tête, de trouver un nouveau vocabulaire physique, explique Katarina Peters. Avec ce film, j’ai voulu donner une large audience au travail de Diane, en y confrontant des femmes pour qui la question du genre n’était pas une réflexion quotidienne.»

Sommité de la culture drag king, Torr a commencé à se travestir un peu par hasard dans les années 1970 à New York, où elle était venue étudier la danse: «New York était alors un endroit très dangereux. Si vous étiez très féminine, vous vous faisiez attaquer. Je portais une longue veste noire en vinyle zippée et un chapeau d’homme, et un jour que je rendais visite à quelqu’un de ma famille en Angleterre, il m’a dit: «Mon Dieu, tu t’habilles comme un homme!» Je ne m’en étais jamais rendue compte avant, c’était juste pour me protéger», se souvient Torr, qui commença à faire des performances grimée en homme dans les années 1980. À 63 ans, elle continue d’incarner sur scène toute une galerie de personnages masculins, à l’instar du mystérieux Mister EE.

Garder le regard fixe
Le temps d’un week-end, les protagonistes du documentaire apprennent à devenir des hommes. Diane Torr leur montre comment se travestir, leur apprend à marcher comme des hommes. À s’asseoir, à parler, à garder le regard fixe, attraper des objets, manger, danser… Quelques exercices d’improvisation théâtrale et des sorties dans la ville, fausses barbes de trois jours au vent, complètent la formation. «Elles doivent découvrir l’homme qu’elles ont envie de devenir», explique Diane Torr, qui demande à chacune de donner un prénom à cet homme, de lui inventer une histoire et une personnalité.

Avec délicatesse et une sacrée dose d’humour, la caméra de Katarina Peters filme cette quête de soi troublante, qui réveille chez certaines des souvenirs intimes et douloureux. Au-delà du résultat visuel surprenant, à l’instar d’une jeune bimbo blonde transfigurée en rappeur macho ou d’une quadra perchée sur des talons plus vraie que nature dans le rôle masculin qu’elle s’est inventé, le film s’ancre dans une réflexion plus large sur les rôles masculins et féminins et les codes qui y sont traditionnellement associés, s’amusant à découdre les stéréotypes un par un, comme pour mieux brouiller les pistes.