Comment les expatriées s’acclimatent à la vie queer romande
Elles viennent d’Argentine, de Russie et des États-Unis: trois expatriées qui aiment les femmes* racontent leur adaptation en Suisse et partagent quelques-uns de leurs bons plans…
Sofia* se rappelle de la première fois qu’elle s’est rendue au Phare et au (regretté) café-librairie Livresse, deux mythiques lieux queer à Genève. «Il n’y avait pas de drapeaux LGBTIQ+, pas de symboles queer, rien de distinctif, raconte-t-elle. J’ai trouvé ça choquant!» Sofia, tout comme Oksana* et Hailey, vit en Suisse depuis quelques années. Les trois jeunes femmes sont venues pour leurs études «et par amour aussi», confie Oksana, qui avait rejoint ici son copain de l’époque.
Sofia avait déjà fait son coming out en Argentine et connaissait alors bien la vaste et vibrante communauté LGBTIQ+ de Buenos Aires. À son arrivée, elle a été surprise de découvrir une «communauté petite et timide»: «Je trouve difficile de rencontrer des filles saphiques en Suisse», ajoute-t-elle. L’Argentine est souvent citée comme le pays le plus accueillant pour les personnes LGBTIQ+. Selon Sofia, il y règne un esprit d’ouverture à l’égard des minorités sexuelles et de genre, ce qu’elle ne retrouve pas dans la Genève internationale. «Ici, je dis que je suis lesbienne dans des espaces où je sais que c’est ok, c’est-à-dire à l’université et dans les lieux queer. Dans les autres contextes, en particulier dans le milieu professionnel, je ne me oute pas. Je n’ai pas l’impression que l’homosexualité est vraiment acceptée.»
«C’est en vivant en Suisse que j’ai réalisé que j’étais bi»
Oksana a vécu le choc inverse. La jeune femme est originaire de Russie. En déménageant à Genève, elle a tout d’abord été époustouflée de la bienveillance de la population à l’égard des personnes LGBTIQ+: «Ici, tout est très ouvert. Il y a, par exemple, beaucoup de bars et de restaurants “normaux”, qui indiquent être “LGBT-friendly”.» Si l’acceptation des personnes queer affichée dans divers établissements et commerces est la cerise sur le gâteau pour Oksana, le simple droit à des espaces de rencontre pour femmes* saphiques est déjà un dépaysement pour l’étudiante: «En Russie, c’est illégal d’organiser des événements LGBTIQ+, explique-t-elle. Du coup, je ne connais pas trop le milieu. Je sais seulement qu’il existe des bars gay clandestins à Moscou.» Oksana a beaucoup appris d’elle-même en s’expatriant. «C’est en vivant en Suisse que j’ai réalisé que j’étais bi.»
Originaire des États-Unis, Hailey a, tout comme Oksana, eu ses premières expériences avec des femmes* en Suisse. Elle est originaire d’un État qu’elle décrit comme «très conservateur»: «C’est difficile d’y vivre son homosexualité. On n’a pas vraiment le droit d’exister et on subit des préjugés.» Hailey est actuellement en couple, et se sent libre de vivre au grand jour sa relation. Elle redoute beaucoup moins les agressions dans l’espace public. «Je me sens beaucoup plus en sécurité en tant que femme et en tant que personne queer à Genève que dans ma ville natale.»
Espaces à connaître
Avant d’avoir pu placer un mot à ce sujet, les trois jeunes femmes ont évoqué Sapphics in Geneva. Elles ont toutes de très bons retours à l’égard de ce groupe WhatsApp qui compte plus de 400 membres, dont une majorité d’expats. Le groupe WhatsApp Lausanne Queer Womxn Community est lui aussi cité comme une référence. Les trois expats expliquent que ces plateformes permettent l’organisation d’un bel éventail d’activités et de rencontres improvisées. Les deux groupes WhatsApp sont qualifiés de «très inclusifs», par le trio.
Les soirées dansantes ont aussi été mentionnées comme des immanquables. «Je suis allée dernièrement à la soirée 360° Fever et c’était trop bien. Les LOL à Lausanne sont aussi très fun», assure Oksana. Et pour celles que la danse intéresse, Sofia recommande pour sa part le Tango Queer, organisé par Dialogai. «C’est un des espaces dans lequel je me sens le plus à l’aise, ici en Suisse», assure-t-elle. Elle mentionne aussi les soirées ciné-club de Lestime, option sympa pour chiller entre meufs*. En ce qui concerne Oksana, elle raconte qu’elle apprécie les bars LGBTIQ+-friendly de Lausanne, mention spéciale pour le Cylure.
Conseils aux nouvelles arrivantes
Oksana a rencontré des difficultés à se faire des ami·e·x·s à Genève, puis à Lausanne. «Ça fait plus de quatre ans que je suis en Suisse et, actuellement, je suis bien entourée, soutient-elle. Ça m’a toutefois pris près de deux ans pour me faire des ami·e·x·s. J’ai rejoint une association en mars 2021 et c’est à partir de là que j’ai commencé à me faire des potes.» Oksana, Sofia et Hailey sont unanimes: c’est un vrai plus d’adhérer à une association. Les trois expats expriment le regret commun de ne pas avoir approché un groupe LGBTIQ+ plus tôt. «C’est très important d’essayer de se connecter rapidement à des réseaux, de s’adapter à une communauté, explique Sofia. Ça permet de connaître du monde et ça ouvre à plein d’activités.»
*prénoms d’emprunt