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Metanoïa: immersion dans un parcours de conversion

Metanoïa: immersion dans un parcours de conversion
@Karla Hiraldo Voleau

Au moment où la Suisse réagit enfin pour interdire les thérapies de conversion, nous sommes allé·e·x·s à la rencontre d’Isaac de Oliveira qui nous raconte en toute honnêteté son expérience et son conflit interne l’emmenant de la honte à l’acceptation.

Les cantons de Vaud et Genève ont décidé de les bannir, le Valais se dit en faveur d’un postulat souhaitant un état des lieux en vue d’une interdiction. En contrepartie, le réseau évangélique suisse a publié en février 2022 une déclaration s’opposant à l’interdiction des thérapies de conversion stipulant que le cadre juridique actuel est suffisant, en prenant garde de condamner le principe de thérapie visant à «guérir». Il mentionne également l’importance de l’autodétermination de la personne et de l’accompagner vers la connexion à sa foi. Cependant, aucune mention des séminaires «Torrents de Vie», pourtant, évangéliques, n’est faite…

@Karla Hiraldo Voleau

 

«La maison était alors un lieu refuge et d’amour»

«Je suis né dans une famille à moitié chrétienne, entre un père agnostique et une mère née catholique. J’ai été baptisé catholique. Suite à la conversion de ma mère du catholicisme à l’évangélisme, mon frère et moi avons suivi une éducation religieuse. J’ai grandi dans la foi en fréquentant l’église et l’école du dimanche. La maison était alors un lieu refuge et d’amour. Je me sentais entouré de deux parents soudés et présents.

A 9 ans, j’ai ressenti pour la première fois la présence de Dieu à mes côtés, c’était lors d’un camp chrétien. Nous étions en train de chanter des louanges et je me suis senti vivant. C’était comme une seconde naissance. Je sentais que Dieu était là, en moi. C’était une grande joie! Je me suis plongé dans ma Bible plusieurs jours pour y dévorer ses apprentissages et y trouvais des réponses à mes questions existentielles.

J’étais un enfant heureux, avec une foi profonde, fasciné par Dieu et le divin. «Jésus est Dieu», nous enseignait-on. Jésus était mon confident, mon meilleur ami. J’avais le privilège de le connaître.

Un endroit lumineux plongé dans l’obscurité

Je me souviens de cette journée qui marquera l’entrée de l’anxiété dans ma vie. J’avais 12 ans. En rentrant de l’école, ma maman nous avait réunis mon frère et moi pour nous confier ses interrogations à propos d’un membre de la famille. Il pensait que mon frère Lucas était homosexuel. Sous le choc, il a réagi furtivement et s’est défendu. «Jamais! C’est dégueulasse!», se justifiait-il.

«Je jouais à l’hétéro, je portais le masque»

De mon côté, je ressentais une affection particulière pour les hommes. Je pensais que c’était normal. Une forme d’amour comme il en existe d’autres. Mais je ne voulais pas risquer de perdre l’amour de mes parents. J’ai commencé à me replier sur moi-même. Tout l’équilibre familial s’effondrait. Cet endroit si lumineux était subitement plongé dans l’obscurité. Je devenais vulnérable et je devais me cacher. Je ne riais plus, ne parlais plus et devenais agressif: je devais me protéger,ne pouvant pas être découvert. Alors je jouais à l’hétéro, je portais le masque. Isaac s’éteignait. Je me rendais compte que je n’étais pas normal. Une polarité s’inscrivait dans ma vie. Il y avait Isaac à la maison et Isaac dans son entourage. Il y avait les sourires vers l’extérieur et le silence à l’intérieur. Je traversais de grands moments de détresse. Je me sentais à terre, inondé de mes propres larmes.

J’implorais Dieu de me changer. Ma vie spirituelle se résumait à la supplication de la guérison. «S’il te plaît, change-moi.», m’écriais-je. Je restais annihilé face au silence de Dieu. Il ne souhaite que l’hétérosexualité. Je ne pouvais pas imaginer être différent. Je traversais les deux pires années de ma vie.

La culpabilité et la honte face à Dieu

Dans la foi, Dieu apporte toujours des solutions : Il guérit les malades et délivre les personnes dans le péché. Il peut donc le faire pour moi, pensais-je. Dieu était la solution à mon problème. Si je suis un bon chrétien, Dieu me libérera, j’en étais persuadé.

Pourtant à 15 ans, je vivais mon premier amour, rencontré sur internet. Pour la deuxième fois de ma vie, je me sentais aimé pour qui j’étais . La première fois, c’était ma rencontre avec Dieu. Ce soir-là quand, je suis rentré chez moi, je me sentais complètement ouvert. Un sentiment qui n’aura duré que le temps d’un repas. Ensuite, l’ombre a repris le dessus, ravivée par un commentaire d’une amie chrétienne à qui j’avais raconté ce que je vivais: «N’oublie pas que de là-haut, quelqu’un te regarde…» Elle me disait que c’était mal et que Dieu avait préparé une femme pour moi. Ces mots ont déclenché en moi un sentiment intense de culpabilité et de honte. L’amour que je ressentais s’effaçait. J’ai rompu pour lutter contre ce que je considérais être un péché.

«Enfoui dans ma détresse, je dessinais mon désir de devenir hétéro»

La théologie anti-gay détruit plus qu’elle ne guérit

Enfoui dans ma détresse, je dessinais mon désir de devenir hétéro. Je devais changer, quitter ce qui me pervertissait. Je savais que Dieu le voulait pour moi. Lors de mon dernier week-end de catéchisme, je ne ressentais rien. Je me sentais séparé de Dieu. J’étais persuadé que c’était la faute de mon homosexualité. J’ai demandé de l’aide à trois pasteurs. C’était le début de mes entretiens réguliers avec le pasteur de la paroisse que je fréquentais. Il avait une approche bienveillante, il m’écoutait, nous priions ensemble. Je lui racontais ce que je vivais à la maison. Je lui confiais ma crainte du rejet de mes parents. A ce moment-là, il s’est mis à me parler de «Torrents de Vie». Il s’agissait d’un séminaire autour des «cassures» sexuelles telles que les abus, la pornographie et la sexualité entre personnes du même genre/sexe. L’accompagnement était sans promesse, si ce n’est de devenir une meilleure version de soi. L’homosexualité y est condamnée car elle ne fait pas partie du «plan de Dieu». Je devais attendre ma majorité pour commencer le séminaire.

«Il s’est mis à me parler de «Torrents de Vie»»

Après une série d’entretiens individuels, j’ai demandé à mon pasteur de convoquer mes parents pour que je leur parle de mon attirance pour les hommes. Pourtant, je me sentais humilié, j’étais silencieux. Il était nécessaire qu’ils sachent pour que je m’en sorte. Ma mère a demandé: «Comment allons-nous faire?», alors que mon père a verbalisé que ça ne changeait rien pour lui et qu’il m’aimait. Je me sentais traversé d’un sentiment de colère et de honte.

Le pasteur a proposé que mes parents m’emmènent voir une psychothérapeute évangélique qui pourrait m’accompagner sur mon chemin de réconciliation. Avec elle, nous avons abordé le quotidien sans se centrer sur l’homosexualité. Malgré tout, mon désir de guérison persistait.

Quand j’ai eu 18 ans, mon pasteur m’a rappelé que j’avais la possibilité d’intégrer le séminaire. Ce que j’ai fait pendant dix mois à raison d’une séance de groupe par semaine et d’un week-end de rencontre. Nous nous immergions dans un manuel accompagné de messages, de chants de louanges et de prières. J’aimais y aller. Je m’y sentais bien. Je pouvais être moi-même tout en continuant la lutte contre mon homosexualité. J’ai rencontré deux amis présents pour les mêmes raisons que moi. Je me sentais profondément chrétien, même si mes désirs persistaient. Dieu m’a mis sur la voie de Nashville aux Etats-Unis pour suivre une école de disciple destinée à renforcer ma foi. On m’y impose les mains. Je me suis retrouvé dans un groupe formant un cercle, les gens priaient Dieu pour qu’il fasse un miracle et me guérisse. Je souffrais énormément. Je suffoquais.On tentait de me délivrer de mon homosexualité. Malheureusement, rien n’y faisait. J’ai vécu trois mois de profonde souffrance. Je n’avais qu’une hâte, rentrer en Suisse.

Quand je suis rentré de Nashville, j’étais encore persuadé que Dieu avait prévu un miracle pour moi et qu’il s’agissait de patienter et de lui offrir ma vie. J’ai décidé de suivre des études en théologie. Mon objectif était clair: vivre une conversion, épouser une femme, témoigner de mon histoire pour donner de l’espoir aux personnes qui souffrent d’homosexualité. J’ai développé une véritable relation avec le divin. Je m’encourageais à persévérer, persuadé que j’allais changer. En parallèle, je travaillais pour mon église locale et je suis devenu responsable de camps pour les jeunes que j’accompagnais individuellement. J’étais un pasteur stagiaire dévoué au service et au ministère. Mon rapport à l’homosexualité devenait plus flou. Je vivais malgré tout de gros moments de doutes et jouais avec la limite de mes tentations homosexuelles en initiant des rencontres virtuelles, sans jamais les concrétiser.

Un chemin vers l’amour

L’Église devrait être une maison d’accueil, un hôpital pour les malades. Pourtant, on a voulu me guérir de soi-disant maladies, me délivrer de soi-disant démons alors qu’au même moment Dieu hurlait que sa création était merveilleuse. Je commençais à en avoir marre d’essayer de rentrer dans les cases et de ressembler à quelqu’un que je n’étais pas. J’ai essayé. Je n’ai pas réussi. Soit. Je continuais de lire des livres de guérison et lorsque j’ai découvert Du statut d’orphelin à celui de fils et d’héritier du Père, où sont décrites huit clés pour devenir la meilleure version de soi-même, j’ai eu un déclic. Je compris que mon combat contre l’homosexualité n’était pas dirigé par une conviction divine mais uniquement par la peur d’être rejeté, de ne plus être aimé et accepté. Le pardon m’est apparu comme la clé de mon acceptation. Après quasiment neuf ans de silence autour de l’homosexualité, j’ai décidé de rencontrer mes parents individuellement afin d’obtenir  leur pardon, tout en leur offrant le mien. Il était temps de cicatriser nos blessures. J’avais le profond désir que nous puissions vivre dans l’amour et la paix. Ils m’ont ouvert leurs cœurs et nous avons pu partager des instants d’acceptation. Je me sentais enfin aimé et heureux. J’avais l’envie de découvrir mon identité. L’amour de mes parents m’a poussé à m’accepter. Je me suis offert la liberté de vivre. Je prenais conscience que j’étais pétrifié par l’idée de ne pas être assez bien pour être aimé. J’étais captif de mes peurs, pas de Dieu ou de mon rapport à la foi. S’en est suivi une phase de déconstruction. J’ai cherché des réponses dans des écrits où l’homosexualité et la foi se rencontrent. Ma foi s’est vue foncièrement remise en question. Jusqu’au jour de mes 24 ans où j’ai écrit un courrier du cœur dans lequel j’ai fait mon coming out. Cela a été un instant profond où plus personne ne m’a condamné. J’ai eu le droit d’exister.

«L’Église a sa part de responsabilité dans la culture du mal-être ressenti par des personnes pour qui, vivre en tant qu’homosexuel·le·s va à l’encontre de ce qu’elles entendent au quotidien dans leur religion.»

Aujourd’hui, je me sens fier du parcours que Dieu a dessiné pour moi. Pendant de longues années, j’ai lutté à l’intérieur de moi-même pour enfin réussir à faire vivre le véritable amour qui sommeillait en mon cœur. J’ai accepté les épreuves par lesquelles j’ai dû passer pour saisir l’importance d’écouter ce qui résonne en mon for intérieur. Je ne regrette aucune des étapes traversées malgré la violence provoquée par les accompagnements vécus. Les conséquences psychologiques sont conséquentes et il ne faut pas les minimiser. Même si j’ai eu l’occasion de rencontrer de merveilleuses personnes, l’Église a sa part de responsabilité dans la culture du mal-être ressenti par des personnes pour qui, vivre en tant qu’homosexuel·le·s va à l’encontre de ce qu’elles entendent au quotidien dans leur religion.
Mais surtout, ce chemin et cette phase de déconstruction ont été l’occasion de me rencontrer moi-même et d’accepter le fait qu’il est possible de se sentir validé et aimé dans son entièreté. J’ai ouvert mon regard face à la beauté de l’humanité et ai appris à accueillir toute personne dans son identité. Je me suis réconcilié avec l’amour du divin et ma connexion s’est renforcée. Aujourd’hui, je me sens en paix et conscient.

Instagram
@isaac.deolive

2 thoughts on “Metanoïa: immersion dans un parcours de conversion

  1. Très beau témoignage inspirant et fort. Je regrette toutefois que vous ayez généralisé le terme « Eglise » puisque désormais depuis plusieurs années des communautés inclusives dans les Églises historiques (en particulier réformées et luthériennes) voient le jour et ont pris position contre les thérapies de conversion. LeLAB Eglise protestante de Genève EERV – Eglise évangélique réformée du canton de Vaud Groupe Église Inclusive – EERV😉🌈💒💕

    1. Je partage totalement ton avis !
      Le terme est généralisé car il reflète le témoignage vécu par Isaac dans un milieu spécifique sans pour autant exclure les bonnes pratiques ailleurs. 🙂

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