«L’humour est ma stratégie de survie»
Eddie Ramirez, 30 ans, est humoriste et comédienx à Zurich.
Sur la page d’accueil de son site internet, Eddie Ramirez apparaît de dos, sur le pont de Hardbrücke, surplombant la ville de Zurich où they est néx en 1990. Prendre de la hauteur, regarder dans la bonne direction: dans la vie de tous les jours, c’est la solution qu’a trouvé l’ humoriste et comédienx suisse-allemandx pour faire parade au monde extérieur. Usagerx de fauteuil roulant, non-binairex et d’origine dominicaine, Eddie Ramirez a toujours attiré l’attention, et les commentaires qui vont souvent avec. «À chaque fois que je sortais en club ou dans un bar, il suffisait que les gens soient un peu bourrés pour me poser des questions bêtes sur mon handicap.»
Pour transcender son ras-le-bol, they s’amuse à rejouer ces scènes embarrassantes à ses amis, n’hésitant pas à les édulcorer pour améliorer ses effets. Hilares et convaincus, ils poussent they à s’inscrire à un premier open-mic.
Évacuer les frustrations
Sur scène, Eddie Ramirez découvre un lieu qui lui permet d’évacuer ses frustrations tout en éduquant le public: «Bien avant de pouvoir me payer une thérapie, l’humour était déjà ma stratégie de survie face aux discriminations. Mais je n’évoquerai jamais des sujets aussi graves que le racisme, l’homophobie ou le validisme juste pour faire rire. Je montre que c’est un problème, qu’il faut que ça change. Minimiser ces événements, les réduire à de simples blagues, ce serait trahir mon devoir de les faire changer.»
Eddie Ramirez parle un anglais parfait, d’une belle voix fumée, ponctuée ça et là de profondes inspirations. Ce souffle chahuté, c’est la première chose que they précise en commençant ses interventions de stand-up: «Les gens prennent si facilement peur. Je les rassure: je ne suis pas en train de mourir.» En 2017, they recevait le prix du Best Newcomer au Swiss Comedy Awards.
Réparer le monde
Ses inspirations ne sont pas à chercher du côté du stand up, un milieu que they trouve encore trop porté sur les blagues discriminantes. Eddie Ramirez préfère les comics et la science-fiction, surtout celle des écrivaines noires: «C’est un mélange d’activisme et de divertissement qui parle de la réalité telle qu’elle est. Exactement ce que je cherche à faire». Depuis que they est aussi comédienx au sein de la compagnie de théâtre queer Criptonite, they se passionne pour le storytelling au sens large, comme si raconter des histoires et les interpréter était une manière de réparer le monde.
La reconnaissance de sa non-binarité s’est construite progressivement. En 2014, they découvre les théories queer sur les réseaux sociaux. Sa rencontre avec deux personnalités zurichoises, Ivy Monteiro, artiste et danseuse trans, et Brandy Butler, musicienne et activiste, ont joué un rôle déterminant dans l’affirmation de son identité. Un an plus tard, misx en confiance par la fréquentation d’un groupe de travail d’artistes queer de couleur, they fait son premier coming-out. «Ça concernait surtout ma communauté virtuelle. Pour des raisons de sécurité, certaines personnes de ma famille ne sont pas au courant. J’essaie d’être patient. Entre temps, quand la frustration est trop grande, je le transforme en stand-up et j’essaie d’en faire de l’argent!» L’humour, ce bulldozer à toute épreuve.
Eddie Ramirez
30 ans
Humoriste et comédienx
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