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Il était une fois la Pride romande

Il était une fois la Pride romande
Pride 2004 à Genève. Photo ©Laurent Guiraud

À trois mois pile de la Geneva Pride 2019, on remonte l’histoire d’une manifestation locale et expérimentale qui a su s’imposer dans le paysage romand.

En Suisse, les premières traces de la Pride remontent à 1978. La première marche des fiertés helvétique se déroulera dans le centre-ville de Zurich sous la forme d’un sit-in et fera ouvertement référence aux émeutes de Stonewall. L’événement interpellera le parlement pour revendiquer l’abandon total du fichage des homos par la police. En Suisse romande, il faudra attendre 1981 pour voir apparaître une manifestation homosexuelle. C’est dans le cadre du mouvement contestataire Lôzane bouge, initié par les jeunes Lausannois en rupture avec les autorités, que l’Homomanif 81 verra le jour.

Caractérisé par son hétérogénéité et son refus de toute structure, le mouvement des jeunes a cherché à intervenir par l’organisation de nombreuses manifestations dans plusieurs domaines, notamment la question du logement, de la drogue, de la sexualité ou encore de l’énergie nucléaire. Dès les prémisses du mouvement, la revendication homosexuelle était centrale. «Pourquoi feignez-vous d’ignorer l’existence d’un fichier et les mesures répressives contre les homosexuels?», demandait le collectif dans une lettre ouverte adressée à la Municipalité lausannoise. Toujours est-il que la première Pride romande identifiée et formulée comme telle, aura lieu en 1997 à Genève.

Du squat à la Pride
C’est au numéro 12, Rue Prévost-Martin, dans l’atmosphère euphorique du squat et bar homo Chez Brigitte, que la Pride genevoise est née sur un coup de tête. Pour Ester Paredes, habitante du squat et pour Philippe Scandolera, bon client et ami, tout semblait possible. «On n’avait pas de limites, on était des punks, on refaisait le monde chez Brigitte. C’était une bande de potes qui faisait la fête tous les soirs et qui s’est dit: on va organiser une grosse fête! On va organiser une Pride!» Pour le groupe (1), s’amuser et s’exposer était indispensable. «En faisant des soirées ouvertes à tou-te-s, on s’est rapidement rendu compte que le meilleur moyen pour que les gens comprennent qu’on était pareil qu’eux, c’est qu’ils viennent faire la fête avec nous. On voulait une visibilité ainsi qu’un vrai dialogue avec la société. Nous avions les mêmes revendications que les autres notamment quant aux problèmes de logement. Pour les squatteur-se-s, on a toujours été un squat comme les autres.»

La Lesbian and Gay Pride & Friends de 1997 était à l’image de Chez Brigitte, un espace mixte mêlant robes éponges et Doc Martens. Ester se souvient: «A l’époque il y avait une réelle scission entre les filles et les garçons. C’était très cloisonné. Il y avait des bars et des clubs réservés aux mecs où je ne pouvais pas rentrer. L’objectif de la Pride, c’était de réunir tout le monde. C’est pourquoi, on a tout de suite voulu intégrer les hétéros. Si on restait un ghetto, on n’aurait jamais avancé.» Brigitte défilera! Munies de leurs économies personnelles et du maigre butin de la bite à Brigitte (2), les ami-e-s du squat, épaulé-e-s par Philippe et Yves (Dialogai), Sandra (CFNB) et Tristan (Unigaie) étaient face à un défi de taille: organiser une Pride en moins de cinq mois.

«Avec ou sans autorisation, on allait faire cette Pride»

«Il y avait une énergie fédératrice folle. On ne comptait pas notre temps. L’avantage, c’est qu’on vivait ensemble donc c’était plus simple pour se réunir. On a bossé comme des fous, tout était en carton-pâte, on a tout fait nous-mêmes de l’électricité pour la soirée en passant par la construction des bars, jusqu’à la sécurité durant la marche.» La veille du défilé, les organisateur-trice-s étaient toujours dans l’attente des autorisations qui furent finalement accordées quinze heures avant les festivités. Mais pour Philippe Scandolera et Ester Paredes une chose était claire: «Avec ou sans autorisation, on allait faire cette Pride.» Le jour de la manifestation, un millier de personnes ont répondu présent et ont fièrement défilé pour revendiquer la protection contre les discriminations et la création du partenariat. Ester évoque un moment chargé d’émotion: «C’était la première fois qu’on sortait dans la rue et il y avait des gens aux fenêtres qui nous faisaient coucou tout sourire, on était tou-te-s abasourdis par ces réactions. Bien sûr, on avait des copains homos qui se faisaient régulièrement casser la gueule mais lors de la Pride, à aucun moment, je n’ai eu peur de la violence.» Philippe, placé en tête de cortège durant la parade, rajoute qu’il n’y a pas eu le moindre problème, pas une seule bagarre n’a éclaté.

Genève 1997

L’héritage de 97
Après le succès de cette manifestation historique, ses créateur-trice-s ne voulaient pas en rester là. «Cette Pride a été un bain de jouvence pour le monde associatif LGBT genevois. Elle a réussi à réunir tout le monde autour d’un projet commun. C’était une découverte de savoir qu’on pouvait bosser aussi bien entre gays et lesbiennes. Quelques mois plus tard on fondait ensemble les trois associations: 360, 360° Fever et Presse 360.» Galvanisé par les résultats de cette première expérience genevoise, Philippe explique qu’il fallait trouver un moyen de donner à cette Pride une portée éternelle. «On a décidé que cet événement devait être itinérant, que cette Pride voyage de canton en canton au sein de la Romandie. L’argent récolté a ainsi été reversé au comité d’organisation de la Pride de l’année suivante. Cette première Pride genevoise a, en quelque sorte, donné naissance à toutes les autres».

Après être passée par Lausanne, Fribourg, Berne, Sion, Neuchâtel et Delémont, la Pride romande a fait son grand retour à Genève en 2004. Pour cette nouvelle édition, les autorisations furent accordées 6 mois à l’avance permettant ainsi de programmer des événements sur plusieurs jours et de réunir 10’000 à 15’000 personnes. Réfléchir, débattre et communiquer étaient les mots d’ordre de cette «alerte rose sur la ville de Genève». Plus qu’un simple cortège, la Pride genevoise s’est transformée en une véritable semaine culturelle avec des expositions, des concerts, des débats et des projections de films. En 2011, rebelote. Pour sa 3e édition genevoise, la manifestation colorée a affiché un taux de participation similaire. Bien que les associations genevoises revendiquaient l’adoption pour les homos, la condamnation pénale de l’homophobie et la fin de la stérilisation des trans*, la RTS a estimé que «la manifestation était aujourd’hui plus festive que revendicative». Cette incompréhension était confirmée par la journaliste qui s’interrogeait d’un ton grave: «Le peuple a voté le partenariat enregistré depuis 2005. Que demander de plus?» Des droits a priori…

Transmettre l’histoire
«Nous réclamons une indemnité lesbienne», «Parce que nous sommes visibles que sur Youporn» et «Parce qu’on a été rayées de l’histoire», proclamaient plusieurs pancartes de militantes lors de la marche nocturne féministe du 8 mars dernier. C’est un message fort que partage également Christiane Parth, coordinatrice de l’association Lestime: «Les minorités LGBTIQ+ ont été trop souvent mises à l’écart de l’histoire officielle. C’est le cas des lesbiennes qui ont été, dans la plupart des mouvements, constamment invisibilisées.» Philippe Scandolera rajoute qu’à l’époque «quand on parlait d’homosexualité, on parlait directement de sida et de maladie. Tristement, c’est le VIH qui a rendu visible le mouvement gay homme. C’est là où les fonds sont allés et le moment où les médias ont commencé à s’intéresser à la communauté.»

«À l’époque on prenait moins de photos, c’était plus compliqué. Aujourd’hui, c’est l’inverse: tout est image»

Cette question de la mémoire LGBTIQ+ est cruciale d’après Christiane: «Pour les jeunes lesbiennes d’aujourd’hui ou les plus âgées, c’est comme si elles n’avaient pas de passé, d’historique personnel lesbien et qu’elles devaient se construire sans vécu.» Tous ces récits individuels sont nécessaires pour ériger une histoire collective. C’est là le projet de «Nos lieux, nos fêtes, nos combats: notre histoire compte», mandat confié par l’Agenda 21 de la Ville de Genève à Lestime en septembre dernier. «C’est important de rendre visible l’histoire de la communauté LGBTIQ+ de Genève. Il faut transmettre le savoir, l’héritage militant, avant que ces archives ne disparaissent. Il y a beaucoup à retrouver, à remonter à la surface, à faire et à dire», confirme Christiane. En collaboration avec le collectif QueerCode, Lestime organise des ateliers (le prochain sera le 13 avril) pour apprendre à récolter et à collecter ces informations historiques dans une démarche participative. Christiane affirme qu’il est particulièrement «difficile de récupérer des infos car à l’époque on prenait moins de photos, c’était plus compliqué techniquement et moins systématique. Aujourd’hui, c’est l’inverse tout est image.»

Cartographie
QueerCode et Lestime ont pour ambition de créer une cartographie des lieux genevois de fêtes et de militance LGBTIQ+ de manière numérique et physique. Sur la base de cette carte, l’association souhaite réaliser des visites (à pied ou à vélo) de ces lieux qui ont marqué toute une communauté. Le fait que ce projet soit soutenu par un service public s’avère hautement symbolique. D’une certaine manière, les autorités valident et accordent de la légitimité aux mémoires LGBTIQ+ en les intégrant dans l’histoire locale. Tous les 7-8 ans, la Pride genevoise tente de perpétuer cette mémoire. Avec son slogan #makehistory, la Geneva Pride 2019 ne fait pas exception à la règle. Elle souhaite rendre hommage à l’histoire LGBTIQ+ tout en continuant à l’écrire. Malgré ces reconnaissances ponctuelles, la création d’un centre d’archives LGBTIQ+ à Genève, pourrait bien changer notre histoire afin de la rendre intemporelle. De quoi donner quelques belles idées à nos autorités…

(1) Entre autres Julien, Marc, Laure, Nicolas, Nicolas, David, etc. Retrouvez toutes les Brigittes de l’époque sur: facebook.com/ChezBrigittesquatgay
(2) La bite à Brigitte: Célèbre vase qui servait de caisse. Les boissons étaient prix libre dans l’idée de casser tous les codes, ceux du genre et ceux du commerce. Chacun selon ses moyens pouvait venir faire la fête.

Petite chronologie des manifs LGBTIQ+

1959 Emeutes du Cooper Donuts à Los Angeles
1966 Emeutes de la cafétéria Compton à San Francisco
1967 Démonstration LGBT à Los Angeles
1969 Emeutes de Stonewall à New York
1970 Christopher Street Liberation Day à New York
1978 Première Pride Suisse, à Zurich
1981 Première «Homomanif» de Suisse romande à Lausanne
1997 Première Pride de Suisse romande, à Genève
1998 à 2018 Lausanne (2 éditions), Fribourg (3 éditions), Berne (2 éditions) Neuchâtel, Sion (2 éditions) Delémont (2 éditions) Genève (3 éditions), Bienne, Lucerne et Lugano
2019 Pride romande à Genève le 6 juillet

One thought on “Il était une fois la Pride romande

  1. Bonjours à toutes et à tous,
    Incroyable, je me connecte sur votre site pour vérifier si la première GayPride a bien démarré chez Brigitte en 1997 et je tombe sur cette article. Dimanche prochain je mène une balade sur les traces de squats Femmes et LGBT et comme à chaque préparation j’ai des doutes (le trac ça s’appelle). Merci pour votre travail de mémoire.
    Un groupe de la Grève des Femmes m’a commandé cette balade qui a lieu dimanche prochain
    📆 14 Avril
    ⏰ Rendez-vous à 14h
    📌 10, avenue du Mail
    💰 La balade coûte 10CHF / femme*
    ☯️ Activité non mixte (le choix de la non-mixité est un grand débat au sein du féminisme, dans le cadre de cet événement il n’engage que les organisatrices de l’événement et ne reflète pas nécessairement la préférence du collectif genevois pour la grève des femmes*)

    Inscriptions non obligatoire mais pour des raisons d’organisation, ce serait super que vous nous confirmiez votre présence 🙂
    📝 grevefeministeinternationale@gmail.com
    Comme d’hab je dédierai cette balade à Julien Guignet avec qui j’avais fait mon apprentissage de libraire et avec qui j' »habitais » presque à RHINO.

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