La joie multiverselle débarque en Gruyère

Habillées de cornettes, maquillées à la pelleteuse et perchées sur de hauts talons, les Soeurs de la Perpétuelle Indulgence ont désormais leur couvent en Suisse romande. L’occasion de revenir sur ce mouvement mondial.

Voici donc nouvellement installé à Charmey dans le canton de Fribourg le Couvent des Grues, avec à sa tête Sœur Fatima et Sœur Bénédicta. Rien de religieux chez celles qui l’habitent, mais comme chez leurs consœurs, un vocabulaire précis, une structure, des vêtements, et des vœux à respecter: comme la promulgation de la joie multiverselle, l’expiation de la honte et de la culpabilité stigmatisante, le paix et dialogue entre les communautés et le droit et le devoir de mémoire. Comme les nonnes, elles sont bonnes, charitables et à l’écoute. «Tout est pareil, sauf le vœu de chasteté», plaisante Sœur Fatima. Les sœurs de la Perpétuelle Indulgence sont des folles radicales, militantes, activistes et résolument festives. Et elles accueillent tout le monde dans leur communauté: homos, bi et hétéros, trans, hommes et femmes, SM, fétichistes et tout le large panel de genre et de pratiques sexuelles en général.

Mitraillettes roses…
C’est à San Francisco en 1979 que quelques garçons barbus mais un peu folles, excédés par le contexte religieux de cette période de Pâques et la difficulté à se montrer en tant qu’homosexuel peu viriles, revêtent des costumes de nonnes empruntés de la mélodie du bonheur et descendent dans la rue armés de mitraillettes roses. Ils se mettent à arroser le quartier gay, et rapidement, se font appeler «ma sœur» et se voient confier des peines et des secrets. Ainsi naît le mouvement des Soeurs de la Perpétuelle Indulgence, qui s’interroge sur la diversité sexuelle dans la société, en détournant les codes religieux des WASP (White American Straight Protestant – sic) qui gouvernent les USA. Rapidement, le mouvement prend de l’ampleur et oriente son militantisme vers la lutte contre le cancer du sein et surtout le sida. Afin de soutenir les recherches et les malades, le mouvement organise des collectes de fond, dont le plus célèbre est le bingo (à la mode sororale), et participe à toutes les manifestations possibles.

Les sœurs du Couvent des Grues ne sont pas en Suisse pour se reposer, mais sont bien décidées à participer à la vie associative et militante. On les retrouvera par exemple à la Pride, où elles procèderont à l’érection officielle du couvent, mais également dans des soirées «coup de cornettes» où, maquillées et habillées, elles se rendent dans des bars, des saunas ou des backrooms et recueillent les «confessions» des habitués des lieux. Des oreilles attentives et bienveillantes en somme. Et carrément militantes ces nonnes.