Et maintenant, priez saint Christoph!
Alors que les poids lourds de l’UDC font campagne contre le partenariat pour les couples de même sexe, en votation le 5 juin, le chef du Département fédéral de justice et police est officiellement chargé de défendre la loi devant le peuple. Question clé: dans quelle mesure s’engagera-t-il? Illustration: Lea Lund
Le 22 avril prochain, Christoph Blocher, en qualité de chef du DFJP, présentera devant la presse la Loi sur le partenariat pour les couples de même sexe. Mais pas question d’accorder une interview à un quelconque journal sur ce sujet, assure son porte-parole Livio Zanolari. «Il s’en tiendra pour l’heure à cette conférence de presse». Se livrera-t-il à un vibrant plaidoyer pour défendre cette loi devant le peuple? Ou faut-il s’attendre à ce que le conseiller fédéral, durant toute la campagne, en fasse un minimum? Nul doute que dans la tête de Christoph Blocher l’enjeu majeur de la votation du 5 juin se trouve ailleurs, sur le front des accords de Schengen et de la libre circulation des personnes. Quant au statut des couples homosexuels… «Je pense que Blocher ne va pas s’engager plus que son mandat ne l’exige sur le partenariat, pour ménager les différentes sensibilités existantes au sein de son parti», analyse Christian Verdon, du Comité «Oui au partenariat». «Mais les conseillers fédéraux seront peut-être contents de pouvoir apparaître unis sur ce sujet alors qu’ils vont dans le même temps s’entre-déchirer sur Schengen.»
Une chose est certaine: la tâche à laquelle devrait en principe se livrer le conseiller fédéral met une nouvelle fois en avant les faiblesses du processus décisionnel suisse. Car comment escompter un large soutien du ministre en charge d’un dossier concocté sous le règne de Ruth Metzler, combattu par une grande partie de son propre parti et auquel le conseiller fédéral lui-même s’était opposé lorsqu’il était encore parlementaire? En 1996, Christoph Blocher avait en effet refusé le postulat réclamant l’examen de moyens juridiques pour la reconnaissance des couples homosexuels.
Affiche choc
Aujourd’hui, parmi tous les UDC qui s’affichent au sein du comité qui a soutenu le référendum contre la Loi sur le partenariat, on trouve les noms de plusieurs de ses amis politiques, et non des moindres: le président du parti Ueli Maurer, le malheureux candidat au Conseil d’Etat zurichois Toni Bortoluzzi, le bouillonnant Valaisan Oskar Freysinger. Interviewé par 360° sur ses intentions vis-à-vis du partenariat, ce dernier n’avait pas hésité à pronostiquer que l’UDC mènera une intense campagne contre la loi «au moyen d’affiches choc». La section argovienne n’a d’ailleurs pas attendu les idées de Oskar Freysinger en laissant entendre sur ses affiches que la loi ouvrira la porte à la procréation assistée pour les lesbiennes (lire en page 11). De la pure manipulation d’opinion, une habitude au sein de l’UDC.
Christoph Blocher, on le sait, ne craint pas de rompre la collégialité ou de se tenir en retrait sur les dossiers combattus par son parti. L’échec de la Loi sur la naturalisation facilitée en avait déjà témoigné l’automne dernier. Si l’on espère un soutien politique au plus haut niveau pour défendre la Loi sur le partenariat, il faudra certainement compter sur d’autres sages que le conseiller fédéral Christoph Blocher. Et encore: il n’est pas certain que cet objet ne s’efface pas purement et simplement devant les autres enjeux du 5 juin. Une non-campagne du gouvernement, comme ce fut le cas lors de la votation sur la naturalisation facilitée, serait synonyme du plus grand danger pour les tenants du oui.