L’«obscénité» ne fait plus frémir la justice
Poursuivi pour la vente des pornos gay «extrêmes», un patron de sex-shop en ligne a été rapidement acquitté. Selon des experts, il est temps que de démanteler un arsenal juridique d'un autre âge.
Le procès pourrait faire date comme l’un des derniers pour «obscénité» au Royaume-Uni: vendredi dernier, un tribunal de Londres a expédié en moins de deux heures une affaire opposant le ministère public au patron d’un sex-shop gay en ligne, relève le «Guardian». Michael Peacock alias «Sleazy Michael» a été blanchi de l’accusation de distribuer du matériel susceptible de «dépraver et corrompre», des actes théoriquement passibles de 5 ans de prison. Ce travailleur du sexe et entrepreneur de 53 ans avait vendu, via son site internet, des vidéos de «pornographie extrême» – notamment avec des scènes de «watersports», de fist-fucking et de SM – à un enquêteur se faisant passer pour un client. La cour a notamment estimé que le policier ayant expressément demandé certains titres au commerçant, ce dernier ne pouvait être accusé d’exposer ses clients contre leur gré à du contenu perturbant. En outre, la défense a fait valoir que les vidéos incriminées mettaient en scène des pratiques «entre adultes consentants».
Plusieurs textes réglementent la pornographie au Royaume-Uni, dont une «Loi sur les publications obscènes» datant de 1959. Elle a eu son heure de gloire en 1971 lors d’un procès contre le magazine satirique australien «Oz». Elle avait aussi été utilisée pour tenter d’interdire, en vain, la sortie de l’«Amant de Lady Chatterley» en livre de poche. Dans un style très victorien, le procureur avait alors demandé au jurés s’ils aimeraient voir ce genre d’ouvrage entre les mains de leur épouse ou de leur domestique.
«Corruption morale»
En 2011, pas moins de 71 procès pour obscénité ont encore été menés au Royaume-Uni. Mais selon des experts, le recours à la notion de «corruption morale» n’est plus tenable aujourd’hui. «Cette loi est absurde», commente Feona Attwood, une conférencière de l’Université Hallam de Sheffield qui a assisté à l’audience de vendredi. «Toutes les preuves entendues étaient à propos de la capacité à blesser ou corrompre le public. Qu’est-ce que cela veut dire?»
En Suisse, la fabrication ou l’importation de «pornographie dure», comprenant notamment «des excréments humains» et certaines pratiques sado-masochistes tombe également sous le coup du Code pénal. Il n’existe pas, toutefois, de référence à l’«obscénité» ou à la «moralité» comme au Royaume-Uni: la loi helvétique se rapporte à la notion d’«intégrité sexuelle».