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Loi trans* en Espagne, le parcours des combattant·e·x·s

Loi trans* en Espagne, le parcours des combattant·e·x·s
Mary Saxaroz on Unsplash

Le 29 juin 2021, le projet de la loi trans* était approuvé en conseil des ministres. Considérée comme une avancée majeure pour les personnes transgenres, la loi tarde cependant à être appliquée et suit un long parcours législatif.

Il y a un an, le projet de la loi sur la transidentité était adopté en Conseil des ministres. En pleine semaine de l’Orgullo, la marche des fiertés espagnole, les associations de terrain se félicitaient de cette nouvelle loi. Après plusieurs mois de débats intenses, jusqu’au sein même du gouvernement, l’avant-projet de loi pour l’égalité réelle et effective des personnes trans* et pour la garantie des droits des personnes LGBTIQ+ entamait son long parcours législatif suite à son approbation par le Conseil des ministres.

Une avancée majeure pour les personnes trans*

Grâce à ce projet de loi, la ministre de l’Egalité Irene Montero réussissait à faire évoluer la législation en donnant aux personnes transgenres la possibilité de changer d’état civil à partir de 14 ans. Simplifié sous forme de déclaration formelle en mairie, ce changement légal serait possible sans qu’un rapport médical préalable soit nécessaire ou qu’un traitement hormonal soit, comme jusqu’à présent, suivi depuis deux ans. La loi prévue par la ministre prévoit aussi d’interdire les thérapies de conversion et de supprimer la mention du genre sur les documents d’identité pour les personnes non binaires. En simplifiant au maximum la démarche, le gouvernement plaçait l’Espagne comme un exemple européen aux côtés de l’Irlande, de la Belgique ou encore du Portugal. Mais un an après, la loi tarde à être définitivement adoptée.

Des retards peu fréquents

L’avant-projet de loi passe depuis juin dernier par un processus de consultation publique. Les retards de l’appareil judiciaire et du ministère public paralysent le traitement de la loi trans*. A ce jour, l’examen du projet de loi a pris un retard huit fois supérieur à celui prévu par la loi. Pour mieux comprendre, il faut revenir en arrière. Le 15 décembre dernier, le gouvernement envoyait l’avant projet de loi au Conseil Général du Pouvoir Judiciaire (CGPJ), comme le veut la législation. L’institution, dirigée par le magistrat Carlos Lesmes, disposait normalement de quinze jours pour rendre son avis sur le texte, compte tenu du «caractère urgent» du dossier. Or, l’organe constitutionnel n’a rendu son avis que… fin avril, soit avec près de quatre mois de retard. Pour justifier ces délais, la CGPJ déclarait «une charge de travail énorme avec des délais légaux très courts».

La loi trans* paralysée

«Il est inconcevable qu’une fois de plus la CGPJ ne respecte pas les délais établis et retarde une loi fondamentale pour garantir les droits des personnes transgenres», déclarait en avril dernier une porte-parole du ministère de l’Égalité au journal espagnol elDiario. Avant d’ajouter: «Le ministère de l’égalité a fait toutes les demandes possibles pour que les rapports soient publiés le plus rapidement possible». Le CGPJ n’est pas la seule institution du pouvoir judiciaire à accumuler les retards dans son avis sur la loi trans*. Le Conseil fiscal, présidé par la procureure générale de l’État, Dolores Delgado, suit le même chemin, ce qui paralyse pour le moment l’adoption de la loi.

Les associations inquiètes

Si le ministère de l’Egalité demande aux organes consultatifs d’accélérer leurs travaux, la Federación Estatal de Lesbianas, Gays, Transexuales y Bisexuales, la Fundación Triángulo et Chrysallis, trois organisations majeures défendant les droits des personnes LGBTIQ+, ont appelé le gouvernement à accélérer le processus et à comprendre d’où venaient ces délais particulièrement longs. L’exécutif doute que ce retard de plus de six mois dans l’examen du projet de loi soit dû à des «différences idéologiques entre les partis de la coalition», mais plutôt «à des rapports externes» s’opposant à divers points du projet de loi, notamment sur la question des 14 ans, que l’institution souhaite reporter à 18 ans.

La montée de la transphobie

Pour tenter d’accélérer le processus, les associations de terrain ont demandé au ministère de l’Égalité une réunion le mois dernier. «Nous sommes très préoccupé·e·s par l’escalade des attaques que nous subissons sur les réseaux sociaux en attendant que la législation voie le jour», déclarait Uge Sangil, présidente de la FELGTB et activiste trans*. «Nous voulions partager nos craintes que nos droits ne soient pas respectés, car nous négocions avec le ministère de l’Egalité depuis près de deux ans».

Avec l’arrivée de la loi trans*, les débats sur la transidentité ont été ravivés. Le projet de loi a longtemps été controversé dans la société et continue de l’être. S’il occupe une part de l’espace médiatique, les débats peuvent parfois profondément blesser les personnes trans*. En février 2021, Carmen Calvo, ex vice-présidente du gouvernement, déclarait en direct sur la radio nationale Cadena Ser que «l’idée de pouvoir penser que l’on pouvait choisir son genre sur simple volonté ou simple désir» pouvait mettre «en danger les critères d’identité du reste des 47 millions d’Espagnol·e·s». Les associations ont immédiatement condamné ces propos en soulignant la nécessité de cette loi.

La dernière ligne droite

Si les organisations LGBTIQ+ souhaiteraient pouvoir intégrer des modifications dans le projet de loi lors de son examen au Congrès des députés*, elles restent optimistes et espèrent qu’il sera examiné ce mois-ci. La ministre de l’Egalité, Irene Montero, s’y est personnellement engagée. Ce ne sera qu’une fois que le Congrès et le Sénat l’auront approuvée que la loi trans* pourra être définitivement adoptée. En attendant, le bras de fer n’est pas terminé et l’attente devient longue. «Nous demandons juste à être entendu·e·s et écouté·e·s», termine Alaine, madrilène de 22 ans.

 

* Les associations souhaiteraient que le projet de loi prenne en compte la situation des personnes non-binaires, des personnes migrantes mais aussi des mineur·e·s, dès l’âge de 12 ans.


Pour aller plus loin… Entretien avec Effie Nolasco

Effie Nolasco est travailleuse sociale, trans* et coordinatrice du pôle trans* de l’association genevoise 360°.

Qu’en est-il en Suisse?

Ici, une loi est entrée en vigueur le 1er janvier 2022. Elle vise à simplifier et à faciliter le changement à l’État civil. Les débats n’ont pas toujours été faciles et étaient en partie sur la question de l’âge. Pour les jeunes qui ont moins de 18 ans, le changement doit se faire avec un·e représentant·e légal·e. La particularité en Suisse, c’est qu’il peut y avoir d’autres stratégies, comme la mise en avant de la capacité de discernement des jeunes. Cela reste très difficile dans la pratique. Je n’ai jusque-là reçu aucun jeune dans cette situation.

 

Pourquoi observe-t-on une hausse des discours transphobes?

Le sujet souvent cité en ce moment, c’est celui de la détransition. Or, on parle d’un pourcentage qui représente entre 0,6 et 1% des cas et est stagnant dans le temps, comme nous le montrent les études. En réalité, les personnes à l’origine de ces débats ne sont pas réellement préoccupées mais plutôt guidées par la peur et la haine. Tous ces discours naissent d’une fausse préoccupation et ne s’intéressent pas aux vies des personnes trans*. Ces discours transphobes font appel au ressenti des personnes méconnaissants les questions trans*. Dans mon travail, je n’ai jamais reçu quelqu’un·e qui, sans lien préalable avec le sujet, soit venu me demander comment être un‧e allié·e. Par contre, j’ai reçu beaucoup de commentaires maladroits de personnes ignorantes sur le sujet.

 

Comment les réseaux sociaux participent-ils à une libération et non à un «effet de mode», comme l’avance les discours transphobes?

La diversité de genre vient mettre en cause le système binaire et la construction du genre comme on la connaît dans notre société. On parle de plus en plus d’idéologie de genre, en politique, dans la société… Les discours prétendant qu’il s’agirait d’une question de mode occupent de plus en plus d’espace médiatique. Aujourd’hui on veut associer un soit disant «lobbying trans*» à la question de la mode qui ferait qu’il y aurait plus de personnes trans*. L’augmentation des représentations trans* permet aux personnes concernées de libérer leur parole et ainsi de revendiquer des espaces de parole en société.

Comment les débats peuvent-ils en arriver là? 

Ces discours ne prennent pas en compte la complexité des questions trans* et plus généralement des questions de genre. Ils viennent d’un ressenti social. Ces lois ne visent pas à changer le genre de toute la population. Au contraire, elles viennent protéger des personnes déjà marginalisées. Il y a une instrumentalisation des luttes trans* afin d’inciter des discours transphobes auprès de celleux qui ne connaissent pas le sujet. Alors que la plupart n’ont jamais connu une personne trans*. Pourtant, aujourd’hui, on trouve plus d’écrits qui déconstruisent ces discours haineux que l’inverse