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«L’Espagne est un paradoxe constant»

«L’Espagne est un paradoxe constant»
Manifestation pour une Pride antiraciste et anticapitaliste à Madrid, 2016. Photo: A. Lujan / (CC BY-NC-ND 2.0)

Le pays, longtemps en pointe des droits LGBTIQ+, voit s'amorcer un inquiétant retour de bâton. Le responsable associatif Eugeni Rodriguez dresse un état des lieux.

Selon une récente étude de YouGov, L’Espagne est le pays d’Europe où les citoyen·ne·x·s soutiennent le plus leur entourage proche LGBTIQ+. C’est également le pays où les LGBTIphobies augmentent le plus actuellement. Pour mieux comprendre la situation, nous avons interviewé Eugeni Rodriguez, le directeur de l’Observatoire contre l’homophobie, organisme créé en 2008 et basé en Catalogne.
 
91% des Espagnol·e·s soutiendraient un·e proche si cette personne faisait un coming out gay, lesbien, bi, trans* ou non binaire. Vous attendiez-vous à ce pourcentage?
Les débats très polarisés lors de la légalisation du mariage égalitaire en 2005 ont créé un soutien aux personnes LGBTIQ+, notamment dans leur entourage familial. D’une manière générale, la société espagnole prend soin de ses proches. Si d’un côté ces chiffres sont positifs, de l’autre, quand on parle de la visibilité des personnes LGBTIQ+ et des violences dont nous souffrons, la réalité est très différente. Par exemple, 20% des jeunes pensent que la violence de genre est une invention. 
 
Justement, si elle obtient la première place du classement, c’est également le pays où les violences homophobes augmentent le plus actuellement. Comment l’expliquer?
L’Espagne est un paradoxe constant. D’un côté, la société évolue. De l’autre, la montée du populisme – comme partout dans le monde – favorise ces violences homophobes. En Espagne, l’extrême droite est désormais présente au parlement national et gagne en visibilité. Son parti Vox est directement issu d’un passé franquiste et possède des valeurs contraires aux récentes conquêtes sociales LGBTIQ+.

Eugeni Rodriguez

 
Vous observez directement ces violences depuis 2008. Y a-t-il plus d’attaques envers le collectif ou ces attaques sont-elles plus visibles ?
La LGBTIQphobie augmente. Si celleux qui se font insulter ou discriminer ont arrêté de naturaliser ces comportements et commencent à les dénoncer, certains discours de haine ont été légitimés. Cela favorise les agressions. Il y a d’un côté une Espagne qui lutte pour le progrès social et de l’autre, une partie qui est rétrograde. C’est le paradoxe des deux Espagnes. La violence que vivent les personnes LGBTIQ+ en Espagne est structurelle et exponentielle. Le modèle patriarcal favorise ces violences. C’est un fait.
 
Sur l’année 2021, vous observez une hausse de 30% des violences*. De quel type de violence parle-t-on?
Elle est beaucoup plus agressive: les insultes se traduisent très souvent en violence physique. On parle de coups de pieds, de coups de poings. C’est une violence qui peut aller jusqu’à tuer, comme cela s’est passé avec Samuel l’été dernier. Elle a changé d’intensité. C’est très préoccupant. Désormais, certain·e·x·s agresseur·se·x·s le font pour le plaisir, parfois en bande et parce qu’ils pensent qu’iels ont désormais le droit de le faire.
 
Après la dictature franquiste, l’Espagne est passée en très peu de temps de l’illégalité et de la persécution à l’avant-garde, par exemple en étant l’un des premiers pays européens à légaliser le mariage égalitaire. Le climat social actuel est-il plus favorable aux LGBTIQphobies?
En Espagne, jusqu’en 1969, nous étions considéré·e·x·s comme des dangers sociaux. Aujourd’hui, tout peut être remis en question dans l’espace public. Il faut en être conscient·e·x·s. Les droits ne sont jamais vraiment acquis. Or, ils ne devraient pas être remis en question. Aujourd’hui, une partie de la population questionne la violence de genre et remet en question les politiques LGBTIQ+. La pandémie a aussi favorisé l’émergence de ces mouvements.
 
Quelles sont les conséquences de l’irruption de l’extrême droite tant au sein des parlements que de l’espace public pour le mouvement LGBTIQ+?
L’extrême droite est directement responsable de la hausse de ces violences. Elle questionne l’enseignement à l’école, l’identité et l’autodétermination de genre. Cela a un impact brutal. Il faut faire attention à ce que les pouvoirs politiques progressistes ne tombent pas eux aussi dans ces types de discours, notamment pour des questions électorales. Ce sont nos droits. Il faut rappeler aux pouvoirs politiques qu’ils ont le devoir de nous défendre. Il ne devrait y avoir aucune tolérance face aux discours haineux. Nous devons être en alerte constante.
 
Face à la hausse des LGBTIQphobies, le gouvernement central a réuni une Commission de suivi pour combattre les délits de haine. Qu’attendez-vous de cette commission?
Tout d’abord, qu’elle fasse un état des lieux de la LGBTIQphobie en Espagne et qu’elle mène de nouvelles actions pour la combattre. Au niveau de la Catalogne, nous avons notamment réussi à ce qu’il y ait un groupe de travail au parlement régional afin de travailler concrètement contre la LGBTIQphobie.
  
Les récents événements en Espagne montrent que l’homophobie reste très présente dans la société. Quels sont les prochains défis auxquels le pays doit faire face?
Le premier défi, c’est la prévention. La population doit prendre conscience du problème et combattre cette haine. Il faut aussi lutter contre l’impunité. Le collectif LGBTIQ+ sait se mobiliser et sortir dans la rue pour défendre ses droits. C’est presque devenu une obligation morale et éthique pour les jeunes qui ont compris qu’il fallait continuer à défendre ce qu’on d’autres ont acquis auparavant.
 

* Aujourd’hui, en Catalogne, l’Observatoire comptabilise 215 incidents visant la communauté LGBTIQ+, soit une augmentation de 40% par rapport à l’année dernière. Sur le territoire espagnol, cette augmentation est de 30%.

 

L’acceptation des personnes LGBTIQ+ : l’étude de YouGov

La société YouGov a mené une étude afin de mesurer les réactions face au coming out gay, bi, lesbien, trans ou non-binaire d’un·e proche. Le sondage, réalisé cet été, différencie l’orientation sexuelle de l’identité de genre. Si la Suisse ne fait pas partie des huit pays étudiés par l’institut, l’étude pose la question de l’acceptation des personnes LGBTIQ+ par leurs proches et n’a pas manqué de faire réagir de nombreux internautes. Voici les résultats.
 
Le Royaume-Uni obtient la deuxième place du classement de YouGov. S’il est devancé par l’Espagne, les deux pays ont souffert d’une hausse des agressions homophobes cet été. 85% des personnes interrogées déclareraient avoir une réaction positive si un·e de leur proche faisait un coming out homo ou bi.
 
Nos voisins italiens obtiennent la troisième place de ce classement. Avec 5% des sondé·e·s, c’est aussi le pays où les personnes s’identifient le moins comme LGBTIQ+. 55% révèlent même ne connaître aucune personne LGBTIQ+ dans leur entourage.
 
L’Allemagne obtient la 6e place du classement. Trois personnes sur quatre soutiendraient leur proche homo ou bisexuel·le et 66% un·e·x proche·x trans* ou non binaire. L’Allemagne arrive presque ex-aequo avec les États-Unis. 
 
De l’autre côté du Jura, la France obtient la dernière place de l’étude de YouGov. Seul·e·x·s 57% des Français·e·x·s interrogé·e·x·s soutiendraient leur proche en cas de coming out. Près d’une personne sur quatre affirme qu’elle ne serait «pas sûre» de leur réaction alors que dans les autres pays étudiés, cette proportion reste sous la barre des 19%.

One thought on “«L’Espagne est un paradoxe constant»

  1. La France pays des droits de l’homme (hétéro). Pour les LGBTQ+, les femmes, les personnes handicapées… il faudra repasser.

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