US Army: La fin du «Don’t ask, don’t tell»?
Aux Etats-Unis, la campagne visant à abroger l’interdiction de servir dans l’armée US pour les militaires ouvertement gays ou lesbiennes a gagné un soutien de poids en la personne d'un ancien chef de l’Etat-major inter-armes de l’administration Clinton.
Dans un article du New York Times paru le 2 janvier), le général en retraite John M. Shalikashvili, ancien militaire de très haut grade et encore trés influent, a annoncé qu’il soutiendrait la fin de la politique dite du «Don’t ask, don’t tell» appliquée dans l’armée US depuis 1993.
John M. Shalikashvili avait jusqu’à présent soutenu l’interdiction de servir pour les militaires homosexuel-le-s parce qu’il pensait que ni le commandement, ni les troupes n’étaient prêtes à accepter le changement de règlement: «Je pense toujours que c’était vrai durant les années 90». A présent, il explique cette nouvelle prise de position par les nombreuses conversations qu’il a eu avec des vétérans et des soldats d’active homosexuels. «J’ai eu, l’année dernière, un certain nombre de rencontres avec des gays, soldats et marines, dont certains avaient une expérience de combat en Irak et particulièrement avec un ancien marine ouvertement gay qui avait servi sur un sous-marin nucléaire. Ces conversations ont démontré combien les militaires avaient changé et à quel point les lesbiennes et les gays pouvaient être acceptés par leurs pairs.» Il conclue: «Je crois aujourd’hui que si des hommes gays et des femmes lesbiennes servaient ouvertement dans l’armée des Etats-Unis, cela ne nuirait pas à l’efficacité de nos forces armées »
«Une société plus ouverte»
Dans le sillage immédiat de la tribune du général Shalikashvili, William Cohen , qui a été Secrétaire à la défense pendant le deuxième mandat de Bill Clinton, est le premier ancien chef du Pentagone à demander à ce que l’armée US revoie sa politique envers les homosexuel-le-s. «Il est temps aujourd’hui de commencer à penser à cela et à en discuter sérieusement,» a-t-il déclaré sur CNN le même jour, en qualifiant la politique du «Don’t ask, don’t tell» de discriminatoire: «Je pense que nous entendons à l’intérieur de l’armée ce que nous entendons dans toute la société, à savoir que nous devenons une société plus ouverte et plus tolérante envers les opinions et les orientations différentes.»
Mais malgré un sondage qui montre que les trois quarts des militaires servant en Afghanistan ne voient aucun problème à côtoyer des collègues homosexuels, les milieux conservateurs continuent à argumenter qu’on ne peut obliger des soldats normaux, donc hétérosexuels, à fréquenter intimement des soldats homosexuels (ah, les vilains secrets de la vie de caserne!) et que cela nuirait à la concentration de la majorité hétérosexuelle (!) et, par là, à la cohésion, des forces armées.
Dans cette période de forts besoins en personnel militaire, certains experts mettent même en avant la perte en personnel qualifié qu’implémente cet ostracisme envers les militaires homosexuel-le-s. Entre 1000 et 1200 militaires, formés et souvent hautement qualifiés, sont expulsés chaque année de l’armée US à cause de leur orientation sexuelle alors que les besoins, fixés par Georges Bush lui-même dans un discours récent, s’élèveraient à 6000 nouveaux engagements chaque année.
Tous les observateurs notent que le changement de majorité au Sénat favorise les prises de positions progressistes sur beaucoup de points de blocage de la société américaine, et en particulier sur la question des droits des minorités culturelles, raciales et sexuelles.
La prise de position de John M. Shalikashvili, qui a pris de court aussi bien les militants de l’abolition du «Don’t ask, don’t tell» que ses supporters, signifierait-elle aussi dans l’armée US le commencement de la fin de l’ère Bush ?
