L’hommage et la lutte après la mort de Caroline Grandjean-Paccoud

En France, le suicide de Caroline Grandjean-Paccoud, une directrice d'école qui était victime de harcèlement lesbophobe, suscite émoi et colère au sein de la communauté lesbienne et LGBTIQA+. Le point avec l'activiste parisienne Silvia Casalino, directrice exécutive de l'organisation lesbienne EL*C.
Le 1er septembre dernier, jour de rentrée des classes en France, Caroline Grandjean-Paccoud s’est jetée du haut d’une falaise. Tout près de la maison où elle vivait avec sa femme, Christine Paccoud. L’institutrice de 42 ans, directrice d’une école primaire dans un village du Cantal, était victime d’harcèment lesbophobe depuis deux ans. Un corbeau taguait des insultes la visant sur les murs de l’école et lui envoyait des lettres de menace. “Sale gouine”, “va crever sale gouine”, “gouine pédophile”…
La hiérarchie de Caroline Grandjean-Paccoud était au courant. L’enseignante n’a pourtant reçu aucun soutien. Jusqu’à ce qu’elle craque et sombre dans une dépression profonde. Son épouse, Christine Paccoud, a annoncé cette semaine qu’elle allait porter plainte contre l’Éducation nationale. On a posé quelques questions à Silvia Casalino, directrice exécutive de l’organisation lesbienne EL*C.
L’annonce du geste désespéré de Caroline Grandjean-Paccoud, en plus d’être tragique, a quelque chose de stupéfiant: l’Éducation nationale savait, et n’a rien fait. Avez-vous aussi eu cette réaction, toi et les autres militantes lesbiennes qui se sont mobilisées en France ces dernières semaines pour alerter sur la situation?
La sidération a été la première émotion qu’on a eue, même si bien sûr on sait que l’école est un lieu de travail extrêmement difficile, au sein d’une institution dysfonctionelle. Ce qui est arrivé à Caroline Grandjean, en ce sens, n’est pas étonnant.
Comment s’est organisée la mobilisation?
Le lendemain de l’annonce du suicide de Caroline, nous avons organisé un femmage avec plusieurs militantes. Beaucoup de personnes sont venues. SOS Homophobie et l’Inter-LGBT se sont également jointes à nous, tout comme des syndicats enseignants de profs queers, lesbiennes, gays et trans. Nous avons manifesté quelques jours plus tard devant le ministère de l’Éducation nationale. On a également publié des tribunes dans les journaux et donné des interviews, ce qui fait qu’on continue d’en parler dans les médias en France.
Sachant qu’au début, dans les jours qui ont suivi cette tragédie, le sujet a surtout été traité par la presse quotidienne régionale dans la rubrique faits divers. Grâce à notre mobilisation, on a pu pointer avec beaucoup de fermeté dans les médias le fait que la composante lesbienne de cette histoire était passée totalement inaperçue au départ.
Que dit ce drame de la lesbophobie en France?
La lesbophobie en France, comme partout en Europe, a mille visages. Il y a les agressions de rue quotidiennes, ce qui se passe au sein des familles, dans le monde du travail, et aussi les viols correctifs. Il n’y a que quelques années qu’un tribunal français a reconnu pour la première fois la lesbophobie comme mobile dans une affaire de viol.
L’Observatoire de la lesbophobie fait un travail incroyable depuis des années pour répertorier tous les cas de lesbophobie en France. Il mène actuellement une enquête sur la lesbophobie au travail. On peut témoigner via son site internet.
Quelle est la suite?
On compte aller vers les élus locaux, les députés et peut-être aussi vers le ministère de l’Éducation nationale. Parce qu’il ne faut pas que cette histoire reste sans issue. Et il faut également réfléchir à quoi mettre en place pour prévenir le harcèlement en milieu scolaire.
Si vous êtes confronté·e·x à des pensées suicidaires, si vous êtes victime ou témoin de queerphobie, vous pouvez en parler et trouver du soutien.
📞 LGBT+ Helpline Suisse: www.lgbtiq-helpline.ch/fr
📞 La Main Tendue: 143 (24/7)
