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«Partager l’art en ligne est un atout pour nos combats futurs»

«Partager l’art en ligne est un atout pour nos combats futurs»
Inke Gieghase. Photo: Trui Hanoulle.

Au carrefour de l'art et de la militance, deux performers, le chorégraphe bulgare Kosta Karakashyan et la poète belge Inke Gieghase, contribuent à faire voir et entendre les expériences queer dans l'espace public.

Un des principaux défis rencontrés par notre mouvement est la visibilité, elle se réalise par des Pride, à la télé, dans les films, dans sa propre communauté, mais aussi à travers les travaux d’artistes courageux et talentueux, qui aident les gens à découvrir leur propre identité et sexualité. Parmi elles·eux, la word artist flamande Inke Gieghase, qui a parcouru le monde avec ses performances abordant notamment la question de l’identité de genre.

«Quand j’ai commencé il y a deux ans, la découverte de mon identité non-binaire était une part importante de ma vie», raconte celle qui est aussi une journaliste traitant des questions queer. «Je réagissais aux malentendus sur ce que c’est [que la non-binarité] à travers le spoken word, de façon très concrète, facile à comprendre pour le public. Puis je me suis mise à parler d’autres sujets qui sont toujours tabous dans notre société: la santé mentale, la dépression et l’angoisse. Quand je quitte la scène, des gens que je n’ai jamais vus viennent vers moi, engagent des conversations qui sont parfois très intenses. C’est un moyen pour les gens de réaliser qu’ils ne sont pas seuls, de les encourgaer à s’ouvrir, même s’ils te voient cinq minutes.»

Le chorégraphe bulgare Kosta Karakashyan a obtenu un écho international avec son film «Waiting For Color» sur la persécution des personnes LGBTQ+ en Tchétchénie. C’est en lisant les témoignages de 37 rescapés de ces purges meurtrières, rassemblés par le site Russian LGBT Network, qu’il a lancé ce projet. «Je ne voulais pas que ces voix s’estompent dans le flux médiatique. J’ai réfléchi à comment les amplifier en tant qu’artiste et performeur. J’ai trouvé l’idée d’un film de danse. À travers le corps on peut vraiment montrer comment ces gens sont traités. C’est une manière abstraite de puiser dans leurs histoires.» Il se dit très fier de la réaction à son travail. «Des militants ont pu le montrer à des survivants, qui ont dit que le film avait capturé leur expérience.»

Kosta a dernièrement planché sur l’adaptation du roman de Nikolai Yordanov «Don’t Tell Mama», qui rassemble les histoires individuelles de personnes LGBTQ+ dans différents pays. «C’est très intéressant comment différentes histoires se combinent et tissent quelque chose. Ce qui m’a beaucoup intéressé c’est d’utiliser la littérature et le film pour montrer, au-delà des questions LGBT, des récits d’acceptation dans la société et de désir d’appartenance.»

La société bulgare ne comprend toujours pas les formes de discrimination à l’œuvre dans la vie de tous les jours.

Le chorégraphe, qui a vécu au Vietnam, à New York et à Venise, est actuellement de retour chez lui, en Bulgarie, à cause de la pandémie. Son travail y résonne particulièrement. «Ici il y a une homophobie sous-jacente. On est OK avec les LGBTQ+, tant qu’ils ne sont pas sous son nez. La société ne comprend toujours pas les formes de discrimination à l’œuvre dans la vie de tous les jours. Il y a aussi de l’homophobie intériorisée dans la communauté: on a peur de faire son coming out, on se résigne à ne pas vivre comme on le voudrait, on préfère voyager pour vivre pleinement. Cela reste un défi de renforcer la communauté de façon à se convaincre que le changement est possible», estime Kosta.

Recréer des safe spaces
Les artistes ont un rôle à jouer dans ce changement, particulièrement en ce printemps et été sans Pride physique. «Il va falloir trouver des moyens de se faire entendre, souligne Inke. On peut bénir les réseaux sociaux pour une fois, il y a plein de choses qui s’y passent: livestreams, perfs ou pour ma part des scènes ouvertes. Même s’il faut un peu batailler avec la technique, c’est magique de rassembler des gens en ligne, de recréer des safe spaces grâce à des plateformes privées pour susciter le dialogue, la prise de parole. Il y a beaucoup de moyens de créer de l’unité et de faire entendre sa voix. C’est très encourageant de voir comment on peut se connecter les uns aux autres à l’échelle mondiale. Finalement, cette crise nous aura forcé·e·s à partager l’art en ligne, et c’est forcément un atout pour nos combats futurs.»

Texte tiré du podcast «Pride» (en anglais) du militant et chercheur belge Rémy Bonny remybonny.com. Adaptation: Antoine Gessling.