Malaise entre le candidat gay et les médias LGBTQ
En course pour l'investiture démocrate à la présidentielle américaine de 2020, Pete Buttigieg a confié qu'il ne lisait plus la presse LGBTQ, parce qu'elle l'accuserait d'être trop mainstream.
La pique n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd. Invité au micro de la radio SiriusXM, la semaine dernière, le candidat à l’investiture démocrate Pete Buttigieg s’est laissé aller à une critique des médias LGBT. Le présentateur venait de l’interroger sur son apparence «masculine», laissant entendre qu’elle était moins clivante pour les électeurs, mais peut-être pas assez représentative de la population queer. «Je suis ce que je suis et c’est tout, a répondu le politicien de 37 ans. C’est pour ça que je ne peux plus lire les médias LGBT, parce que tout tourne autour de qui est trop gay, pas assez gay ou de la mauvaise sorte de gay. Tout ce que je sais, c’est que ma vie a commencé à être plus facile du moment où je me suis permis d’être moi-même. Et maintenant, je laisse les autres écrire si je suis trop comme ci ou comme ça.»
La réaction du politicien, maire de South Bend, Indiana, faisait apparemment suite à une série d’articles réagissant à la couverture du prestigieux «Time Magazine», en juin, montrant Buttigieg et son mari derrière le titre «First Family» (famille présidentielle). L’image avait fait grincer quelques dents au sein même des communautés LGBTQ américaines, où certains reprochent au candidat de jouer à fond la carte du mainstream. La campagne pour les primaires de Buttigieg a eu tendance à stagner ces derniers mois, après des débats télévisés assez décevant pour le candidat. Malgré un large capital de sympathie, ses intentions de vote se situent autour de 5 à 6%, loin du trio de tête constitué de Joe Biden, Elizabeth Warren et Bernie Sanders.
«Mauvaise humeur»
Ce week-end, «Mayor Pete» s’est repris, expliquant que les médias LGBT jouaient un rôle important dans le débat national. Attribuant sa sortie à un «moment de mauvaise humeur», il a précisé: «Je pensais à ce type de couverture médiatique qui me frustre, où on a l’air de dire aux gens comment ils doivent être gay.»
Ces excuses n’ont pas tout à fait convaincu un des principaux sites d’information LGBT américains, le «Washington Blade»: «Nous vivons des moments difficiles pour toutes les minorités et pour les femmes. Certains ont pu dire que Kamala Harris (ndlr: aussi dans la course à l’investiture) n’était pas assez Noire, ce qui est aussi fou que de dire que Mayor Pete n’est pas assez gay. Mais Harris ne se retourne pas contre les médias africains-américains.»
De même, Diane Anderson-Minshall dans le magazine «The Advocate» rappelle que Buttigieg est «blanc, chrétien, issu de la classe moyenne aisée, monogame, non-menaçant, et agréable à regarder, avec cette attitude typique du Midwest qui fait que les gens l’aiment bien»: «Moi-même je l’aime bien. Et je suis sûr qu’il est conscient de ce privilège, qui pèse lourd. Mais il faut qu’il se souvienne de tous les «radicaux» qui ont permis qu’il atteigne cette position.» Et de citer celles et ceux qui ont ouvert la voie aux droits des trans*, les activistes de la lutte contre le sida, les héros des droits civiques de Harvey Milk à Barbara Gittings. Les médias gay et lesbiens, puis LGBTQ font partie de cette histoire, remontant aux années 1950, souligne-t-elle. «Mayor Pete n’était pas juste de mauvaise humeur; il a montré une certaine myopie et a oublié que c’est aussi les journalistes LGBTQ qui l’ont aidé à arriver là où il en est.»