«Je n’attends même pas que les politiques s’adressent aux trans»
Camille Bernard est secrétaire du groupe français d'étude sur la transidentité, le GEST. Elle rappelle que les trans demeurent inaudibles dans le débat politique français.
«Le GEST est surtout actif dans l’information et la formation au sujet des transidentités. Comme le monde associatif trans est très petit, il est quasi impossible de se faire entendre pour des projets d’envergure. Le GEST est néanmoins devenu la « voix trans » au sein du planning familial. La politique sur la question trans est très différente d’un département à l’autre. L’intervention du GEST dans la formation des infirmières scolaires, par exemple, est financée par les régions.
«Les trans ne sont pas vraiment portés politiquement. Il y a deux ans l’association Intertrans a pourtant pu rencontrer un groupe de députés du PS qui ont émis un projet de loi concernant le changement d’état civil, mais je doute qu’il soit un jour débattu. La transidentité ce n’est pas un sujet volontiers abordé par les politiques. Malgré nous, on dérange, on remet en cause les fondements d’une vision de la société. Je n’attends même pas que les politiques s’adressent à nous, parce que pour eux on est un peu la cinquième roue du carrosse. En plus, en France, beaucoup de trans ne sont pas électeurs! Pour aller voter, il faut se confronter à la proclamation de votre nom et de votre identité. Alors, si on est plein de testostérone avec le crâne rasé et une barbe, il faut plus qu’une sacrée motivation pour s’entendre appeler Mademoiselle Monique Dupont en plein local de vote devant toute l’assemblée…!
Le courage d’affronter l’isoloir
«Pour ce qui est des procurations, seul moyen d’éviter le bureau de vote, elle doit être remplie à la gendarmerie. Là aussi, c’est pas facile de se confronter au regard voire aux moqueries. Du coup, à part ceux qui ont subi une réassignation sexuelle (opération des parties génitales permettant le changement d’état civil, n.d.l.r.) ou qui ont acquis une incroyable confiance en eux, il n’y a pas beaucoup de trans qui votent!
Je pense que les trans sont majoritairement à gauche. D’office, les trans se voient écarter des milieu conventionnels ou religieux alors ça pousse plutôt à gauche. Sinon, personnellement, j’espère qu’il y aura une grande masse de votes utiles au premier tour. Cette année, le spectre de 2002 plane vraiment. D’autant plus que Marine Le Pen plaît beaucoup, elle fait moins peur que son père. Le problème reste que si personne n’a vraiment envie de repartir avec Sarkozy, personne n’est non plus vraiment enthousiasmé par Hollande. Alors bon, on verra, je pense que droite ou gauche, pour les trans ça risque de ne pas changer grand-chose.»