Julien Burri: «Je voulais faire quelque chose de solaire»
Julien Burri signe Parades, un recueil de poèmes en prose chez Paulette Éditrice. Rencontre avec l’écrivain suisse de 42 ans qui conte avec délicatesse une expérience intime de la drague.
Il faut que je sois honnête avec vous, Julien ne m’est pas inconnu. Nos chemins se sont croisés pour la première fois sur les canapés en simili rouge des studios RTS de La Sallaz, alors que l’on se préparait à enregistrer un numéro de Question Q avec Christine Gonzalez.Peut-être était-ce pour cette émission-là que l’on avait abordé le sujet du cruising, alors que l’auteur vaudois nous offrait une chronique poétique contant les WC publics du passage Saint-François à Lausanne, tenus jadis par son arrière-grand-mère Angèle. L’écrivain lausannois est également un contributeur régulier du magazine 360°, et lorsqu’on me propose de commenter son dernier ouvrage, Parades, il est impossible pour moi de refuser cette offre, tant j’aime les mots de ce dentellier de la prose.
«Mettre un peu d’ordre dans la haine du monde»
Julien Burri est de ces écrivains qui se passionnent pour ce que certain·e·x·s jugeraient être des vétilles. Dans son dernier ouvrage, le Vaudois nous emmène à ses côtés dans d’infimes instants suspendus: le grincement d’un noyer ou l’ombre des branches sur le torse d’un homme prénommé Alexis. Alors que l’on discute sur la terrasse d’un café lausannois, Julien Burri explique que c’est avant tout grâce à Paulette Éditrice que ce livre existe. Le duo composé par les éditeur·rice·s Noémi Schaub et Guy Chevalley semble avoir été la rencontre idéale dans le petit monde de l’édition suisse romand, alors que Parades rejoint Cuisson au Feu de Bois et Quelques fleurs / Some flowers, dans leur collection Grattaculs dédiée aux écrits LGBTIQ+. C’est donc fort de ce soutien que Julien Burri a pu «faire un pas de côté pour créer quelque chose qui n’existait pas [au sujet du cruising], comme une forme d’hommage, pour remercier ces hommes», explique-t-il.
A la lecture des poèmes, on ne peut que penser à ce pan entier de la culture gaie qu’est le cruising, ou la drague en français. Ce sont des lieux et des corps qui les fréquentent, ici brillamment célébrés par la plume de Julien Burri. «Je voulais faire quelque chose de solaire», précise-t-il. C’est un pari que l’auteur romand a su relever haut la main. Gardant à distance le sordide et le voyeurisme, l’auteur nous propose un voyage sensoriel avec pour objectif la réparation d’un désir qui à peine découvert se trouve déjà malmené par l’homophobie. «Les corps sont à double fond. Ils contiennent d’autres corps, ceux des garçons de l’école qui ont fait de ta vie un enfer. Pédé pédale tapette […] Ta langue dans leur anus, leur bouche autour de ta queue, vous réparez, adoucissez ce qui blessait, mettez un peu d’ordre dans la haine du monde. Ensemble, vous trouvez la parade.» Et on le suit à travers des lieux anodins sublimés: un dortoir, une île, un labyrinthe, jusqu’à ce cet ultime retour: «Reviens dans la petite chambre de l’enfance. C’est l’été, le soir. Par la fenêtre entrouverte, chantent le noyer et le tilleul.»
Infos:
Julien Burri, Parades. Paulette Editrice, 85 pp