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Trou Noir: la dissidence sexuelle

Trou Noir: la dissidence sexuelle

Objet écrit non identifié, Trou Noir publie des textes exigeants, souvent pointus qui cherchent à théoriser nos vies LGBTIQ+. Tour d’horizon de ce fer de lance de la pensée critique queer contemporaine francophone.

Lorsqu’on évoque une pensée critique qui thématise la sexualité et le genre, c’est une généalogie imposante qui vient à l’esprit: Foucault et Butler bien sûr, ou encore Despentes et Preciado. Derrière ces grands noms se cache une nébuleuse importante de penseurs et de penseuses plus ou moins anonymes. C’est dans cette constellation intellectuelle que se situe Trou Noir, une revue publiée en ligne, le 28 de chaque mois. Ce qu’elle nous propose: un voyage dans la dissidence sexuelle, comme son sous-titre l’indique.

Dans la galaxie Trou Noir, on rencontre le médecin allemand Magnus Hirschfeld, l’humoriste suisse Zouc et le penseur français Geoffroy de Lagasnerie. On y traite des marges, des bords et des limites, qu’elles soient abordées par le prisme de la prostitution, de la prison, du handicap, de la littérature ou des identités.

«La littérature militante a de la peine à s’intéresser à la question du désir et de la sexualité»

«À la base, nous sommes un groupe d’amis qui évolue dans les milieux politiques de la gauche radicale en France. Notre constat, c’est que la littérature militante a de la peine à s’intéresser à la question du désir et de la sexualité, car bien souvent elle répond à une temporalité brève, liée à l’actualité. Et les textes plus engagés théoriquement ne prennent pas à bras le corps ces questions-là. Nos références intellectuelles sont par exemple celles du Comité Invisible et de son Insurrection qui vient, mais souvent dans ce genre d’ouvrage la dimension du désir est traitée en quelques lignes tout au plus. Le but de Trou Noir est de faire de la place à la question du désir dans ce corpus intellectuel-là», explique un membre du collectif.

Le site de Trou Noir a été lancé le 28 janvier 2020, et cherche notamment à historiciser le militantisme queer, à engager une réflexion sur l’héritage de ce mouvement. «Son nom fait référence à notre volonté de comprendre le monde par le prisme de la sexualité, du désir», relate un des fondateurs de la revue. Il souligne lui aussi l’angle mort que représente ce thème dans la pensée politique anticapitaliste. «Ce qu’on cherche finalement, c’est à regarder dans les yeux ce qui est refoulé dans la société.»

Fort de ce nom qui en impose, la revue digitale rencontre un lectorat important dès mars 2020, moment qui coïncide avec le confinement en France. Ce lectorat est d’ailleurs très actif, et propose des textes qui sont sélectionnés selon un processus de négociation informel entre les ami·e·x·s en charge de l’édition. «La priorité est surtout donnée à des textes différents, que l’on ne pourrait pas trouver ailleurs», souligne l’un des éditeurs. Il n’y a pas non plus de profil type pour les personnes qui contribuent par leurs écrits. «Ce sont des proches, des anonymes aussi.» Certains noms plus connus dans la recherche participent également à la vie de Trou Noir, comme la physicienne et directrice de recherches au CNRS Pérola Milman, qui a produit un texte qui interroge notamment la place des femmes dans le monde scientifique. La revue tourne grâce à ces contributions bénévoles, et l’engagement important de son noyau central. En tout, une dizaine de personnes animent ce projet.

«Rendre concret ce qu’internet laisse en suspens, à savoir rencontrer les personnes, voir se dérouler des discussions en dehors du format digital.»

Quel bilan après deux ans d’existence? «Depuis son lancement, nos vies ont été rythmées par la pandémie, ce qui a empêché toute rencontre avec le lectorat», déplore l’un des membres de Trou Noir. Cependant, l’idée d’une version papier a fait son chemin, et fort d’un crowdfunding déjà très soutenu, la publication en format poche regroupera un choix de textes littéraires et politiques. Le but de cette première impression papier? «Rendre concret ce qu’internet laisse en suspens, à savoir rencontrer les personnes, voir se dérouler des discussions en dehors du format digital. C’est prendre un tournant humain pour et par la rencontre, en se présentant en personne», relate l’un des fondateurs. L’éditeur de ce projet ambitieux est La Tempête, maison d’édition française qui publie depuis 2015 les idées de la gauche radicale. Cette publication sera distribuée dans les lieux politiques, les squats, les bibliothèques féministes et LGBTIQ+ et s’accompagnera d’une tournée des librairies, notamment à la librairie La Dispersion à Genève.

Et quels autres objectifs prochains pour Trou Noir? «Nous souhaitons organiser des séminaires, des moments publics pour approfondir les questions abordées dans nos pages. Le but serait de pouvoir inviter des spécialistes de certains concepts qui nous tiennent à cœur, afin qu’iels puissent s’exprimer librement à leurs sujets.»

Trou Noir est disponible en ligne, sur trounoir.org. Le site est enrichi de nouveaux textes publiés tous les 28 du mois.

Le crowfunding pour la première publication papier peut être soutenu ici: https://www.helloasso.com/associations/trou-noir/collectes/revue-trou-noir