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«Un certain niveau d’hormones se déverse dans mon art naturellement»

«Un certain niveau d’hormones se déverse dans mon art naturellement»
Photo: Andrea Ciarlatano / Instagram @ciarlaforever

«I put things on my head», annonce Andrea Ciarlatano sur son compte Instagram ciarlaforever. Savamment dévêtu dans ses créations, l’artiste et designer italien ne compte plus ses insatiables followers.

Après le food porn, place au fashion porn. Un carton à pizza, une bouteille de détergent ou des rouleaux de papier de toilette: dans son atelier milanais, l’artiste de 36 ans exhibe son corps irrésistiblement sexy à poil(s), déjoue les codes de la mode et, de façon fabuleuse, recycle tout sur son passage pour assouvir son obsession pour les chapeaux. So camp!

Tu es très suivi sur Instagram où tu as des followers partout dans le monde, mais pour le grand public en Suisse, dis-nous d’où tu viens?
Je suis né à Trieste, une ville du nord de l’Italie. Mes parents sont originaires de Rome et de Naples.

Que gardes-tu de tes origines?
Les poils!

Qui étaient tes modèles à l’adolescence?
Au début, j’aimais les Spice Girls et Sailor Moon, puis j’ai eu une période bizarre où j’écoutais Janis Joplin et d’autres trucs hippies. À 16 ans, j’ai découvert Björk, PJ Harvey, des choses plus récentes et alternatives…

Tes posts montrent une certaine idée de l’Italian lover, l’humour en bonus. Quels sont les aspects positifs de la culture italienne?
L’exagération et l’absurdité sont des traits forts propres aux Italiens, la plupart d’entre nous ne l’admettrons jamais! Pourtant, même si ce n’est pas intentionnel, c’est ce qui rend ce pays si fascinant. Tout ce que Fellini a filmé, on le voit réellement tous les jours, dans n’importe quelle ville ou village!

Photo: Andrea Ciarlatano / Instagram @ciarlaforever

Et qu’est-ce qui est moins positif?
Les Italiens sont chaleureux, mais ils ne sont pas toujours ouverts d’esprit. Ils ont du mal à adopter de nouvelles idées, de nouveaux concepts. Nous avons une histoire et une culture incroyables, mais parfois aussi une atmosphère répétitive, stagnante et indifférente.

L’Italie a la réputation d’avoir un côté puritain qui préfère ignorer la communauté LGBTQ+, c’est toujours le cas?
Si au moins c’était puritain, c’est catholique en fait! Il me semble que les pays protestants ont un certain pragmatisme. En Italie, nous préférons malheureusement «faire comme si rien ne s’était passé». On s’en tient aux formules, aux expressions vides et aux contradictions, plutôt qu’à la réalité.

Madonna avait-elle raison avec le slogan sur son T-shirt, «Les Italiens le font mieux»?
Non, au contraire! Les Italiens ont souvent peu d’imagination. Ils parlent beaucoup et concluent peu!

Sur Instagram, tu utilises ton corps comme un médium. Quels sont les messages que tu souhaites partager?
Faire avec ce que l’on a. Mon corps est un support pour moi, au même titre que le sont les rouleaux de papier toilette, les citrons, le tissu ou les bouteilles en plastique.

Quel rôle joue la sexualité dans tes créations?
Mes créations sont spontanées, je suppose donc qu’il y a un certain niveau d’hormones qui s’y déversent naturellement!

Comment vis-tu ton statut de sex-symbol sur les médias sociaux?
En réalité, je ne pense pas beaucoup aux médias sociaux, où tout ce qui est représenté est faux. Je ne pense pas avoir jamais posté quoi que ce soit de réel! Ciarla et Andrea sont deux personnages très différents. Dans ma vraie vie, je suis Andrea. Ce qui vit sur les médias sociaux est autre chose!

En dehors de Ciarla, sur quoi travailles-tu?
J’ai été styliste pour différentes marques de mode pendant dix ans, actuellement je collabore surtout avec des écoles. J’organise des ateliers dans des instituts à Florence, Milan et en Belgique. Dans ces workshops, je développe des projets avec les étudiant·e·x·s, parfois visuels, parfois plus techniques ou matériels. Dans tous les cas, j’essaie toujours de partir de l’intuition. Comme Ciarla, on utilise ce qui se trouve autour de nous et nous le transformons.

D’où vient ton lien avec la mode?
Je voulais faire quelque chose d’extrêmement léger et profond à la fois, ou complexe… J’aime travailler dans ce secteur plein de contradictions, mais aussi d’aspects très fascinants: le lien entre la technique et l’image, entre la matière et le corps, entre la production artistique et industrielle…

Photo: Andrea Ciarlatano / Instagram @ciarlaforever

Quel est ton premier souvenir de mode?
Geri Halliwell dans sa petite robe Union Jack. La légende dit qu’elle aurait été créée avec des bouts de torchons usagés!

L’Italie est un pays de mode, pourquoi as-tu choisi d’étudier en Belgique?
À l’époque, je ne savais pas que la mode était autant présente en Italie! Dans ma famille, on ne s’intéressait pas beaucoup aux vêtements, j’allais aux marchés aux puces et le secteur du luxe ne m’a jamais attiré. Au lieu de cela, j’ai été immédiatement attiré par les créations plus artistiques et conceptuelles qui sortent de l’école d’Anvers. C’était mystérieux, stimulant, nouveau.

Que retiens-tu de ta formation à l’Académie royale des beaux-arts d’Anvers?
Une relation très forte avec mes professeur·e·x·s et mes camarades de classe, qui découlait directement de ce que nous faisions ensemble. Nous vivions jour et nuit pour les vêtements, les dessins, les installations que nous créions. On y pensait en permanence, on ne parlait que de ça. Je ne sais pas si c’est toujours positif, mais je pense que la création donne lieu à des pensées et des relations très profondes et durables, des émotions infinies. C’est ce qui m’a marqué durant ces années.

Aujourd’hui tu collabores avec l’institution, de quelle manière?
J’organise des projets d’échange entre l’école, l’industrie manufacturière et des institutions publiques. À travers ce triangle se créent des méthodes éducatives hybrides et interdisciplinaires. Cette perspective permet de donner une éducation étroitement liée au monde de l’industrie et la société, sans pour autant perdre la forte mission éducative de l’école: celle d’expérimenter, de faire des erreurs et de s’explorer soi-même.

Quelle est la mode que tu préfères?
Je ne sais pas ce qu’est la mode en réalité, et je ne sais pas où elle se trouve. Évidemment, on voit de très belles créations dans les défilés. Mais je suis sensible à certains looks magnifiques de vieilles dames dans la rue ou de jeunes filles et garçons qui s’habillent dans les petits marchés. j’aimerais explorer certains temples et déserts, des endroits dans lesquels j’adorerais travailler…

Photo: Andrea Ciarlatano / Instagram @ciarlaforever

Tes créations artistiques s’inscrivent-elle dans le Ready Made?
Je ne pense pas qu’il faille décider ce qui est de l’art et ce qui ne l’est pas. Mes créations sont des compositions plus ou moins aléatoires, parfois ça marche, parfois ça ne marche pas. Ce n’est pas important. Par contre, si elles peuvent inspirer quelqu’un·e, peut-être qu’à ce moment-là elles deviennent des œuvres d’art, je n’ai pas la réponse. L’humain est central dans mon processus de création. Quand une belle chose naît d’une collaboration, ça c’est important, beaucoup plus que la chose qui en résulte.

Où en es-tu avec les œufs, très présents dans tes créations il y a quelques années?
Je ne les représente plus beaucoup maintenant… mais je les mange!

À quoi sert l’art selon Ciarla?
L’art sert à nous rendre humain·e·x·s.

Quels sont tes projets en 2021?
J’ai une myriade d’ateliers et d’événements en préparation, mais je dois attendre que ce satané Covid disparaisse! Dès que ce sera à nouveau possible, je souhaite ouvrir mon studio à celles et ceux ? qui veulent faire des trucs avec moi. La créativité généralisée et collective est ce qui m’intéresse le plus. À l’avenir, je veux explorer comment l’utiliser pour créer des expériences de mode et d’industrie tout aussi ouvertes et généralisées.