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«J’ai toujours aimé les doubles messages»

«J’ai toujours aimé les doubles messages»
©Marcin Kempski

Idole de la nouvelle scène LGBTQ+, Yelle rafle la mise avec des clips sexy et un style de la trempe des icônes absolues. Interview.

Ovni pop rescapé de MySpace dans le paysage de la chanson française, Yelle a conquis le monde entier. Derrière les couleurs acidulées et les punchlines à lire entre les lignes, Julie Budet et son compagnon Jean-François Perrier, alias GrandMarnier, composent des morceaux «pour pleurer et danser en même temps». On aime. En septembre 2020, le duo sortait L’Ère du Verseau, un quatrième album porté aux nues par la critique et les fans. Aussitôt culte, forcément. Et ce n’est certainement pas son concert reporté prévu aux Docks de Lausanne en décembre qui va nous faire changer d’avis. «Allô, Julie?», on lui dit «tu», elle répond en «nous».

Tu es très suivie par la communauté LGBTQ+, comment expliques-tu ce lien?
Il s’est fait naturellement. Depuis nos débuts, la liberté de ton de nos textes permet à nos fans de s’y reconnaître. En venant à nos concerts, ils savent que le public est bienveillant, respectueux et que tout le monde a sa place.

Tu parles d’un espace de liberté en quelque sorte?
C’est ce que nous revendiquons dans nos chansons. Sur scène et dans nos clips, je ne me bride pas et ne m’autocensure jamais. Notre message est: «Faites attention à la personne à côté de vous, chacun a le droit de s’exprimer dans le respect de l’autre.»

Que t’inspire la communauté LGBTQ+?
Elle m’inspire cette liberté d’être soi-même. Une liberté qui s’obtient par des combats qui ne sont pas identiques partout dans le monde, ou même d’une région à l’autre d’un même pays. Entre la ville et la campagne par exemple, j’imagine qu’on ressent un niveau d’acceptation différent.

Qu’en est-il en Bretagne, d’où tu viens?
J’ai eu la chance de grandir dans une famille très ouverte, sans aucun tabou et mes parents avaient des amis gays. J’avais une ouverture d’esprit que d’autres n’avaient pas forcément autour de moi.

Qu’est-ce qui te touche le plus dans ce combat?
Je suis émue par les jeunes qui se font virer de chez eux après avoir fait leur coming-out. Il m’est impossible de comprendre comment on peut rejeter son enfant pour cette raison, c’est extrêmement violent. En plus cela demande tant de courage de s’exprimer pour être ce que l’on veut être ! J’ai l’intention de me rapprocher d’associations pour les soutenir.

Ton nom d’artiste, acronyme de You Enjoy Life, se prononce comme le pronom neutre iel. Quel regard portes-tu sur les questions de genre actuelles?
Je trouve la fluidité pour les jeunes générations – celles et ceux qui ont 18 ans aujourd’hui – très positive. Notre regard est en train de changer. Quand j’étais au lycée, on assistait aux prémices, mais ce n’était pas simple de parler d’homosexualité pour mes amis, ils ne le revendiquaient pas. Aujourd’hui, il y a plus de partages d’histoires entre les adolescents, leurs proches et leurs parents. Il existe également des soutiens extérieurs et des outils pour comprendre, se faire aider, se libérer lorsqu’on n’y parvient pas tout seul. Tout n’est pas parfait, il reste du chemin à faire.

Une figure LGBTQ+ qui t’inspire?
Quand j’étais enfant et que je chantais dans ma chambre, je me déguisais en Madonna. Je récupérais les collants déchirés de ma mère et j’en faisais des gants et des tenues. J’adorais m’imaginer en elle. Elle amenait cette énergie très sexuelle qui m’inspirait déjà beaucoup à l’époque. Je la trouvais révolutionnaire et incroyable!

Elle t’a donné le goût de la provoc’?
Ça a tellement infusé depuis que je suis gamine, ça doit bien transpirer d’une manière ou d’une autre!

On parle d’icône gay dans son cas, le terme fonctionne pour toi?
Je suis trop timide pour le revendiquer, mais j’avoue que quand des fans me le disent, ça me fait plaisir. Moi qui était subjuguée par des artistes telles que Kylie Minogue ou Lio et Mylène Farmer en France, je trouve ça chouette d’être considérée comme un icône! On sent que c’est sincère chez toi.

Parle-nous de ton clip tellement gay J’veux un chien.
Haha, le mec est beau, n’est-ce pas? je trouvais cool que son corps parle autant aux hétéros qu’aux homos, ça crée une sorte d’imagerie où tout le monde peut piocher son fantasme perso.

Le clip de Je t’aime encore a été réalisé par Loïc Prigent et le coiffeur Charlie Le Mindu. Êtes-vous une clique?
Il s’agit avant tout de rencontres et de coups de cœur amicaux. En Bretagne, on n’a pas vraiment de bande, je préfère papillonner avec des amis de milieux différents. On connaît Charlie depuis longtemps, nous le croisions en soirée à Paris et nous avions déjà collaboré sur le clip de Comme un enfant en 2011. Loïc et lui se sont rencontrés artistiquement par notre intermédiaire, j’aime bien cette idée. Quant à Nicolas Maury, on se parlait déjà sur Instagram, puis un jour une amie commune nous a réunis. Nous avons passé quatre jours à nous marrer! On a immédiatement pensé à lui pour le clip de Vue d’en face.


Le clip très hot de J’veux un chien, extrait de l’album L’ère du Verseau de Yelle

As-tu le trac avant de monter sur scène?
Beaucoup, mais jamais au point de me sentir mal physiquement. Dix minutes avant d’y aller, ça monte très sérieusement. Le trac est un phénomène assez étrange, à la fois désagréable et nécessaire pour me mettre dans l’état que je souhaite atteindre sur scène. Ça se dissipe très vite, le temps d’une chanson et je me trouve dans autre chose.

Dans quoi?
C’est une grosse montée d’adrénaline, une vraie drogue. Il y a vraiment ce truc de shoot de joie et d’amour qui fait qu’on a envie d’y retourner tout de suite. Après un concert, je suis épuisée et surexcitée. Il me faut trois heures pour que ça redescende. C’est chimique.

Un concert qui t’a marquée?
The Cure au festival des Vieilles Charrues il y a quelques années. J’étais complètement happée par Robert Smith, il est tellement captivant. Je ne pouvais pas me détacher de sa personne et de sa voix. Il y avait une vraie communion avec le public.

Le disque qui a changé ta vie?
Running Up That Hill de Kate Bush. Je l’ai entendue la première fois quand j’avais 9 ans, nous partions en vacances la nuit avec mes parents. Il faisait chaud, je regardais les phares des voitures que l’on croisait, je garde un souvenir très cinématographique de la basse et la rythmique de ce morceau. J’ai immédiatement ressenti la force qu’il me transmettait et me donne encore aujourd’hui. L’esthétique et la manière de créer de Kate Bush sont fascinantes.

Comment définis-tu la musique de Yelle?
C’est de la musique pour pleurer et danser en même temps.

Tu définis ton album L’Ère du Verseau comme léger et profond, mélancolique. Des caractéristiques que l’on retrouve chez William Sheller, dont tu as repris récemment Le carnet à spirales. Pourquoi cette chanson?
J’avais commencé une petite liste des morceaux de la chanson française qui me plaisent, William Sheller arrive toujours en premier. J’ai redécouvert ses albums lorsqu’on m’a offert un coffret il y a quelques années. Ses orchestrations sont incroyables. Pour moi, il aurait dû avoir plus de succès. Sa musique est-elle trop grandiose pour être comprise? C’est un génie.

Depuis tes débuts, ton image est très pop, acidulée et colorée. D’où te vient et comment nourris-tu cette culture?
Sans être une dingo de mode, ma mère achetait parfois le ELLE. J’étais fascinée par certaines publicités et l’univers de Jean-Paul Gaultier. J’avais ce goût du vêtement, de le transformer, de m’amuser avec. Le déguisement a toujours fait partie du jeu. Ensuite quand j’ai commencé, j’ai toujours tenu à me changer sur scène, aussi pour vaincre ma timidité. Grâce à mon métier, j’ai eu accès à des designers dont j’aime le travail. La mode a ce pouvoir de libérer et permet d’explorer d’autres façons de s’exprimer, c’est génial.

As-tu déjà fait des collab avec des designers de mode?
Pas pour l’instant. Enfin, nous avons eu une collab avec Reebok, mais c’est plus une marque qu’un designer. J’ai beaucoup travaillé avec le designer belge Jean-Paul Lespagnard pour la création de mes costumes et sur les pochettes d’albums. Avec Jean-Charles de Castelbajac, c’était plutôt pour du live et les clips. Et puis Jean-Paul Gaultier m’a prêté des tenues pour un clip aussi.

Et Moschino?
C’est marrant, parce que Jeremy Scott est un des premiers à m’avoir prêté des vêtements quand je tournais aux États-Unis. Il m’envoyait des sacs remplis de fringues, des pièces incroyables de l’époque de sa collection pour Adidas, des joggings complètement fous que je garde précieusement!

Parle-nous de ta collaboration avec Pierre Alexis Hermet, ton styliste sur L’ère du Verseau et les clips qui l’accompagnent.
Nous nous sommes rencontrés sur la pochette de l’album, pour lequel nous voulions une ambiance plus sombre, des formes et des matières différentes de ce que nous avions expérimenté jusque-là. Il a ce regard qui lui permet de voir d’où on vient et où il peut nous emmener. Pendant le shooting à Varsovie et les essais lumière, il tentait des trucs. Je sentais bien qu’il n’était pas content. À un moment il m’a dit: «Viens avec moi dans la loge, je voudrais essayer quelque chose.» Il m’a fait une sorte de cagoule avec un body, c’était le twist manquant qui faisait le lien avec cet univers un peu marin. Dans le clip de J’veux un chien, je porte cette combinaison très sexy et qui en même temps ne montre que peu de peau. J’ai toujours aimé les doubles messages.

Et le manteau couette de Vue d’en face?
On voulait quelque chose qui s’apparente au cocon. Tant qu’à s’envelopper, Pierre Alexis a imaginé ce manteau en couette, à l’image de ce que l’on vit en ce moment de confinement. Mais je tiens à préciser que le scénario avait été écrit avant!