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D’un temps incertain à un tremplin certain

D’un temps incertain à un tremplin certain
De g. à dr. Vanessa Schindler, Mourjjan et Nina Yuun, photos Alexander Palacios

La 14e édition de Mode Suisse s’est déroulée début septembre dans le nouveau Museum für Gestaltung à Zurich. Une vraie scène émergente à l’horizon ? Débriefing avec le créateur de l’événement, Yannick Aellen.

La réputation de l’excellence suisse en termes d’architecture et de design dépasse nos frontières depuis longtemps. Toujours considéré comme un petit eldorado au milieu d’une Europe tourmentée, le pays au quatre régions linguistiques est réputé pour son luxe, son calme, sa volupté et ses horizons de carte postale. En bonus, la Suisse trimbale avec elle un nombre certain de clichés plus ou moins glorieux: ici, on sait faire des montres et du chocolat. Très bien. Et la mode dans tout ça?

Figurez-vous que la question n’a rien de ridicule, car le secteur gagne du terrain en même temps que son rayonnement dépasse allègrement les frontières géographiques. Notamment grâce à la connectivité qu’offre internet. Longtemps reléguée au rang de parent pauvre des métiers du design, la notion de «mode suisse» faisait rosir les joues des designers helvétiques jusqu’à il y a peu, tant elle semblait être une hérésie sur la cartographie fashion internationale.

Fun, colorée et genderless
Le mieux placé pour prendre le pouls de l’évolution de la scène n’est autre que Yannick Aellen, qui inlassablement depuis bientôt sept ans organise, supervise et fait vivre Mode Suisse, plateforme unique consistant à encourager le lien entre les jeunes designers, le public et les acheteurs. A l’issue de la 14e édition, il se régale tout en gardant la tête froide: «C’était une édition fun, très colorée et souvent genderless. C’était cool de voir cela. La mode sélectionnée prend beaucoup d’ampleur et les créateurs jouissent d’une visibilité sans précédent. La profession est maintenant consciente de la scène, mais il reste un travail à faire pour voir les créations descendre dans la rue», éclaire-t-il avant de préciser: «Conséquence des écoles qui se sont considérablement professionnalisées, les jeunes créateurs sont plus «ready», même ceux qui commencent très jeunes.»

Jacqueline Loekito, photo Alexander Palacios

Dans un cadre si prospère et enclin à la créativité, on peut se demander pour quelles raisons la rue fait encore rempart à la mode made in Switzerland. Là encore, le manager a une petite idée sur la question: «C’est la rencontre de plusieurs phénomènes. Contrairement au passé, les kids sont très fashionistas. A 14 ans, ils sont hyper informés et savent tout sur les dernières pièces de Supreme. L’intérêt pour la mode s’est démocratisé, surtout pour les grosses marques. Aujourd’hui, les gamins de 13 ans connaissent Raf Simons par le biais de ses collaborations avec Adidas ou Eastpack. Et nous n’avons pas cela en Suisse. Pour changer la donne, il faudrait que Julian Zigerli fasse du Supreme ou du Vuitton».

Se développer en Suisse et vendre à l’étranger
Il n’empêche, aujourd’hui tout est différent. Et ce n’est pas le fruit du hasard. Plus évolutive qu’explosive – à l’image de la culture soft du pays – la perspective d’une scène mode s’est profilée au fil des ans, notamment grâce à l’excellent niveau des filières mode de la HEAD à Genève et l’Institute of Fashion Design à Bâle. Véritable vivier de talents émergents, ce type de cursus ouvre de réelles perspectives professionnelles pour les meilleurs d’entre eux. La dernière en date à avoir bénéficié d’une propulsion express sur le devant de la scène internationale est Vanessa Schindler: son diplôme de la HEAD en poche en 2016, elle raflait la mise à l’unanimité avec sa collection la même année avant d’être primée au Festival international de mode de Hyères avec sa collection «Urethane Pool, chapitre 2». Une collection pour Petit Bateau plus tard, la revoilà en Suisse, consacrée lors de la dernière édition de Mode Suisse à Zurich.

«J’étais très heureux de voir sa première collection sur le marché, annonce fièrement Yannick Aellen. Je suis aussi un grand fan de Julia Heuer, elle instaure un vrai dialogue artistique avec un univers très spécifique. Elle vend déjà dans huit boutiques à l’étranger, notamment grâce au Dach Showroom que nous organisons avec le Berlin Showroom et l’Austrian Fashion Association AFA pendant la Fashion Week à Paris. La scène est plus forte, j’observe plus d’échanges. Les attentes sont aussi plus élevées qu’il y a quelques années. La mode suisse a fait un gros pas en avant au niveau de l’image et d’une certaine internationalisation grâce à notre plateforme, mais aussi grâce au travail de créateurs qui visent une portée au-delà des frontières.»

YVY, photo Alexander Palacios

C’est le cas de Julian Zigerli justement. Sans jamais renier ses origines qui font partie de l’ADN de son style, il était parti étudier à Berlin avant de revenir s’installer en Suisse pour y développer sa marque. Fort du soutien de sa famille et de ses amis, il a ouvert son flagship store à Zurich, ce qui ne l’empêche pas de vendre aux Etats-Unis et en Asie. Confiant en l’avenir radieux de la mode en Suisse, Yannick Aellen ne perd pas le nord pour autant: «Nous avons la chance d’avoir les médias de notre côté et la presse internationale s’intéresse à nous: les versions en ligne des VOGUE italien et allemand nous font des articles à chaque saison. Les graines poussent, mais il faut avant tout que la création soit bonne», observe-t-il avant de conclure : «Cette saison est avant tout une réussite au niveau des grands magasins qui prennent à nouveau des risques, comme Globus avec Mourjjan. En fin de compte, vendre est le plus important pour les jeunes créateurs.»