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Everybody’s Perfect, un état du monde

Le festival de cinéma revient du 14 au 22 octobre, pour une ambitieuse quatrième édition. Tour d'horizon du programme avec le programmateur de l'événement LGBT genevois, Hervé-Joseph Lebrun.

En quatre éditions d’existence, le rendez-vous genevois du cinéma LGBTIQ Everybody’s perfect s’est fait sa place dans le réseau des festivals européens. Aujourd’hui, EBIP est le troisième en importance sur le Vieux-Continent. Genève déroulera ses bobines une semaine durant en présentant une sélection riche de 100 films, documentaires ou courts-métrages. Si 7000 festivaliers sont attendus le comité d’organisation compte pour sa part un nouveau venu en tant que programmateur. Hervé-Joseph Lebrun est plasticien et architecte de formation. Il est surtout délégué-général du festival de film gay, lesbien et trans de Paris Chéries-Chéri depuis 2010. L’occasion de se pencher avec lui sur le programme de cette édition mais également sur une industrie en pleine mutation.

360° – Parlons, en introduction, de la programmation et des temps forts de cette édition…
Hervé-Joseph Lebrun – Nous avons construit le programme autour des genres. Nous avons essayé de conserver une sorte de trinité entre les composantes gay, lesbiennes et transgenres. C’est le premier élément. Ensuite, comme dans tous les festival LGBTIQ nous avons essayé d’avoir des films importants. C’est-à-dire des films qui cartonnent et qui ont été primés dans les festivals de renommé internationale comme la Berlinale. Nous avons programmé par exemple «Mademoiselle» de Park Chan-Wook, qui a été présenté à Cannes en mai dernier, «King Cobra» de Justin Kelly avec James Franco et Christian Slater ou encore «Les amants de Caracas», Lion d’or du festival de Venise 2015. Il y a beaucoup de très bonnes choses à voir.

– Le festival s’articulera aussi autour de grandes thématiques…
– Oui, cela nous semblait important d’un point de vue social et politique. On a par exemple une journée qui est consacrée au cinéma militant turc. On assiste en ce moment à une épidémie de meurtres de femmes transgenres en Turquie. Il y a encore eu des crimes commis cet été. C’est un point très fort de cette édition. On a développé aussi des soirées spéciales autour de débats. Il y en a presque un par soir. Par exemple, l’une est consacrée à l’homophobie. Nous discuterons autour du film «Les pensées de Paul» du français Jean-Baptise Errecat qui raconte le travail d’un artiste plasticien qui est invité durant le festival et qui prolongera son œuvre durant la semaine.

– Paul Harfleet, c’est le nom de cet artiste…
– Oui. Dans le film, il photographie quotidiennement des endroits où ont eu lieu des agressions homophobes, lesbophobes ou transphobes. Il y plante une fleur, une pensée. Un terme que l’on traduit en anglais par pansy qui signifie également homosexuel. Il regroupe ensuite cet ensemble dans des expositions et des œuvres vidéo. Durant le festival, il proposera de prendre en photo les témoins de violences liées au genre qui le souhaitent. C’est un grand moment puisque l’on fait participer le public à la création d’une œuvre plastique.

– Everybody’s perfect sera également l’occasion de parler de la vieillesse mais aussi du VIH…
– Nous aurons un film américain «Gen silent» de Stu Maddux qui va alimenter le débat «vieillir LGBT». Et c’est vrai que nous donnons une large place au VIH et à la séropositivité avec une soirée dédiée.

– Si l’on creuse un peu autour du VIH/sida, quel est le regard que les cinéastes portent aujourd’hui sur la maladie?
– Le regard est variable selon les pays et selon le thème du film. On peut avoir des œuvres comme des biopics du passé ou des œuvres contemporaines qui traitent de problématiques nouvelles. Cette année nous avons un bon exemple avec la projection du film «Théo et Hugo dans le même bateau». Le film est un dispositif spécial sous la forme d’un faux temps réel. Pendant l’heure et demie du film, on suit un jeune homme qui va être contaminé et se rendra à l’hôpital pour suivre un traitement post-exposition. Nous avons aussi un film israélo-britannique qui a été présenté à la Berlinale. «Who’s Gonna Love Me Now» est un documentaire sur un homme israélien qui vit à Londres et qui va devenir séropositif. Il se demande alors comment il va annoncer cela à sa famille et, notamment, s’il doit rentrer au pays. Nous avons encore plusieurs approches du VIH/sida. Cette thématique est très importante pour les festivals de films LGBTIQ. L’épidémie a été à plusieurs égards fondatrice de ces rendez-vous culturels.

– Quelle est l’approche d’un festival comme Everybody’s perfect?
– Il y en a effectivement plusieurs. Vous pouvez par exemple construire votre programmation autour de films qui vont cartonner. Cette approche n’est pas à jeter car aujourd’hui, il faut être capable de trouver un équilibre financier notamment pour continuer à faire vivre ces événements. Il faut toujours garder en tête cette nécessité d’être attrayant. Chaque année, il y a des nouveaux pays qui entrent dans la galaxie des productions LGBTIQ. Mais on ne peut pas demander à tout le monde d’avoir envie de voir un film chinois ou un film plus ou moins difficile d’accès. Notre travail, c’est trouver un équilibre pour, in fine, amener le public à voir toutes ces créations moins évidentes. Il faut avoir des films d’appel. Il y a donc un aspect commercial et un aspect militant.

– On voit aussi que le cinéma est de plus en plus traversé par les thématiques LGBTIQ…
– Je le ressens globalement de façon positive malgré le fait que beaucoup de films sortent en salles sans passer par le réseau LGBTIQ. A tel point que certains distributeurs décident parfois de gommer un peu cette composante pour mettre en avant autre chose, une grande star par exemple.

– Est-ce que l’on n’assiste pas à une forme de cinéma queer qui ne dit pas son nom?
– Prenez Xavier Dolan, il n’aime pas cette étiquette queer… Il y a effectivement des réalisateurs et des producteurs qui évitent de louer leurs films à nos festivals. Pour nous, c’est difficile de travailler dans ces conditions car des œuvres deviennent complètement inaccessibles. C’est un débat que l’on a en permanence depuis quelques années. Xavier Dolan en est un exemple même si je sais que Everybody’s perfect avait réussi à obtenir la projection de «Mommy». Sans vouloir être trop schématique, plus un film est produit, plus il dépend d’une major américaine, plus c’est compliqué pour nous. Mais il y a tout un autre cinéma qui existe. Il y a un vivier de réalisateurs et de producteurs, notamment des pays émergents. Eux, ils ont envie que l’on voie leur travail. Cette année on a notamment des films croates, turcs, vietnamiens. Il faut bien se rendre compte qu’il y a toujours des pays qui n’ont pas de productions comme la Russie ou encore des Etats d’Afrique du nord et subsaharienne. Là-bas, vous allez à la rigueur trouver des documentaires mais pas de fictions. On espère que cela va changer grâce, entre autres, à l’effet de levier généré par nos festivals. Un film primé bénéficie d’une visibilité. C’est comme ça que cela s’est passé pour la Chine et l’Amérique latine. On est là pour porter la parole des minorités qui sont écrasées ou qui ont des difficultés dans leur propre pays.

– Cela nous montre aussi que les choses ne sont jamais acquises…
– C’est vrai! Prenez le mariage pour tous en France. Nous avons vu tous les homophobes se lever et ce n’est pas fini. Nous sommes là, avec des rendez-vous comme Everybody’s perfect, pour créer une grande réunion. Pour inviter tous les publics pour assister à cet état du monde. Pour partager des idées. Pour se rassurer aussi. Je pense tout particulièrement à une frange de la jeunesse qui parfois est en grand désarroi. Chez nous tout ce public peut rencontrer le tissu associatif, par exemple. Nous sommes un point de relais et de repères pour beaucoup.

Happening participatif

L’artiste plasticienne Sonia Rickli propose un happening en ouverture du festival international du film queer de Genève. Rejoignez le mouvement en vous inscrivant via l’adresse sonia@everybodysperfect.ch.

» Toutes les infos sont sur le site du festival everybodysperfect.ch