«Shotgun Seamstress», antidote au carnaval capitaliste
Ovni issu de Washington DC, l’archétype du «fagzine» activiste mixe allégrement la sainte trinité afro + punk + queer. La jubilation est au rendez-vous.
A l’intersection de toutes les subcultures, quelques miracles peuvent parfois se produire lorsqu’un ange passe. C’est le cas du fanzine «Shotgun Seamstress», auto-proclamé «le zine fait et lu par des punks blacks, des queers, des marginaux, des féministes, des artistes et musiciens, des genz zarbi et tous ceux qui les soutiennent». Sa créatrice, Osa Atoe, afro-américaine d’origine nigériane a eu l’aplomb d’unir dans un même élan plusieurs clans en ébullition, difficilement conciliables, générant ainsi un étonnant petit monstre hybride aux super-pouvoirs démultipliés par un effet domino des plus émulateurs. Difficile en effet d’imaginer une publication moins politiquement correcte que celle-ci, au sein des microcultures alternatives américaines, avançant ensemble à contre-courant sans nécessairement se tenir les coudes pour autant.
Pavé dans la mare
En tentant de décloisonner ces différents vases clos desquels elle fait elle-même intégralement partie, Osa Atoe pose sans le vouloir quelques questions gênantes, même à travers de simples «statements» francs et limpides. Et si le milieu alternatif soi-disant affranchi de la vulgaire bêtise mainstream n’était après tout qu’une vague réplique encore plus malodorante et sectaire de ce vaste carnaval capitaliste à petite bite? Et pourquoi est-il si compliqué d’être à la fois punk, noire, féministe et gay alors que chacun de ces milieux se veut révolutionnaire et prêt à sauver le monde? Et sans vraiment le voir arriver, le pavé est dans la mare.
«Hors caste»
Ne s’embarrassant donc pas d’essuyer ses pieds sur le paillasson, «Shotgun Seamstress» est né en 2006 et se présente comme la suite logique du mythique fanzine «Punk Planet» en version black. Ne traitant pas spécialement de féminisme dans les sujets abordés, il est féministe dans son essence même et prône simplement un certain savoir-vivre dans des milieux parfois hostiles pas forcément prédestinés dans leur accueil à ses lecteurs «hors-caste». La facture 100 % punk de l’objet ainsi que le choix des intervenants renforcent le caractère activiste de la publication sans pour autant verser dans le prosélytisme. Une certaine nonchalance pleine d’humour est de mise, et on y croise aussi bien l’ex girlfriend d’Osa Atoe, la musicienne Adee Robertson, que la géniale Poly Styrene de x-Ray Spex ou que Brontez Purnell. On peut aussi y lire des extraits des livres de Ru Paul ou de Don Letts (le DJ qui fit découvrir le reggae aux punks londoniens) et recevoir en pleine face quelques portfolios photographiques édifiants dont le fameux «Banned in DC» de Cynthia Connolly.
La force et l’honnêteté de la démarche D’Osa Atoe se ressentent à travers chaque page photocopiée à la Xerox, cela n’étant finalement pas si surprenant venant de la part d’une farouche autodidacte ayant appris ses premiers riffs de guitare toute seule comme une grande dans sa chambre à l’âge où ses pairs se déhanchaient sur Boyz II Men. La bonne nouvelle étant que «Shotgun Seamstress» continue à paraître à l’heure actuelle après avoir déménagé à la Nouvelle-Orléans et qu’il est possible de lire ou posséder ce sympathique brûlot qui œuvre à gommer certaines discriminations d’un goût douteux là où l’on s’attendrait le moins à en trouver. A découvrir dans sa version papier photocopié, comme il se doit.
Pour obtenir un numéro de «Shotgun Seamstress»: mendmydresspress.bigcartel.com
Blogspot: shotgunseamstress.blogspot.com
Facebook: facebook.com/shotgunseamstresszine