Vilain petit Aznar
Rencontre avec Cisco Aznar, le chorégraphe catalan de la Compagnie Buissonnière, une troupe de danse lausannoise qui présente «Le vilain petit canard», son nouveau spectacle pour enfants… et pour adultes.
«Peter Funk», «Orlando», «Lola la Loca» et, l’an dernier, «Parce que je t’aime», fable tragique et burlesque sur l’homosexualité brimée. Autant de spectacles flamboyants et borderline qui ont valu à La Compagnie Buissonnière leur lot d’acclamations – mais aussi d’incompréhension. Pas étonnant alors que la troupe de danse lausannoise menée par son chorégraphe Cisco Aznar s’attaque à l’histoire du plus fameux des incompris: Le vilain petit canard, une adaptation délirante du conte d’Andersen. Avant les palmes, Cisco Aznar reçoit notre canard, entre une tournée madrilène et la préparation fiévreuse d’un Coppélia pour le Grand Théâtre de Genève.
Vous avez à peine défait vos valises. Vos impressions de Madrid?
Beaucoup de fêtes, ça changeait de Lausanne! Nous nous sommes produits dans le cadre du festival de danse contemporaine «Escena contemporanea». Les organisateurs avaient invité des drag-kings pour la première fois en Espagne. Leurs performances étaient très fortes, très engagées, rien à voir avec les drag-queens. L’une d’elles contrefaisait des hommes qui se travestissent en femme pour critiquer l’image outrancière que se font les homosexuels de la femme. C’était très marquant.
Parlons du prochain spectacle: Pourquoi perdre son temps avec des spectacles pour enfants après l’immense succès populaire de «Parce que je t’aime?»
Le théâtre pour enfants souffre du mépris de la profession. Pour les acteurs, il s’agit souvent de projets mineurs. Je pense au contraire qu’il est essentiel de proposer des spectacles de qualité aux enfants, qui les changent du «politically correct» et des pièces à vocation pédagogique. Moi, je me fous de la pédagogie et de la morale.
Y a-t-il parenté de plumage entre ce vilain petit canard et Cisco Aznar?
D’une certaine façon, oui. Quand j’étais petit, j’étais différent à l’école. D’abord je bégayais, ensuite j’étais efféminé et je n’aimais pas le sport. A la maison aussi, j’étais le plus jeune d’une fratrie de quatre et ma mère ne m’avait pas désiré. Alors je suis resté dans mon œuf plus longtemps, comme le petit canard.
Janice, votre acteur principal, est noir. Comment avez-vous traité sa transformation finale en cygne blanc?
Justement, j’ai changé la fin qui ne me plaisait pas dans le conte d’Andersen. L’idée que chacun a besoin de trouver son troupeau pour se réaliser, même si elle vraie, je la trouve horripilante. C’est ce qu’on endure avec la compagnie. On est trop baroques et trop kitsch pour rentrer dans le moule de la danse contemporaine. Du coup on est exclus de ce milieu.
Du point de vue de la mise en scène, qu’attendre de cette danse des canards?
Une maman cane en Marlène Dietrich fasciste! (rires) S’il y aura des chants, des castagnettes et d’autres délires, je suis malgré tout resté assez fidèle à l’histoire d’Andersen. Il manque juste, à mon avis, la vengeance du petit canard contre ses persécuteurs. Ce sera peut-être la suite.
«Le vilain petit canard» par la Cie Buissonnière
Du 15 mars au 9 avril au Petit théâtre de Lausanne; 12 place de la Cathédrale. Réservations: 021 323 62 13
www.lepetittheatre.ch