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L’icône iconoclaste

L’icône iconoclaste

Elle l’a promis à ses nombreux fans et haters, Cardi B revient en 2020 avec un nouvel album peaufiné en confinement. Le calendrier est idéal pour tester le Quotient Queer de l’hurluberlue du rap américain qui a fait de la controverse sa formule magique.

En surface elle a tout pour plaire: plus fun et tout autant bad girl que la plupart de ses concurrentes, Cardi B est une farfelue assumée, une sorte d’extraterrestre. En bonus, elle renoue avec la grande tradition hollywoodienne du «petit cri» face caméra lancé par l’icône gay absolue Jayne Mansfield dans les années 50. Vérifions sans plus tarder son Quotient Queer.
Avant cela, rappelons-nous la signification du terme «queer». Nous vivons une époque où chaque mot compte, sa précision autant que la puissance de sa portée. Directement traduit du dictionnaire de Cambridge, voici la double définition de l’adjectif:
1. Étrange, inhabituel, pas attendu.
2. Qui ne correspond aux idées traditionnelles sur le genre ou la sexualité, en particulier l’idée que tout le monde est soit homme soit femme ou que les gens ne devraient avoir des relations sexuelles qu’avec le sexe opposé. Il s’agit d’un terme plus fluide (comparativement à gay, bisexuel, lesbienne, hétérosexuel, homme et femme, qui sont des termes plus fixes) qui permet de reconnaître une différence, sans avoir à la définir de manière rigide.

Elle défend les propos nauséeux de son époux

«I cannot vibe with queers», soit «Je ne peux pas vibrer avec les queers»: lorsque son mari Offset du trio de rap Migos balance sa phrase dans un featuring avec YFN Lucci en 2018, ça ne passe pas du tout. Plutôt que de lui demander de s’excuser, Cardi B s’empare de Twitter pour le défendre, argumentant: «Pourquoi n’éduquez-vous pas les gens? Beaucoup de gens ne savent pas ce qui est bien ou mal dans la communauté LGBTQI», pendant que lui se justifie par un pathétique: «Ma passion pour la mode m’a amené à rencontrer beaucoup de personnes gay que je respecte follement.» OK. En gros, leur ignorance est la faute des LGBTQI, et la communauté n’a qu’à retourner à ses chiffons pour se faire respecter. Zéro pointé vers l’infini.

De Facebook à Twitter, la guerre des tranchées

Toujours en 2018, un mème posté sur sa page Facebook illustrant un homme passant une porte accompagné de la légende «J’espère que personne ne verra ce travelo quitter ma maison» choque ses fans. Accusée d’homophobie et de transphobie, elle explique qu’il s’agit de l’acte d’un ancien employé qui a accès au compte. Puis se défend sur Twitter avec virulence: «Comment pourrais-je être homophobe ou transphobe, putain? Êtes-vous jamais allé sur une île des Caraïbes où l’on se confronte réellement à l’homophobie? Avez-vous eu affaire à un parent qui n’accepte pas votre sexualité? J’ai dit des choses ignorantes par le passé et je m’en suis excusée. Je ne savais pas que travelo est un mauvais terme, car mes amis trans l’utilisent et mes parents ne m’ont jamais appris qu’il s’agit d’un gros mot.» Mouais… Ça patauge, ça rame, ça se ramasse les vagues d’indignation de ses fans LGBTQI, mais les explications de Cardi B ne parviennent pas à calmer la tempête.

La mode, la mode, la mode!

Loin des querelles des médias sociaux, la rappeuse s’est forgée une réputation de monstre de mode, coiffant au poteau ses aînées Lady Gaga et Nicki Minaj. Son credo? De la couleur flash, des décolletés sans fin, une audace à tous les étages, affichant une insolente assurance qui se fout pas mal de la notion de «bon goût». Vulgaire, Cardi B? Terriblement, et alors? Sans gêne et avec beaucoup d’humour, elle s’affiche en Moschino au Met Gala. Le directeur artistique de la maison, l’Américain Jeremy Scott, que l’on pourrait qualifier de Jeff Koons de la mode, mise tout sur le kitsch et la culture pop acidulée pour habiller ses amies du showbiz. Lorsqu’elle ne sort pas en Moschino, elle s’habille en Tom Ford, Thierry Mugler et notre grand favori, Thom Browne. Ou alors d’humeur plus sobre et élégante, hop elle enfile un Chanel.

Combats de reines

Hollywood a toujours aimé les rivalités entre stars, surtout féminines. Ryan Murphy s’en est brillamment inspiré dans la série «Feud», qui retrace la féroce bataille entre Bette Davis et Joan Crawford au cinéma. Dans le rap, c’est pareil: on se bat pour le trône car il n’y a qu’une place au sommet. Plus glamour que Booba et Kaaris à Orly, Cardi B et Nicki Minaj choisissent la Fashion Week de New York pour se crêper le chignon en septembre 2018. C’est le point d’orgue d’une interminable série de règlements de comptes sur fond de jalousie via Twitter. Le ton monte, les insultes ne tardent pas à fuser lors du très chic dîner organisé par le magazine Harper’s Bazaar. «Bitch come here!», hurle Cardi B à sa rivale, maitrisée par ses gardes du corps qui ne tardent pas à perdre le contrôle. Tout-à-coup, sa chaussure à talon compensé rouge vole dans le visage de Minaj. Cardi B, escortée par la sécurité, est amenée vers la sortie, pieds nus et une grosse bosse sur le front.

Pas de sot métier

Cardi B n’est pas née avec une cuillère en argent dans la bouche. Avant de s’imposer sur la scène internationale du rap, elle a cumulé les petits jobs. La star aux 72 millions de followers sur Instagram a commencé sa carrière comme danseuse exotique juste après le collège. Puis en 2017, elle a prêté sa voix pour Romantic Depot, le plus grand magasin de sex toys de New York. Elle invite ses fans à s’y rendre: «Romantic Depot, baby! Dis mon nom et tu recevras un sex toy gratuit!» Evidemment, ces jobs sont tout à fait honorables. Encore mieux, elle l’assume haut et fort, sans craindre le jugement des bien-pensants. Un bon point pour elle, enfin.

Résultat 4,2

Queen Queer, Cardi B? On aurait bien voulu… Force est de constater qu’elle accumule les faux-pas envers la communauté LGBTQI et s’en défend avec beaucoup de maladresse. Voire même des relents homophobes. Ouvertement bisexuelle, la rappeuse de 27 ans semble maîtriser le caractère contestataire du rap. Mais comme encore beaucoup trop de ses homologues masculins, la question queer ne semble pas passer pleinement dans le milieu. Encore un gros effort à fournir pour devenir une vraie alliée, Cardi B. Allez, tu vas y arriver.