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Le QQ de Billie Eilish

Le QQ de Billie Eilish
© Universal Music

Sa chanson «Wish You Were Gay» avait fait polémique à sa sortie en 2019. Pour y voir plus clair dans cette affaire, testons le Quotient Queer de Billie Eilish.

Regard absent, paupière lourde et mèche verte fluo, Billie Eilish a un côté extraterrestre. En réalité, la jeune artiste américaine de 19 ans est une simple adolescente de son époque. Le parfum du scandale? Sans façon. Elle, tout ce qui l’intéresse, c’est sa musique. À un magazine qui lui demandait récemment si elle était amoureuse, elle a répondu simplement «Oui, je suis amoureuse», avant d’ajouter en pointant le doigt dans sa direction: «De moi-même».

Féministe nouvelle vague

«Si j’étais un mec, personne ne bougerait un cil pour parler de ma façon de m’habiller. Beaucoup de gens me disent: «Habille-toi comme une fille pour une fois. Tu serais bien plus jolie dans des vêtements moulants et ta carrière décollerait!» Billie Eilish fait de la résistance et elle a bien raison. Décidément venue d’une autre planète que Britney Spears, la chanteuse fait partie de cette génération qui refuse de se plier aux désirs des autres. «Chacun a ses opinions sur ma musique, mes fringues, mon corps, révélait-elle en mars dans le magazine Seventeen. Qui décide à ma place? Ma valeur est-elle uniquement basée sur la perception des autres? Ou est-ce que l’opinion des autres n’est tout simplement pas ma responsabilité?» Autant de questions existentielles auxquelles la communauté LGBTIQ+ doit régulièrement faire face.

Son style vestimentaire

Baggy semble être le nom de code du dressing de l’égérie Calvin Klein. Dans la campagne Speak My Truth in #MYCALVINS, elle expliquait en 2018 son choix pour les vêtements amples et sans formes. Déclaration contestataire au «body shaming», il s’agit pour elle d’éviter les commentaires sur son corps:  «Personne ne peut émettre d’opinion, car ils ne voient pas ce qui se passe sous mes vêtements. Personne ne peut dire ‹ elle est trop maigre ›, ‹ elle est trop grosse › ou ‹ elle a un gros cul ›.» Son raisonnement tient la route et on ne peut que le respecter. Même s’il est un peu compliqué de comprendre ses motivations de devenir ambassadrice pour une marque de mode dans ces conditions.

Son titre polémique

Ses fans LGBTIQ+ aux Etats-Unis se réjouissaient d’un hymne queer, ils ont vite déchanter en découvrant les paroles de son single «Wish You Were Gay» sorti en mars 2019. Elle s’adressait en fait à un garçon qui, parce qu’elle ne l’intéressait pas, aurait mieux fait d’être gay selon elle. Bizarre, bizarre. Évidemment, le backlash n’a pas tardé. Pas démontée, la chanteuse s’expliquait sur ses réseaux sociaux: «Que les choses soient claires, ce n’était pas supposé être une insulte. J’ai l’impression d’avoir été mal comprise. J’ai vraiment tout essayé pour que la chanson ne soit pas prise comme une offense. L’idée du titre, c’est un peu comme une blague du genre: «Je suis naze et tu ne m’aimes pas. J’aurais préféré que tu ne m’aimes pas parce que tu n’aimes pas les filles.» Mouais.

James Bond girl

Composée avec son frère Finneas O’Connell, «No Time To Die» est la chanson du prochain James Bond. Reprenant les ingrédients à haute teneur cinématographique de ses prédécesseurs, le morceau a la noirceur crépusculaire de l’époque en plus, qui n’est pas sans rappeler Portishead dans ses heures les plus sombres. En ajoutant la corde Bond à son arc, la jeune artiste s’inscrit dans la lignée des divas frappées à jamais du sceau de l’agent secret britannique «so sexy»: Sam Smith, Adele, Madonna, Shirley Manson, Tina Turner, Shirley Bassey et Nancy Sinatra, pratiquement toutes érigées en icônes gay absolues.

Popstar normcore

La très sophistiquée Lana Del Rey a beau l’inspirer musicalement, Ellie ne fait rien comme les autres, totalement à contre-courant dans une industrie qui accélère sa production de «gay icons». Pour l’heure, elle se contente de poursuivre sa route sans prodiguer un traitement de faveur à la communauté LGBTIQ+. Imperturbable, la star aux 63 millions d’abonnés Instagram ne cède pas au système et résiste aux clichés. Très loin d’Ariana Grande, Katy Perry ou Taylor Swift, elle s’apparente plus à Avril Lavigne il y a quelques années, étoile filante d’une certaine idée du grunge lissé et esprit «street».

Résultat 3,6

Pas folichon, mais pas étonnant. Force est de constater que la jeune artiste, volontairement diamétralement opposée à des stars comme Lady Gaga qui ont tout capitalisé sur leur public LGBTIQ+, se situe au-delà de ces principes de marketing pur. D’une génération préférant prôner la fluidité des genres plutôt que l’enfermement à double tours dans des cases prédéfinies, Billie Eilish ne s’encombre pas des questions existentielles de ses aîné·e·s. Sans ne jamais y être indifférente, elles les transcende.

Billie Eilish «When We All Fall Asleep, Where Do We Go?», distr. Universal Music.